Les experts préfèrent les messages négatifs, mais le public suit plutôt les messages positifs.
Est-il plus efficace d’être positif ou négatif ? La plupart des messages de santé publique sont plutôt négatifs : “fumer tue ou cause le cancer”, “Conduire vite tue”, “manger gras ou sucré cause des maladies cardiovasculaires”, etc., mais est-ce que ces messages négatifs fonctionnent quand il s’agit de provoquer un changement de comportement alimentaire ?
Les analyses de la littérature scientifique publiée sur les messages de santé publique positifs, ou davantage axés sur les avantages, contre les messages négatifs, ou basés sur les complications, ont été contradictoires. Dans leur analyse de 63 études d’information et d’éducation en nutrition [1], les chercheurs ont découvert quatre questions essentielles qui peuvent résoudre ces contradictions, et permettre de prédire quel type de message de santé publique marchera le mieux pour une audience ciblée en particulier :
1- Est-ce que l’audience est fortement impliquée dans le problème ?
2- Est-ce que l’audience ciblée s’intéresse aux détails ?
3- Est-ce que l’audience ciblée a une profonde aversion pour le risque ?
4- Le résultat est-il incertain ?
Plus il y aura de questions qui obtiendront la réponse “oui”, et plus un message de santé négatif, ou qui repose surtout sur les complications/problèmes, sera efficace. Voyons cela plus en détail.
Est-ce que l’audience est fortement impliquée dans ce problème ? Plus une audience est instruite sur le sujet, ou plus elle est impliquée, et plus les individus qui la composent seront motivés par un message négatif, ou qui repose essentiellement sur les conséquences négatives. Au contraire, les gens qui sont moins impliqués pourraient ne pas croire au message, ou ils pourraient simplement faire en sorte d’éviter ces mauvaises nouvelles.
Ces consommateurs moins impliqués réagissent en général mieux aux messages positifs qui fournissent une étape claire et concrète, accessible, qui leur permet de se sentir positifs et motivés. Par exemple, le fait de leur dire de “manger plus de pommes de terre douces pour leur permettre d’avoir une peau qui semble plus jeune” est plus efficace que de leur dire : “votre peau va vieillir prématurément si vous ne mangez pas de pommes de terre douces.” Le premier message n’exige pas qu’ils sachent pourquoi il en est ainsi, ni d’associer la pomme de terre douce à la vitamine A.
L’audience ciblée s’intéresse-t-elle aux détails ? Les personnes qui aiment les détails, comme la plupart des gens qui conçoivent les messages de santé publique, préfèrent les messages négatifs, ou qui sont notamment axés sur les inconvénients/problèmes. Ils ont une compréhension et une connaissance plus profondes de la façon d’élaborer le message. Dans leur étude, les chercheurs ont noté que la plupart du public ne s’intéresse pas aux détails, et qu’il est plus influencé par les caractéristiques superficielles du message, y compris le fait qu’il soit plus positif ou séduisant par rapport aux autres choses portées à leur attention à ce moment-là.
Est-ce que l’audience ciblée a une aversion pour le risque ? Lorsqu’un message positif est certain, les messages qui sont axés sur les bénéfices fonctionnent mieux (par exemple : “vous vivrez 7 années de plus si vous avez un poids normal”). Quand une conséquence négative est certaine, les messages reposant sur les complications marchent mieux (“vous mourrez 7 ans plus tôt si vous êtes obèse”). Par exemple, les chercheurs ont trouvé que si l’on croit que manger plus de fruits et légumes conduit à moins d’obésité, un message positif (“mangez des brocolis et vivez plus vieux”) est plus efficace qu’un message négatif.
Le résultat est-il incertain ? Quand les déclarations semblent être factuelles et convaincantes, les messages positifs tendent à mieux marcher. Si une personne croit que le fait de manger du soja va allonger sa durée de vie en réduisant le risque de maladie cardiovasculaire, un message positif faisant état de ce fait est meilleur. S’ils n’en sont pas aussi convaincus, un message plus efficace pourrait être : “les personnes qui ne mangent pas de soja ont plus de maladies cardiovasculaires.”
Ces résultats montrent comment ceux qui élaborent les messages de santé publique, tels que les professionnels de la santé ou les politiques, seront différemment impactés par ces messages que le sera le public. Quand on écrit un message de santé publique, plutôt que de faire appel à l’avis des experts, le message sera plus efficace s’il est présenté positivement.
Le public en général est plus susceptible d’adopter le comportement qui sera mis en valeur s’il voit qu’il y a un résultat potentiellement positif à la clé. Le fait d’évoquer la peur peut sembler être un bon moyen de faire passer le message, mais cette étude montre qu’en fait c’est le contraire qui est vrai. Dire au public qu’un comportement les aidera à être en meilleure santé et plus heureux est en fait beaucoup plus efficace.
Références :
[1] Wansink, Brian & Lizzy Pope (2014). When Do Gain-Framed Health Messages Work Better Than Fear Appeals ? Nutrition Reviews,73(1), 4–11.