Notre compréhension des graisses, y compris celles qui sont bonnes pour nous, évolue. Nous savons par exemple que la viande rouge [1] et les produits à base de viande, les gâteaux et les biscuits, qui sont des sources riches en acides gras saturés, sont associés à une augmentation des décès cardiovasculaires. À l’inverse, les noix, les poisson gras et les produits laitiers, qui sont riches en graisses insaturées, sont associés à des risques plus faibles [2].
Il y a quatre types principaux de graisses dans nos aliments : polyinsaturées, monoinsaturées, saturées et les acides gras Trans. Chacune possède des propriétés chimiques et physiques différentes. Les margarines végétales et les huiles de cuisson – qui viennent principalement du colza, du tournesol, du soja et des olives – contiennent habituellement les deux premières et des quantités relativement faibles de graisses saturées. Mais l’huile de palme, qui a une température de fusion plus élevée et est utilisée de nos jours dans de nombreux produits, est très saturée.
Les conseils alimentaires se sont alors écartés du mantra simpliste disant que nous devrions seulement manger moins de graisses saturées, moins de sel et de sucre pour aller vers un modèle plus perspicace qui met l’accent sur les fruits, les légumes et les produits laitiers faibles en graisse, qui comprend des céréales complètes, de la volaille, du poisson et des noix, et qui contient moins de viande rouge, moins de sucres et de boissons sucrées. Mais où les graisses trouvent-elles leur place ? Voici 10 choses que vous pourriez ignorer.
La graisse est un aliment énergétique
La plupart de l’énergie de notre alimentation vient des hydrates de carbone. Mais les graisses fournissent entre un quart et les deux-cinquièmes des apports énergétiques d’un adulte, et la moitié pour un nouveau-né. Chez les bébés, une forte consommation de graisse favorise les dépôts de graisse qui isolent contre la perte de chaleur.
Le fait d’ajouter de la graisse aux aliments double leur apport énergétique. Retirer la graisse de produits comme la viande et le lait peut substantiellement réduire leur apport en énergie. Les graisses apportent 9 kcal/g (kilocalories/grammes) d’énergie contre 3,75 kcal/g, 4 kcal/g et 7 kcal/g respectivement pour les sucres, les protéines et l’alcool.
Moins on consomme d’énergie, plus on perd de poids
Le fait de diminuer la consommation d’énergie plutôt que d’augmenter l’activité physique est le moyen le plus efficace de réduire la graisse du corps. Ceci peut être réalisé en utilisant des versions moins grasses des aliments existants, en retirant la graisse de la viande et en utilisant les huiles avec parcimonie. Il n’y a pas tellement de différence entre une viande cuite au grill et une qui est frite à la poêle. La restriction de consommation en énergie exige aussi de limiter la consommation de sucres et d’alcool.
L’endroit où est stockée la graisse dans le corps est important
L’accumulation excessive de graisse dans le corps est plus nocive dans la cavité abdominale ou dans le foie, ce qui est causalement associé au développement du diabète de type 2 [3]. Le fait de mesurer le tour de la taille (plus de 80 cm pour les femmes et 94 cm pour les hommes) indique une obésité centrale et est utile pour indiquer un risque de diabète de type 2. Les femmes ont plus de stock de graisse sous-cutanée que les hommes, ainsi les hommes stockent cette graisse viscérale autour des vaisseaux sanguins mésentériques dans l’abdomen. Quand l’énergie stockée dans les cellules de graisse est libérée, le processus de mobilisation de la graisse dirige les acides gras dans le sang. La graisse viscérale est plus rapidement mobilisée que la graisse sous-cutanée et peut s’accumuler dans le foie. La graisse s’accumule aussi dans le foie si la consommation d’alcool et de sucre est importante.
Le corps utilise les hydrates de carbone comme carburant et pas la graisse
L’obésité est le résultat d’un excès de consommation de graisse alimentaire dans le corps. Il y a très peu de graisse dans le corps qui soit fabriquée par les hydrates de carbone (dont le sucre) ou l’alcool parce qu’ils sont utilisés comme carburant de préférence à la graisse. Mais si vous avez trop de carburant à bord, il se redépose sous forme de gras parce que vous avez une capacité de stockage limité en hydrates de carbone.
Les femmes ont besoin de graisse pour leur fertilité
La graisse du corps joue un rôle important dans la fertilité féminine. Entre 20 et 30 % du poids de corps d’une femme d’âge mûr en bonne santé est de la graisse, deux fois plus qu’un homme. Si ce niveau chute autour de 18 % [4], l’ovulation s’arrête, mais s’il atteint des niveaux trop élevés, autour de 50 % du poids de corps, cela a aussi pour conséquence de causer la stérilité. Une hormone appelée la leptine est secrétée par le tissu adipeux (la graisse) dans le sang en proportion de la quantité de graisse qu’il stocke [5]. Le cerveau détecte le signal de leptine sanguine et cela favorise l’ovulation quand le niveau est assez élevé.
Certains acides gras sont essentiels
Nous avons besoin de certains acides gras polyinsaturés, rebaptisés à juste titre acides gras essentiels (acide linoléique et linolénique), dans notre alimentation pour avoir une peau en bonne santé [6]. Ils contribuent aussi à maintenir la santé cardiovasculaire tout comme un bon fonctionnement du cerveau et de la vue. Nous les tirons principalement des huiles végétales, des noix et des poissons gras.
Nous avons besoin de graisse pour assimiler certaines vitamines
Environ 30 grammes de graisse est nécessaire pour favoriser l’assimilation des vitamines liposolubles comme la vitamine A, D, E et K, que nous tirons aussi des aliments gras [7]. Les huiles végétales constituent une importante source de vitamine E et les poissons gras sont la meilleure source alimentaire de vitamine D. Les provitamines sont des substances qui peuvent être transformées dans le corps en vitamines. Et le fait d’ajouter un petit peu d’huile aux légumes verts et aux carottes améliore réellement l’absorption du carotène (la provitamine A).
Un gros effet d’échelle sur le cholestérol
Le niveau moyen de cholestérol dans une population est un déterminant majeur du risque de maladie cardiovasculaire [8]. Les études ont montré que le remplacement des acides gras saturés par des acides gras polyinsaturés diminue le cholestérol sanguin et réduit l’incidence de la maladie mais pas de la mortalité. De nos jours les niveaux élevés de cholestérol sont traités par les statines [9], mais l’objectif de la santé publique est de faire baisser les niveaux moyens de cholestérol.
Toutes les graisses saturées ne sont pas mauvaises
Toutes les graisses saturées n’augmentent pas le cholestérol sanguin. L’effet d’augmentation du cholestérol se limite aux acides laurique, myristique et palmitique (ce dernier se trouve dans l’huile de palme). Ceux-ci font augmenter le cholestérol de lipoprotéines de faible densité (le LDL) en réduisant l’ordre de puissance par rapport aux hydrates de carbone (comprenant tous les types d’amidon et de sucres) ou les acides gras insaturés. Il est en général plus efficace de faire baisser le cholestérol en remplaçant les acides gras saturés par des huiles riches en acides gras monoinsaturés (olive, colza) ou polyinsaturés (soja, tournesol) que de diminuer la part des sucres. Par exemple, le fait de remplacer le beurre ou le lard par de l’huile d’olive comme source principale de gras peut faire baisser le LDL d’environ 10 %.
La consommation de graisse saturée est stable
Les politiques alimentaires et de nutrition ont fait évoluer la consommation de nourriture. L’apport en énergie à partir des graisses et des acides gras saturés a baissé respectivement en partant de 42 % et 20 % dans les années 1970 pour atteindre 35 % et 12 % en 2000, pour ne plus bouger ensuite. Entre 1987 et 2000, les niveaux moyens de cholestérol sont tombés de 5,7mmol/L à 5,2mmol/L. Malgré l’augmentation continue de l’obésité et du diabète, les décès par maladie cardiovasculaire ont baissé de 141 à 63/100000 dans la population entre 1994-97 et 2009-11 [10], grâce notamment à de meilleurs traitements et à des améliorations du contrôle des facteurs de risque comme la tension, le tabagisme et le cholestérol.
Références :
[1] Meat consumption and mortality – results from the European Prospective Investigation into Cancer and Nutrition. BMC Med. 2013 ; 11 : 63. , 2013. doi : 10.1186/1741-7015-11-63PMCID : PMC3599112.
[2] Recent Advances in Preventive Cardiology and Lifestyle Medicine. Components of a Cardioprotective Diet. Circulation. 2011 ; 123 : 2870-2891.
[3] Dysfunctional Adiposity and the Risk of Prediabetes and Type 2 Diabetes in Obese Adults. JAMA, 2012, Vol 308, No. 11.
[4] Female Fertility and the Body Fat Connection. Rose E. Frisch. 2002.
[5] Semin Reprod. Med. 2002 ;20(2):103-12. Leptin and ovarian folliculogenesis : implications for ovulation induction and ART outcomes. Brannian JD, Hansen KA.
[6] Essential Fatty Acids and Skin Health. Linus Pauling Institute.
[7] http://www.ext.colostate.edu/pubs/f…
[8] Reduced or modified dietary fat for preventing cardiovascular disease. Hooper L, Summerbell CD, Thompson R, Sills D, Roberts FG, Moore HJ, Davey Smith G . Cochrane Database Syst Rev. 2012.
[9] Statins : Are these cholesterol-lowering drugs right for you ? Mayo Clinic.
[10] Analysing Recent Socioeconomic Trends in Coronary Heart Disease Mortality in England, 2000–2007 : A Population Modelling Study. PLoS Medicine.