Selon les slogans de certains T-shirts, la réussite sportive dépend de la capacité du sportif à souffrir (“No pain, no gain”). Après tout “la douleur est temporaire, mais la fierté est éternelle” ! Bien entendu, quiconque s’entraine et fait de la compétition sportive sait que c’est un peu plus compliqué que ça. Aucune douleur ne pourra triompher de grands déficits de forme physique, d’aptitude et de préparation. Il y a quelques années, des recherches assez intéressantes ont étudié comment la douleur influençait la performance.
L’article le plus récent est de Lex Mauger de l’Université du Kent et ses collaborateurs de l’Université de Bedforshire. Mauger a réalisé plusieurs études en utilisant du Tylenol (i.e. du paracétamol). Son étude, publiée dans l’European Journal of Applied Physiology [1], a analysé des sprints répétés au lieu d’essais d’endurance. Neuf sujets ont réalisé un entraînement de 8 x 30 secondes de vélo à fond avec 2 minutes de repos actif entre chaque sprint, ils ont répété cet entraînement deux fois, une fois avec 1,5 gramme de Tylenol 30 minutes avant l’entraînement, l’autre fois avec un placebo. Ci-dessous la moyenne de la puissance délivrée pour chaque sprint :
Comme on peut le voir, le groupe qui a pris du Tylenol était meilleur que l’autre groupe, tout particulièrement dans les derniers sprints quand les niveaux de douleur étaient les plus élevés. La douleur (évaluée sur une échelle allant de 1 à 10, 20 secondes entre chaque intervalle) augmentait régulièrement depuis le niveau 4 lors du premier sprint, à 10 au sprint final, et elle n’était pas différente entre les deux groupes. Cela montre que les sujets avaient leur propre rythme, qui ne reposait pas sur certains paramètres physiologiques tels que l’accumulation de lactate, mais plutôt atteignaient certains niveaux “acceptables” de douleur tels qu’ils pouvaient toucher les limites de leur tolérance (10 sur 10) à la fin de leur entraînement.
La question de ce qui cause réellement la douleur pendant l’exercice physique demeure assez controversée, c’est pourquoi le passage suivant, servant d’introduction à l’étude, peut apporter de l’eau au moulin :
“La douleur provoquée par l’exercice résulte de substances algiques (comme des ions d’hydrogène, de bradykinine, de potassium et des prostaglandines) qui sont libérées des cellules quand l’homéostasie est dérangée à cause d’un exercice intense. Ces éléments chimiques soit activent, soit sensibilisent ou augmentent l’inflammation des fibres musculaires de type III et de type IV, qui ensuite transmettent des signaux nociceptifs au système nerveux central concernant les dommages actuels ou potentiels des tissus (O’Connor and Cook 1999). Il est proposé que ce retour afférent, avec l’accumulation de la chaleur, les courbatures musculaires et la fatigue musculaire, pourrait être important pour permettre au système nerveux d’établir l’intensité de l’exercice à un niveau où l’homéostasie du corps est maintenue, et une réserve métabolique est préservée durant la durée d’une séance d’exercice (Tucker 2009). “
Avec la “douleur”, la dernière phrase mentionne la “fatigue musculaire” comme l’un des éléments du retour d’information que le cerveau intègre afin de décider à quelle vitesse et à quelle intensité vous pouvez continuer à pousser. Bien que les deux concepts se fondent souvent ensemble quand nous voulons expliquer pourquoi nous sommes obligés de ralentir pendant une course ou un entraînement, ce sont deux choses différentes qui sont toutes deux importantes.
Il y a eu de nombreuses autres études qui ont étudié les analgésiques et leurs effets sur la performance athlétique avec des résultats mitigés. Un ensemble d’études a utilisé de l’aspirine et a analysé ses effets sur des tests progressifs jusqu’à épuisement (comme les tests de VO2max), et n’ont pas trouvé d’effet.
L’une des possibles explications est que ces tests progressifs ne permettent pas de définir un rythme donné – la vitesse d’un tapis de course ou la résistance d’un vélo stationnaire est établie par l’expérimentateur, et la seule décision que vous prenez est d’arrêter. Les expériences qui ont découvert le plus grand effet des analgésiques semblent être des essais dont le rythme est décidé personnellement ; dans ces situations, vous prenez des décisions sur une période de temps basée sur le retour d’information provenant de plusieurs sources, y compris la douleur – ainsi il y a plus de possibilités pour que les analgésiques aient un effet.
Un autre ensemble d’études a utilisé du fentanyl pour bloquer complètement les signaux de la douleur depuis le bas du corps. Dans ce cas, les performances sur un vélo étaient vraiment pires, parce que les sujets ne ressentaient pas la douleur et commençaient très, très vite, puis s’arrêtaient, vidés, dans la seconde partie de l’essai. Ainsi, le fait de totalement bloquer la douleur n’est pas bénéfique, parce que cela vous empêche d’avoir un retour d’information valable sur le rythme à adopter.
Références :
[1] Eur J Appl Physiol. 2013 Oct 12. The influence of acetaminophen on repeated sprint cycling performance. Foster J, Taylor L, Chrismas BC, Watkins SL, Mauger AR.