L’une des controverses les plus chaudes des Jeux Olympiques de Beijing en 2008 a été la décision de programmer les épreuves de natation et de gymnastique tôt le matin, au lieu des habituels créneaux horaires du soir, pour qu’elles puissent être suivies en direct aux États-Unis. Pour comprendre pourquoi de nombreux athlètes ont été irrités, imaginez que vous deviez courir 2 kilomètres à votre maximum, ou pousser la barre la plus lourde possible en développé couché, à 3 heures du matin !
Sans doute vos performances ne seraient pas à la mesure de celles habituellement réalisées en fin d’après-midi. Ces fluctuations, en rapport avec le sommeil et l’éveil, sont faciles à comprendre, mais elles ne constituent pas la seule partie de l’histoire.
Votre corps contient une horloge interne gouvernée par une aire du cerveau appelée l’hypothalamus, qui régule la température, la sécrétion d’hormones, le sommeil et les cycles d’alimentation sur une période de 24 heures. En conséquence, votre corps vit des changements subtils toute la journée qui influencent vos aptitudes physiques, même pendant que vous êtes pleinement éveillé.
Des chercheurs en France et en Tunisie ont réalisé des études rigoureuses sur les variations heure par heure de sessions de cyclisme à puissance maximale pendant 30 secondes (Test de Wingate) [1]. Ils ont trouvé que l’apogée de la performance et le maximum de puissance totale se situait vers 18 heures, avec des valeurs entre 8 et 11% plus élevées que le point le plus bas à 6 heures du matin. Les tests d’autres sports comme la course à pieds, la natation, le football, le badminton et le tennis ont révélé des résultats similaires.
Des chercheurs Espagnols étaient capables de modifier les meilleures performances de sprinters d’élite deux heures plus tôt ou deux heures plus tard en ajustant simplement leur temps de sommeil-éveil et de repas de deux heures [2]. Mais on ne sait pas avec certitude si la performance était associée au temps d’éveil total, ou si les modifications des temps de repas et d’éveil avaient réussi à modifier le temps de l’horloge biologique du corps elle-même, ce qui aurait conduit à d’autres modifications dans la chimie du corps.
De nombreux chercheurs pensent que la température du corps, qui augmente d’environ 1°C durant la journée, pourrait être l’explication. Le fait d’augmenter la température corporelle centrale pourrait être source de muscles plus décontractés, de réactions métaboliques plus rapides dans le corps et de transmission plus rapide des signaux nerveux. Une étude de 2010 de chercheurs en Guadeloupe [3] n’a pas trouvé de différence dans une série de sauts en hauteur, de squats et de sprints à vélo réalisés soit entre 7 et 9 heures du matin, ou entre 17 et 19 heures. La raison de cette différence de performances par rapport aux régions aux climats plus froids pourrait venir de ce que le climat constamment chaud et humide de la Guadeloupe apporte un “échauffement passif”, qui rend inutile la légère augmentation circadienne de la température du corps.
Ces découvertes pourraient être un peu angoissantes si vous vous préparez pour une compétition qui prendra place à une heure inhabituelle, comme une course de 10 km ou un marathon qui démarre à 7 heures du matin. Heureusement, plusieurs études ont suggéré que l’entraînement apporte des bénéfices selon le temps auquel on s’entraine. Une étude de l’Université de Géorgie de 1989 [4] a par exemple trouvé que des cyclistes qui s’entrainaient tôt le matin affichaient une plus grande amélioration de leur utilisation d’oxygène, et du seuil de leur rythme, quand ils étaient testés dans la matinée ; un autre groupe qui s’entrainait le soir avait des améliorations plus importantes dans les séances de test du soir.
Une étude Finlandaise de 2007 a trouvé des résultats identiques pour l’entraînement de musculation, et a aussi trouvé que des entrainements tôt le matin modifiaient la façon dont les niveaux d’hormone du stress, le cortisol, fluctuaient dans la journée, en augmentant la performance du matin. Ainsi, si vous voulez être au mieux de votre forme à 7 heures du matin, mieux vaut régulièrement s’entrainer à cette heure la.
Malgré toutes ces preuves, le meilleur moment pour s’entrainer est généralement toujours celui qui est parfaitement adapté à votre agenda quotidien, étant donné que des facteurs comme le sommeil, le stress et la fatigue l’emporteront sur la légère stimulation apportée par les rythmes circadiens.
Il faut aussi prendre en compte les différences individuelles ; la plupart des ces études ont été réalisées sur des volontaires avec des agendas de repos/sommeil “typiques”, sans oiseaux de nuit ni lèves-tôt. S’il arrivait que vous ayez une mutation particulière sur le gène hPer2 qui vous empêche de rester éveillé passés 20 heures, vos performances seront probablement à leur apogée bien avant 18 heures !
Références :
[1] Nizar Souissi et al. Effect of time of day on aerobic contribution to the 30-s Wingate test performance. Chronobiology International, 2007, 24(4), 739-748.
[2] T. Reilly, J. Waterhouse. Sports performance : is there evidence that the blody clock plays a role ? European Journal of Applied Physiology, 2009, 106, 321-332.
[3] Stephen Blonc et al. Effects of] 5 weeks of training at the same time of the day on the diurnal variations of maximal muscle power performance. Journal of Strength and Conditioning Research, 2010, 24(1), 23-29.
[4] David Hill et al. Circadian specificity in exercise training. Ergonomics, 1989, 32(1), 79-92.