Quand nous pensons aux os, c’est le squelette sans vie qui vient à l’esprit, mais nos os sont un organe vivant qui croit et qui change de forme durant toute la vie. La plupart de ce développement résulte de forces qui pressent, qui étirent et qui tordent le squelette quand nous bougeons, et la plus grande de ces forces est causée par nos muscles.

Les os subissent des forces formidables pendant le mouvement. Quand le talon d’un triple sauteur frappe le sol, la force est d’environ 15 fois son poids de corps – ou le poids d’une petite voiture [1]. En fait, étant donné que les muscles sont normalement fixés près des articulations, les forces musculaires sont même plus grandes que ces forces d’impact (de la même façon que vous devez poussez plus dur pour porter quelqu’un sur un tape-cul plus vous êtes situé au milieu de la balance). En conséquence les os éprouvent aussi un impact et une force musculaire importants pendant les tâches de tous les jours, totalisant plus de cinq fois le poids du corps même pendant la marche [2].

Ces forces écrasent, tordent et plient les os. L’os du tibia se raccourcit brièvement de presque un millimètre quand le pied frappe le sol en courant [3]. Ces os ressentent ces petits changements, et ils peuvent croitre de façon importante – notamment dans les mois qui suivent le début d’un programme d’exercices – afin de réduire le risque de se briser. Par exemple, les os du bras qui tient la raquette chez les joueurs de tennis peuvent être plus larges de 20 % et contenir 40 % de densité minérale osseuse de plus que l’autre bras [4], tandis que les coureurs de sprint ont jusqu’à un tiers de masse osseuse de plus dans leur tibia que chez ceux qui ne font pas d’exercice [5].

Mais tous les exercices physiques ne font pas de gros os. Il faut des impacts ou une pression importants (frapper le sol en sautant ou frapper une balle de tennis, soulever des poids) pour faire du muscle et produire des forces d’impact suffisantes pour que les os changent. En conséquence, tous les exercices ne sont pas bénéfiques aux os. Les nageurs et les cyclistes peuvent avoir des cœurs, des poumons et des muscles en bonne santé, mais leurs os ne sont pas très différents de ceux des individus qui ne font pas d’exercice [6].

La réaction des os à ces forces est différente sur toute leur longueur. Près des articulations, les os deviennent plus gros et plus denses, tandis que les corps des os tendent à grossir et à s’épaissir avec peu de changement dans leur densité osseuse [7]. Les os changent aussi de forme. Le corps de l’os du tibia commence comme un tube circulaire, mais il s’élargit de l’avant vers l’arrière en même temps que nous grandissons et il commence à bouger jusqu’à ce qu’il ait une forme de goutte. Mais si nous chargeons moins nos os, ils s’affaiblissent et ces effets ne sont pas moins dramatiques. Les astronautes perdent jusqu’à 1 % de la masse osseuse de leurs jambes par mois quand ils sont dans l’espace [8], tandis que les gens immobilisés qui souffrent d’un traumatisme de la moelle épinière perdent jusqu’à la moitié de la masse de leur tibia [9].

Des os plus forts pour la vie

Ce façonnage des os par les forces semble se dérouler durant toute la vie. Même à 15 mois, les enfants qui commencent à marcher tôt ont jusqu’à 40 % d’os en plus dans leur tibia que les enfants qui ne marchent encore pas [10] ; des effets qui durent jusqu’à leur adolescence [11]. Les os semblent être plus sensibles à la charge quand nous grandissons encore. Une fois que nous avons atteint notre taille définitive, les os semblent être moins en mesure d’augmenter leur largeur, notamment près des articulations [12]. Alors que certains des bénéfices disparaissent graduellement une fois que vous cessez de faire du sport, des os qui ont fait de l’exercice restent plus larges même plusieurs décennies après l’arrêt de l’exercice physique [13].

Cela veut dire que l’exercice physique pendant l’enfance fait des os plus gros et plus forts pour toute la vie. Ce qui est très important car des os plus gros et plus forts sont moins susceptibles de se casser quand nous vieillissons (ostéoporose). Sans doute que l’exercice physique peut être très efficace pour ce qui est de renforcer les os des enfants [14] et aussi pour réduire la perte osseuse due aux grasses matinées [15] voire pour inverser partiellement la perte de densité osseuse après une blessure à la moelle épinière [16]. On sait d’ailleurs que les enfants qui passent leur temps devant la télévision (plus de 14 heures par semaine) ont un squelette en moins bonne santé plus tard vers 20 ans [17].

Cependant, les effets de l’exercice sur les os chez les personnes âgées sont beaucoup plus faibles [18]. C’est un gros problème étant donné que les os se brisent plus souvent quand on vieillit. L’absence d’amélioration importante dans la qualité des os comme résultat de l’exercice physique chez les personnes âgées pourrait venir de ce nous ne pouvons pas produire autant de force quand nous vieillissons, ou que les os sont moins sensibles aux forces que nous produisons [19]. Ou bien il se pourrait que les changements dans nos muscles et os signifient que la quantité de pression, de déformation et de torsion que nos os subissent pendant le mouvement changent eux aussi. Des nouvelles techniques nous permettent de visualiser ces modèles [20], qui pourraient nous permettre de mieux préparer des exercices plus efficaces pour les personnes de tous âges.

Les forces qui agissent sur nos os pendant les mouvements de tous les jours et les exercices ont une forte influence sur la taille, la forme et la force de nos os. Si nous bougeons moins, ceci peut fragiliser nos os qui seront plus susceptibles de se casser, mais le fait d’être actif et de faire de l’exercice comme de courir, jouer au football, faire de la musculation ou du tennis peut nous aider à rendre nos os plus forts. Maintenant, les exercices physiques semblent être plus efficaces chez les enfants et pour ce qui est de stopper ou de ralentir la perte osseuse.

Cependant, la recherche en cours va nous apporter une image plus claire de la façon dont les forces déforment nos os pendant différents mouvements. Ceci va permettre de concevoir des exercices plus efficaces pour les os pour différentes populations, et de traduire les effets spectaculaires de l’exercice sur les os, comme on peut le voir chez les athlètes, en bénéfices pour toute la population.

Références :

[1] J Sports Sci. 2000 May ;18(5):363-70. Biomechanical loading in the triple jump.

[2] Determining Muscle Forces in the Leg During Normal Human Walking—An Application and Evaluation of Optimization Methods. J Biomech Eng 100(2), 72-78 (1978)

[3] Bone. 1996 May ;18(5):405-10. In vivo measurement of human tibial strains during vigorous activity.

[4] Med Sci Sports Exerc. 2013 Sep ;45(9):1749-58. Upper limb muscle-bone asymmetries and bone adaptation in elite youth tennis players.

[5] Bone. 2009 Jul ;45(1):91-7. Bone mass and geometry of the tibia and the radius of master sprinters, middle and long distance runners, race-walkers and sedentary control participants : a pQCT study.

[6] J Bone Miner Res. 2005 Mar ;20(3):520-8. Femoral neck structure in adult female athletes subjected to different loading modalities.

[7] Calcif Tissue Int. 2002 Jun ;70(6):469-74. Site-specific skeletal response to long-term weight training seems to be attributable to principal loading modality : a pQCT study of female weightlifters.

[8] J Musculoskelet Neuronal Interact. 2000 Dec ;1(2):157-60. Bone mineral and lean tissue loss after long duration space flight.

[9] Bone. 2010 Sep ;47(3):511-8. doi : 10.1016/j.bone.2010.05.025. Structural analysis of the human tibia in men with spinal cord injury by tomographic (pQCT) serial scans.

[10] Bone. 2014 ;68:76-84. Time since onset of walking predicts tibial bone strength in early childhood.

[11] J Bone Miner Res. 2016 ;31(5):1089-98. Motor Competence in Early Childhood Is Positively Associated With Bone Strength in Late Adolescence.

[12] Osteoporos Int. 2014 ;25(4):1389-400. Effects of age and starting age upon side asymmetry in the arms of veteran tennis players : a cross-sectional study

[13] Physical activity when young provides lifelong benefits to cortical bone size and strength in men. PNAS, 2014, vol. 111 no. 14

[14] J Bone Miner Res. 2001 Jan ;16(1):148-56.Jumping improves hip and lumbar spine bone mass in prepubescent children : a randomized controlled trial.

[15] Bone. 2010 ;46(1):137-47. doi : 10.1016/j.bone.2009.08.051. Prevention of bone loss during 56 days of strict bed rest by side-alternating resistive vibration exercise.

[16] Arch Phys Med Rehabil. 2000 Aug ;81(8):1090-8. Electrical stimulation : can it increase muscle strength and reverse osteopenia in spinal cord injured individuals ?

[17] Joanne A McVeigh, Kun Zhu, Jenny Mountain, Craig E Pennell, Stephen J Lye, John P Walsh, Leon M Straker. Longitudinal Trajectories of Television Watching Across Childhood and Adolescence Predict Bone Mass at Age 20 Years in the Raine Study. Journal of Bone and Mineral Research, 2016.

[18] The Influence of Muscular Action on Bone Strength Via Exercise. Clinical Reviews in Bone and Mineral Metabolism. 2014, Volume 12, Issue 2, pp 93-102

[19] Calcif Tissue Int. 1992 Apr ;50(4):306-13. Suppression of the osteogenic response in the aging skeleton.

[20] J Biomech. 2015 Feb 5 ;48(3):456-64. On the relationship between tibia torsional deformation and regional muscle contractions in habitual human exercises in vivo.

A lire également