Une étude suggère que certaines chaussures légères ont plus à voir avec des chaussures normales que sans chaussures du tout.

Il y a les chaussures de course et il y a les pieds-nus. Entre les deux se trouve une large zone grise qu’on appelle les chaussures “minimalistes”, que certains coureurs définissent de toutes sortes de façons. Mais est-ce que les chaussures minimalistes reproduisent réellement les mêmes effets sur votre démarche que d’être complètement pieds-nus ? Une étude Australienne, publiée dans le British Journal of Sports Medicine [1], s’est justement penchée sur cette question.

L’étude en question, qui a été réalisée à l’Institut du Sport Australien, a analysé 22 coureurs très entrainés qui courent habituellement avec des chaussures. Leur biomécanique a été analysée pendant une série de courses à pieds à un rythme de course sur 10 km dans quatre conditions différentes : avec leurs chaussures habituelles, avec une paire de chaussures légères pour longue distance (des Nike LunaRacer2), avec des chaussures minimalistes (Nike Free 3.0) et pieds-nus.

Bien entendu, pour certains les Free 3.0 ne seront pas considérées comme de véritables chaussures minimalistes. Malgré tout, les résultats ont montré que courir pieds-nus était différent de courir chaussé, de la même manière que l’ont montré d’autres études :

Quand on le compare à la course muni de chaussures, le fait de courir pieds-nus montre une cheville moins tordue au contact initial, un genoux moins fléchi à mi-chemin et des moments articulaires moindres avec moins de force exercée sur le genou, mais plus de moments articulaires et plus de force exercée sur la cheville.

C’est ce qu’on retrouve dans les études précédentes. Mais la véritable question est comment les chaussures minimalistes se comportent entre ces deux façons extrêmes de courir. Voici deux graphiques (sur les 18 que compte l’étude) où l’on retrouve sur la ligne noire la course pieds-nus, la ligne noire en pointillées représente les chaussures minimalistes, la ligne claire sont les chaussures longue distance et la ligne claire en pointillées est la course normale.

D’abord les forces de flexion du genou :


Puis l’inversion de la cheville :


Tous les graphiques ne se ressemblent pas, mais le modèle de base est que les chaussures minimalistes ressemblent beaucoup plus aux autres chaussures que courir pieds-nus. Les auteurs de l’étude de noter :

La mécanique des genoux et des chevilles quand on court pieds-nus était différente dans toutes les conditions avec chaussures, y compris avec les chaussures minimalistes, indiquant que les chaussures minimalistes ne peuvent pas entièrement reproduire la mécanique de la course pieds-nus. Exceptées des petites différences dans la longueur de l’enjambée et la fréquence du pas, il y avait très peu de différence dans la mécanique de course entre les différentes conditions avec chaussures, ce qui suggère que courir pieds-nus est en soi différent de courir chaussé, et que différentes chaussures ont peu d’impact sur l’allure de coureurs bien entrainés.

Il y a cependant quelques points de détails à noter. Le premier est qu’il s’agissait de coureurs bien entrainés, dont on peut attendre une mécanique de course à pieds relativement constante adaptée aux chaussures qu’ils utilisent habituellement. Les études ont trouvé que des coureurs moins entrainés étaient plus susceptibles d’avoir des allures plus variables, et pourraient ainsi afficher des modifications plus importantes dans des chaussures minimalistes. Ensuite, il s’agissait essentiellement de coureurs chaussés, et il est tout à fait possible que des coureurs habitués à courir toujours pieds-nus auraient un style de course qui persisterait même dans des chaussures légères.

Mais surtout les Nike Free 3.0 ont un talon de 17 mm qui apporte un certain confort d’amortissement avec un amorti au talon de 4mm. Au contraire, les Vibram Fivefingers ont une semelle de 3,5 mm et un amorti de zéro. La seule autre étude à avoir comparé la biomécanique de la course pieds-nus et des chaussures minimalistes, selon les auteurs de cette étude, a analysé huit coureurs sur un tapis de course (ce qui n’est pas tout à fait la même chose que sur la terre ferme en ce qui concerne les objectifs biomécaniques), et n’a pas trouvé de différence entre les conditions pieds-nus et celles avec des chaussures minimalistes, bien qu’elle n’ait regardé qu’un plan du mouvement, contrairement à l’étude présente qui a analysé trois plans.

Enfin, cette étude ne nous dit rien sur la performance des chaussures complètement minimalistes (et sans amorti). Mais cela nous dit quelque-chose à propos des Free 3.0 et sur d’autres marques de chaussures vendues comme étant minimalistes, et qui en tout vraisemblance agissent plus comme si l’on portait des chaussures que sans chaussures. Elles n’étaient pas seulement comparables aux chaussures légères longue distance : pour ces coureurs bien entrainés au moins, les chaussures minimalistes étaient essentiellement indiscernables (en termes de biomécanique) des chaussures habituelles, même si les chaussures habituelles pesaient plus lourd (323 grammes en moyenne, comparées aux 195,5 grammes pour les Nike Free).

Cela pourrait ressembler à une critique des Nike Free, mais il est aussi possible de le prendre sous un autre angle. En effet, si les Free ultralégères sont exactement aussi performantes que les mêmes chaussures de course habituelles plus lourdes, alors cela peut inciter à troquer ces dernières pour les Nike : même biomécanique, moins d’énergie dépensée à déplacer les chaussures !

Références :

[1] Running in a minimalist and lightweight shoe is not the same as running barefoot : a biomechanical study. British Journal of Sports Medicine, doi:10.1136/bjsports-2012-091837.

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