Nombreux sont ceux qui affirment que le fait de plonger dans un bain d’eau froide ou glacée n’est pas seulement vivifiant et stimulant, mais que c’est aussi bon pour vous. Ce sont les mêmes qui assurent souvent ne pas avoir eu de rhume depuis des années. Dans de nombreux pays ou régions, il y a une tradition du bain en eau froide, qu’elle soit régulière ou lors d’occasions spéciales comme au nouvel an, ou encore comme faisant partie d’un circuit des SPA en alternant la chaleur du sauna et la douche glacée qui est supposée être source de bénéfices à la santé.

Mais l’immersion en eau froide est une épée à double-tranchant, et il existe autant d’autres individus, notamment ceux qui travaillent dans le domaine du secours à la personne, qui vont mettre l’accent sur les dangers que pose l’eau froide et son cortège de noyades.

Il existe des siècles de références aux dangers posés par l’eau froide : Hérodote qui décrit la funeste expédition du général Perse Mardonius, écrivait en 450 avant JC que “ceux qui ne savaient pas nager ont péri de noyade, les autres du froid”. En décembre 1790, James Currie, médecin, est resté impuissant face aux populations d’un voilier américain échoué en eaux froides et qui a coulé. Currie a été si affecté qu’il fut l’auteur des premières études enregistrées sur les effets de l’immersion en eau froide sur le corps humain.

De même que les déclarations sur les bénéfices de l’eau froide, en spa ou dans la mer, ont un long héritage derrière eux : la thérapie par l’eau d’Hippocrate a été conçue pour apaiser la “lassitude” (fatigue physique ou mentale), alors que Thomas Jefferson affirmait que 60 ans de bains d’eau froide tous les matins l’avaient “maintenu en bonne santé”. En 1750, il y avait beaucoup de publications recommandant de nager dans la mer pour traiter une large gamme de maladies, et l’hiver était considéré comme la meilleure époque pour une telle activité. La popularité des bains de mers a atteint son apogée à la fin du 18° siècle, ce qui a conduit à l’établissement des nombreuses stations balnéaires toujours en activité de nos jours. Il y a eu récemment une augmentation de la popularité de la natation “légèrement” froide en lac, rivières et torrents, ou des nages marathon.

Mais la principale question est : que dit la recherche scientifique sur ces bains d’eau froide ? Bénéfiques ou nocifs ? Des scientifiques ont cherché des éléments de preuves [1].

Un moyen rapide de mourir

Il n’y a pas de doutes que les réponses physiologiques à l’immersion en eau glacée sont dangereuses, et sont des précurseurs à la crise cardiaque brutale, à la perte de la capacité à nager, à l’hypothermie et à la noyade [2]. L’hypothermie a traditionnellement été considérée comme la principale menace de l’immersion en eau froide, et notamment suite au tragique destin des victimes du Titanic et plus tard des milliers de marins morts pendant la Seconde Guerre Mondiale.

Cependant, une collection de plus en plus importante de preuves statistiques, expérimentales et anecdotiques se sont focalisées sur la réaction de “choc au froid” [3] : la réaction cardio-respiratoire initiale suscitée par le refroidissement soudain de la peau. Cela provoque un certain stress sur le cœur, et la perte de contrôle soudaine de la respiration conduisant à l’essoufflement signifie que la probabilité de respirer dans l’eau, même en très faible quantité pour se noyer, est en forte augmentation.

Par exemple, la réaction de choc thermique atteint son point culminant dans une eau entre 10-15°C, et les un ou deux litres de manque de souffle provoqués par l’immersion dans l’eau froide sont habituellement plus importants que la dose létale d’eau salée nécessaire pour se noyer. Le choc thermique explique pourquoi environ 60 % de ceux qui décèdent dans l’eau froide meurent dans les cinq premières minutes, et pas dans la période plus longue qu’il faudrait pour que ce soit l’hypothermie qui en soit la cause.

Revigorant

Du côté positif, il n’y a pas de doute qu’un plongeon dans de l’eau froide stimule le corps. La libération des hormones du stress donne ce sentiment d’énergie d’être réellement “vivant”. Le froid et le stress sur le corps par l’immersion dans l’eau peut aussi agir pour réduire les gonflements et combattre l’inflammation [4]. L’utilisation de la thérapie par l’eau froide pour aider la récupération après l’exercice a rapporté avoir différents niveaux d’efficacité, cela dépendant de l’exercice et du traitement utilisé [5].

Pour rester dans le thème de l’inflammation, il y a de plus en plus de preuves qui relient l’inflammation à la santé physique et mentale. Le fait de s’habituer à l’eau froide par des immersions répétées pourrait théoriquement réduire la réaction inflammatoire du corps [6]. Cette réduction de l’inflammation explique pourquoi des immersions répétées dans l’eau froide pourraient être thérapeutiques pour d’autres conditions pouvant avoir une composante inflammatoire. Par exemple, il y a des recherches qui montrent que la dépression est une réponse à l’inflammation dans le corps [7].

Il y a aussi des preuves montrant que le fait d’habituer le corps à l’eau froide augmente la capacité de ce dernier à s’adapter à d’autres stress apparemment sans lien entre eux. Par exemple, il y a des preuves que des courtes immersions dans l’eau froide améliorent la réaction du corps au stress de la haute altitude [8]. Le fait d’être devenu adapté à en surmonter un permettrait au corps de faire de même avec l’autre.

Finalement, cette vieille rengaine disant que les bains d’eau froide constituent un moyen de défense efficace contre les rhumes est fausse, car concernant les bénéfices au système immunitaire de nager en se les gelant, il n’y a rien de démontré. Certaines études en laboratoire avaient rapporté une amélioration des marqueurs du fonctionnement immunitaire, mais l’importance clinique de ces résultats est incertaine [9].

Par exemple, l’infection des voies respiratoires supérieures est souvent utilisée comme une mesure utile du fonctionnement du système immunitaire : les nageurs en eau froide ont montré avoir moins d’infections que leurs homologues qui ne nagent pas, mais ils n’ont pas moins d’infections que les nageurs en piscine [10]. Ici réside donc l’un des problèmes des “bénéfices” prétendus du débat sur les bains d’eau froide : les expériences correctement contrôlées qui isolent les immersions en eau froide de la socialisation, de l’exercice, d’une amélioration de la condition physique, de faire de l’exercice en pleine nature et des autres activités qui ajoutent des variables plus complexes n’ont tout simplement pas été faites.

Ainsi, la balance indique que l’immersion en eau froide a un plus grand potentiel à “tuer” plutôt qu’à “guérir”. Cependant, vous pouvez toujours en profiter et être revigoré par une petite immersion festive, mais en y allant lentement, avec un ami et lors d’événements supervisés, et si vous portez une combinaison personne ne vous en voudra.

Références :

[1] Cold water immersion : kill or cure ? Experimental Physiology, Volume 102, Issue 11, 2017, pp 1335–1355.

[2] Sudden Failure of Swimming in Cold Water. Br Med J. 1969 Feb 22 ; 1(5642) : 480–483.

[3] The initial responses to cold-water immersion in man. Clin Sci (Lond). 1989 Dec ;77(6):581-8.

[4] Cold-water immersion and other forms of cryotherapy : physiological changes potentially affecting recovery from high-intensity exercise. Extrem Physiol Med. 2013 ; 2 : 26.

[5] Cold-water immersion (cryotherapy) for preventing and treating muscle soreness after exercise. The Cochrane Library.

[6] Adaptation related to cytokines in man : effects of regular swimming in ice-cold water. Clin Physiol. 2000 Mar ;20(2):114-21.

[7] The role of inflammation in depression : from evolutionary imperative to modern treatment target. Nat Rev Immunol. 2016 Jan ;16(1):22-34.

[8] ’Cross-adaptation’ : habituation to short repeated cold-water immersions affects the response to acute hypoxia in humans. J Physiol. 2010 Sep 15 ;588(Pt 18):3605-13.

[9] Immune system of cold-exposed and cold-adapted humans. Eur J Appl Physiol Occup Physiol. 1996 ;72(5-6):445-50.

[10] Cold water swimming and upper respiratory tract infections. Extrem Physiol Med. 2015 ; 4(Suppl 1) : A36.

A lire également