Ces dernières décennies, les sociétés qui proposent à la vente des chaussures de sport ont investi des millions d’euros dans la recherche visant à déterminer comment les chaussures modifiaient le mouvement des pieds et les forces transmises aux articulations, et à développer des matériaux high-tech pour rendre leurs chaussures plus confortables, plus durables et plus fonctionnelles.

Sans aucun doute les chaussures de sport ont parcouru un long chemin depuis l’époque de leur invention, mais tout le matraquage publicitaire qui entoure toute nouvelle sortie de chaussure de sport vaut-il le coup ?

Pour de nombreux sports, le bénéfice le plus évident que les chaussures spécialisées apportent est à la traction. Dans des sports comme le football qui se jouent sur de l’herbe, les crampons fournissent un avantage non négligeable pour démarrer, accélérer, s’arrêter et changer de direction.

La traction en a aussi bénéficié dans des contextes moins attendus comme en salle de musculation. Une étude de 2007 [1] a trouvé que des sujets testés étaient capables de porter plus de poids et de dépenser moins d’énergie en le faisant équipés de chaussures qui accrochaient mieux, comparés à des chaussures dont les semelles étaient plus glissantes.

Les sports en salle comme le tennis et le basketball ont aussi des demandes très particulières pour les pieds. Une étude de 2008, publiée dans l’American Journal of Sports Medicine [2], a trouvé que le fait de sauter, et de changer brusquement de direction mettait deux fois plus de pression sur le talon que de courir en ligne droite. Ces forces se reflètent dans les différences structurelles entre les chaussures de salle, qui sont optimisées pour le mouvement latéral, et les chaussures de course qui sont conçues pour “rouler” du talon aux orteils à chaque pas.

Raison pour laquelle les chaussures pour courir ne sont ni confortables ni efficaces pour les sports en salle, et cela signifie que si l’on veut réellement seulement posséder une paire de chaussures de sport donnée, il faudra choisir quelle activité sportive on considère comme étant la plus importante.

Mais est-ce que les chaussures de sport protègent des blessures ? La recherche est moins claire à ce sujet. Même des conceptions qui semblent apporter des bénéfices manifestes, comme les chaussures de basket-ball montantes dont l’objectif est de réduire les blessures aux chevilles, n’ont pas fait la preuve de leur efficacité.

Il existe de nombreuses preuves selon lesquelles les chaussures montantes rendent les chevilles plus stables et limitent l’amplitude de mouvement maximal de la cheville. Mais les quelques études qui ont essayé de démontrer un lien entre le type de chaussures de basketball et le taux de blessures sont restés peu concluantes, selon une analyse de 2008 de la Collaboration Cochrane [3] (qui est un organisme à but non lucratif qui évalue la recherche relative à la santé).

Ce qui nous amène au sujet le plus controversé d’entre tous : les chaussures pour courir. Tout comme pour les chaussures de basketball, il y a beaucoup de recherches sur la façon dont différents types de chaussures modifient les forces transmises à travers les jambes à chaque fois que les pieds frappent le sol. Mais il a été très difficile d’avancer à l’étape suivante et de montrer que certains types de chaussures de course réduisaient (ou augmentaient dans ce cas) le taux de blessures.

Des chercheurs du Centre de Médecine Sportive McGavin de Vancouver ont utilisé des cliniques d’entraînement pour la Sun Run de Vancouver de 10 km, une course annuelle qui attire plus de 60000 coureurs, comme un laboratoire pour étudier l’entraînement de milliers de coureurs amateurs sur les deux dernières décennies [4]. Les blessures apparaissaient toujours, explique l’auteur principal Jack Taunton, “mais comme nous avons vu les chaussures s’améliorer avec le temps au fil des années, elles sont moins souvent considérées comme étant les facteurs principaux”.

Une corrélation qu’a trouvée Taunton est que les hommes, dont les chaussures avaient plus de quatre mois d’utilisation, étaient plus susceptibles de se blesser. Pour les femmes, l’effet n’était perceptible qu’une fois que leur chaussures avaient plus de six mois d’ancienneté, vraisemblablement parce que les hommes sont généralement plus lourds que les femmes, et donc qu’ils compriment plus rapidement les semelles amortissantes [5].

D’un autre côté, une étude de 2010 [6] du laboratoire de Taunton, a découvert que le fait de prescrire certains types de chaussures (“neutres”, “stables” ou “contrôlant la motricité”) à des coureurs à partir de la position de leur pied n’a pas diminué les taux de blessure durant les 13 semaines qui ont suivi. En tout cas, les coureurs qui avaient reçu les chaussures “contrôlant la motricité” ont vécu plus de blessures que le groupe contrôle qui a chaussé des chaussures sélectionnées au hasard.

Ce qui semble tout à fait clair, c’est que les technologies en compétition des chaussures de course à pieds dont les fabricants font l’article ne font pas beaucoup de différences. Une étude de chercheurs de l’Université du Texas, publiée en 2009 dans le British Journal of Sports Medicine [7], n’a trouvé aucune différence dans les effets du gel, de l’air et autres amortisseurs dans les chaussures portées sur la performance de la course sur une longueur de 320 kilomètres et plus.

Néanmoins, si vous vous apprêtez à aller courir, vous serez sans doute dans de meilleures conditions avec une paire de chaussures aux pieds, quelque-soit son type, que si vous étiez chaussés d’une paire de chaussures de tennis ou de basket. À moins que vous décidiez d’y aller pieds nus…

Références :

[1] Physiological and psychophysical responses in handling maximal acceptable weights under different footwear-floor frictions conditions. Kai Way Li et al. Applied Ergonomics, 2077, 38, 259-265.

[2] Regional Foot pressure during running, cutting, jumping, and landing. M.S. Orendurff et al. American Journal of Sports Medicine, 2008, 36(3), 566-571.

[3] Intervention for preventing ankle ligament injuries. H.H.G. Handoll et al. Cochrane Library, 2008.

[4] A prospective study of running injuries : the Vancouver Sun Run “In training” clinics. J.E. Taunton et al. British Journal of Sports Medicine, 2003, 37, 239-244.

[5] Running in new and worn shoes, a comparison of three types of cushioning footwear. Pui Wah Kong et al. British Journal of Sports Medicine, 2009, 8(1), 52-59.

[6] The effect of three different levels of footwear stability on pain outcomes in women runners : a randomised control trial. Michael Ryan et al. British Journal of Sports Medicine, 2010.

[7] Running in new and worn shoes, a comparison of three types of cushioning footwear. Pui Wah Kong et al. British Journal of Sports Medicine, 2009, 8(1), 52-59.

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