Cette technique de méditation très répandue visant à soulager du stress et de la douleur a très peu d’éléments de preuve scientifiques pour en démontrer l’efficacité réelle.
Le concept de méditation de la pleine conscience implique de se concentrer sur la situation et l’état d’esprit présents. Cela peut vouloir dire une conscience de l’environnement, des émotions et de la respiration, ou plus simplement de profiter de chaque bouchée d’un excellent met. La recherche, ces dernières années, a associé les pratiques de la pleine conscience à une impressionnante collection de bénéfices possibles pour la santé.
Le fait de s’accorder avec le monde qui nous entoure peut, d’après plusieurs études, apporter un sentiment de bien-être. Plusieurs comptes rendus associent la pleine conscience à un meilleur fonctionnement cognitif. Une étude suggère même que cela pourrait préserver les extrémités de nos chromosomes, qui se raccourcissent avec l’âge.
Pourtant, de nombreux psychologues, neuroscientifiques et experts de la méditation redoutent que tout ce battage ait outrepassé la science. Dans un article publié dans Perspectives on Psychological Science [1], 15 psychologues et scientifiques de la cognition de renom lancent une alerte disant que malgré sa popularité et ses bénéfices supposés, les données scientifiques sur la pleine conscience font cruellement défaut. Beaucoup de ces études sur la pleine conscience et la méditation, notent les auteurs, sont de qualité médiocre, sont compromises par des définitions incohérentes de ce qu’est vraiment la pleine conscience, et manquent souvent d’un groupe de contrôle pour neutraliser l’effet placebo.
Cette étude cite une revue de 2015 publiée dans l’American Psychologist [2] qui avait rapporté qu’environ 9 % seulement de la recherche sur les interventions de pleine conscience avait été testée dans des études qui comprenaient un groupe de contrôle. Les auteurs font aussi remarquer les grandes méta-analyses contrôlées contre placébo qui ont conclu que les pratiques de pleine conscience ont souvent produit des résultats insignifiants. Une revue de 2014 sur 47 études sur la méditation, qui incluait collectivement plus de 3500 participants, n’a pas trouvé de preuves de bénéfices associés à une amélioration de l’attention, à une limitation de la consommation de substances, ni pour aider à mieux dormir ou à contrôler son poids.
L’auteur principal de ce compte-rendu, le psychologue clinique Nicholas Van Dam chercheur à l’université de Melbourne, affirme que les bénéfices potentiels de la méditation de la pleine conscience ont été masqués sous une hyperbole et survendus pour faire de l’argent. La méditation et la formation de la pleine conscience représentent une industrie de plusieurs millions d’euros. “Notre compte-rendu ne signifie pas que la méditation de la pleine conscience n’est pas utile pour certaines choses,” dit Van Dam. “Mais la rigueur scientifique ne permet pas de faire de telles déclarations.” Ces chercheurs sont également préoccupés par le fait qu’en 2015, moins de 25 % des études sur la méditation comprenaient des données sur les effets secondaires de la pratique, un nombre qu’il aurait dû voir augmenter en même temps que la pratique se popularisait.
Le chercheur reconnait que certaines preuves sont en faveur de la méditation de la pleine conscience. L’analyse de 2014 a trouvé que la méditation et la pleine conscience pouvait apporter des bénéfices modestes contre l’anxiété, la dépression et la douleur. Il cite aussi une analyse de 2013 publiée dans Clinical Psychology Review sur une thérapie reposant sur la pleine conscience qui a trouvé des résultats similaires. “L’intention et la portée de cette analyse est la bienvenue, elle cherche à introduire de la rigueur et de l’équilibre dans ce nouveau domaine qui émerge,” expliquent les scientifiques. “Il y a beaucoup de domaines dans lesquels les programmes reposant sur la pleine conscience semblent être acceptables et prometteurs, mais dans lesquels il faut une échelle randomisée plus large et des études plus rigoureuses.”
Deux études publiées dans Science Advances soutiennent aussi les pratiques de la pleine conscience. La première a trouvé que la formation de type pleine conscience réduisait le stress perçu, mais pas les niveaux du cortisol qui est un indicateur biologique habituellement utilisé pour évaluer les niveaux de stress. L’autre étude a relié l’attention de type pleine conscience à une augmentation de l’épaisseur du cortex préfrontal, une région du cerveau associée aux comportements complexes, à la prise de décision et à la personnalité. Les auteurs appellent cependant de leurs vœux plus d’études pour savoir ce que cela peut signifier cliniquement.
Van Dam décrit les méthodes de recherche utilisées dans ces études comme saines. Pourtant, il fait remarquer qu’elles sont caractéristiques du plus gros problème dans ce domaine : l’absence de standardisation. Différentes approches du type de la pleine conscience ont été étudiées sur plusieurs années, ce qui rend difficile les comparaisons des études.
La pleine conscience prend ses racines dans la pensée et la théorie Bouddhiste. Elle a été popularisée en Occident dans les années 1970 par le professeur Jon Kabat-Zinn de l’Université du Massachusetts, un scientifique de la cognition qui a fondé la clinique Stress Reduction et le Center for Mindfulness in Medicine. Il a développé ce qu’il nommait la “réduction du stress par la pleine conscience”, une thérapie alternative pour tout un ensemble de conditions souvent difficiles à traiter. Au début des années 2000, le concept de la pleine conscience est devenu plus populaire. Il a vite pris différentes significations et adopté différentes approches de traitement. “Nous avons expliqué dans notre article le fait que beaucoup continuent à développer des nouvelles interventions sans évaluer complètement celles qui sont déjà appliquées”, dit-il. “Je pense que ces études, bien que correctement réalisées, pourraient correspondre à une catégorie identique à celles que nous avons déjà, ce qui nous empêche de vraiment savoir si nous pouvons utiliser ces résultats comme des éléments de preuve jaugeant de l’efficacité des autres pratiques de type pleine conscience.”
Comme les chercheurs l’ont écrit : “il n’y a ni une seule définition technique universellement acceptée de ’la pleine conscience’, ni d’accord général sur les aspects détaillés du concept sous-jacent auquel il se réfère.”
“Globalement, je suspecte qu’un grand nombre des promesses faites pour la santé ne sont pas satisfaites, principalement parce que les thérapies, les applications mobiles et les autres interventions ont été précipitamment mises sur le marché sans avoir été testées avec suffisamment de rigueur et de façon appropriée,” dit-il. “Mais étant donné ce que nous avons vu à ce jour, je pense que des preuves pourraient peut-être voir le jour concernant les pratiques de la pleine conscience pour l’anxiété, la dépression et les troubles relatifs au stress.”
D’autres sont d’accord pour dire qu’il y a de multiples définitions de la pleine conscience. Mais c’est cette tromperie dans la présentation d’un concept spirituellement riche en un cadre standardisé pour tester et conseiller les patients qui mériterait d’être revue. Un élément pour définir la pleine conscience, ajoutent-ils, si l’on considère ses racines dans le bouddhisme, est la recommandation de bouddha selon laquelle la description de concepts comme la “pleine conscience” sont comme le doigt pointé vers la lune. Il est important de ne pas faire de confusion entre le doigt et la lune. Il y aura toujours des différences dans la compréhension qu’ont les individus de la pleine conscience. Il s’agit d’une expérience personnelle, concluent-ils.
Références :
[1] Mind the Hype : A Critical Evaluation and Prescriptive Agenda for Research on Mindfulness and Meditation. Perspectives on Psychological Science.
[2] Conceptual and methodological issues in research on mindfulness and meditation. Am Psychol. 2015.