Les scientifiques ont fait de grands progrès en découvrant ce qui ne causait pas les courbatures après l’exercice physique. Il ne s’agit pas d’un spasme musculaire persistant, ni d’une accumulation d’acide lactique. Au lieu de tout cela, la plupart des chercheurs sont désormais d’accord avec la théorie proposée pour la première fois il y a un siècle de cela qui met en cause des “déchirures” microscopiques dans les muscles [1]. Mais cela ne lève pas le voile sur la totalité du mystère : car si les dégâts causés aux muscles sont la cause des courbatures, pourquoi la douleur n’est-elle la plus sensible que 24 à 48 heures après avoir fait du sport ?
Vous pourriez savoir par expérience que plus on s’entraine intensivement et plus on est susceptible d’être courbaturé le lendemain ou le surlendemain. Mais l’intensité n’est pas le seul facteur, comme de nombreuses expériences de course à pieds en montagne, ou de grimpés d’escaliers, l’ont montré.
Par exemple, des chercheurs Suédois ont comparé trois groupes de volontaires qui ont couru pendant 45 minutes sur un tapis de course, soit avec une pente montante de quatre degrés, soit avec une pente descendante de quatre degrés. Même si le groupe qui montait devait travailler le plus durement pour conserver son rythme, c’est seulement le groupe avec la pente descendante qui a développé des courbatures musculaires différées.
La raison en est que courir en pente descendante implique des contractions musculaires “excentriques”, qui apparaissent quand le muscle essaye de se raccourcir, mais est forcé par des forces/charges extérieures de s’étirer. Les exemples typiques sont les mouvements de flexions de bras avec haltères au moment où le poids descend en étant retenu par le muscle biceps, ou cette action de freinage de votre muscle quadriceps (muscle supérieur de la cuisse) lorsqu’on descend une pente. Pendant les contractions excentriques, les filaments des muscles sont étirés jusqu’à leurs limites, et parfois même au-delà. Les dommages résultants éliminent efficacement les liens les plus faibles dans les muscles, ainsi seront-ils plus forts une fois réparés [2].
Ironiquement, c’est le processus de réparation, plutôt que celui de détérioration lui-même, qui est susceptible de causer la douleur le(s) jour(s) suivant(s) l’exercice physique. Le corps envoie des cellules appelées les neutrophiles et macrophages pour évacuer les tissus endommagés et mobiliser toute une foule d’autres types de cellules pour commencer le processus de reconstruction. Les membranes externes des cellules musculaires proches sont endommagées dans le processus, ce qui permet au fluide de s’engouffrer et de causer la croissance des muscles.
Pendant ce temps, une autre substance appelée la bradykinine est libérée par le muscle endommagé, qui, après un délai d’environ 12 heures, cause une augmentation des niveaux du “facteur de croissance nerveuse” qui dure environ deux jours. Le facteur de croissance nerveuse, qui est associé à la douleur chronique, rend vos terminaisons nerveuses plus sensibles, à tel point que tout mouvement de ces muscles enflammés comprime ces nerfs hypersensibles et cause la douleur.
Des études récentes au Japon [3] et ailleurs ont suggéré que la sensibilité nerveuse causée par la bradykinine était suffisante pour expliquer la réponse différée des courbatures, et que toute inflammation est pure coïncidence. Ce débat n’est cependant pas clos.
Le message pratique est évident : une fois que vous avez commis le crime, il faut laisser le temps au temps. La douleur résulte des dégâts musculaires, et une fois que l’entrainement est terminé, vous ne pouvez pas “retirer” les détériorations des muscles, malgré les nombreuses promesses des vendeurs de lotions magiques, crèmes et autres pilules miracles. La bonne nouvelle, cependant, c’est que le muscle endommagé reviendra plus fort une fois réparé.
En fait, sans ce cycle de dommages/réparations, on ne tirerait aucun bénéfice de l’entrainement, ainsi, inconsciemment, nous désirons tous que notre entrainement tombe dans ce cycle où nous faisons suffisamment de dégâts microscopiques pour stimuler l’adaptation musculaire, sans en faire trop pour ne pas se blesser ni que ce soit trop douloureux pour devoir sauter l’entrainement suivant.
En même temps que les faibles fibres musculaires sont éliminées, nous devenons de moins en moins sujets aux courbatures. Et il n’est pas besoin de souffrir des effets complets des courbatures pour avoir cet effet protecteur, c’est pourquoi un peu de modération de retour à l’entrainement, ou le fait d’essayer un nouvel exercice, peut vous permettre d’éviter complètement les courbatures.
Références :
[1] The prevention and treatment of exercise-induced muscle damage. G. Howatson, K. van Someren. Sport Medicine, 2008, 38(6), 483-503.
[2] Leukocytes, cytokines, growth factors and hormones in human skeletal muscle and blood after uphill or downhill running. Christer Malm et al. Journal of Physiology, 2004, 556(3), 983-1000.
[3] Bradykinin and nerve growth factor play pivotal roles in muscular mechanical hyperalgesia after exercise. Shiori Murase et al. Journal of Neuroscience, 2010, 30(10), 3752-3761.