Des chercheurs Danois ont testé le produit interdit sur l’endurance.

Une nouvelle étude de chercheurs Danois de l’Université Aarhus a été publiée dans le journal scientifique Experimental Physiology [1] dont l’objectif était d’explorer comment fonctionne la substance utilisée comme produit dopant pour l’endurance qu’est l’EPO (érythropoïétine).

L’image habituellement retenue est que l’EPO stimule la production de globules rouges, ce qui améliore l’approvisionnement en oxygène depuis les poumons jusqu’aux muscles en action, ce qui en retour permet de courir (ou de pédaler ou de nager, etc.) plus vite. En réalité, cette image est un peu plus sombre. Toute course au-delà de 10 à 15 minutes se situe en-dessous du VO2max – alors est-ce que le fait d’augmenter votre maximum améliore vraiment la performance pendant des exercices d’endurance qui se situent sous le maximum ? Une étude de 2007 d’autres chercheurs Danois [2] avait montré que le temps jusqu’à épuisement à 80 % du VO2max augmentait d’environ 54 % après 4 semaines sous EPO. Mais cela soulève un autre problème, parce que sur la même période, le VO2max (i.e. le transport d’oxygène maximal) augmentait seulement de 12,6 %. D’où vient donc cette élévation supplémentaire, si ce n’est pas d’un meilleur transport de l’oxygène ?

C’est la question à laquelle cette étude a cherché à répondre. Les scientifiques ont divisé les 36 sujets en quatre groupes : un groupe a fait 10 semaines d’entrainement (3 séances de vélo par semaine) et a reçu un placébo ; un second groupe s’est entrainé et a reçu de l’EPO ; un troisième ne s’est pas entrainé et a reçu un placebo et le quatrième ne s’est pas entrainé et a reçu de l’EPO. Comme l’EPO et l’entrainement d’endurance produisent de nombreux effets similaires, il y a toujours une certaine incertitude à propos des changements qui sont causés par l’entrainement en soi, par l’EPO en soi ou par l’association des deux. L’objectif de cette étude un peu particulière était de déterminer si l’EPO permettait de stimuler les modifications dans les fibres musculaires (comme par exemple leur taille, les transitions pour plus de contractions lentes) et la croissance des vaisseaux sanguins à l’intérieur des muscles.

La réponse est que l’EPO ne fait rien aux fibres musculaires ni aux vaisseaux sanguins. L’entrainement (avec ou sans EPO) augmente la taille des fibres musculaires, la densité capillaire et plusieurs autres paramètres ; l’EPO ne fait rien de mieux ni de pire.

D’un autre côté, l’EPO produit les effets escomptés sur les globules rouges. Ci-dessous un graphique à propos des hématocrites (la fraction des globules rouges dans le sang par rapport au volume total du sang) ; en gardant à l’esprit que 50 % était le seuil que le cyclisme a institué pour décourager l’utilisation d’EPO dans les années 1990 :

[SP = sédentaire/placebo ; SE = sédentaire/EPO ; TP = entrainement/placebo ; TE = entrainement/EPO]

Il est intéressant de voir que dans les groupes qui n’ont pas pris d’EPO, l’entrainement semblait réellement réduire un peu l’hématocrite, peut-être parce que le volume global de plasma augmente aussi comme résultat de l’entrainement – mais l’EPO inverse cet effet plutôt rapidement. Ainsi, il n’est pas tout à fait vrai de dire que l’EPO en soi ne produit rien sans entrainement, car même s’il faut effectivement s’entrainer, ce graphique montre que l’EPO a des effets assez puissants en soi. Le graphique montre que le VO2max a grimpé de 27 % dans le groupe entrainé qui prenait de l’EPO, mais qu’il a aussi bondi de 15 % dans le groupe des sédentaires qui ont pris de l’EPO. Ce qui n’est pas négligeable.

Ainsi, si les changements dans les muscles n’expliquent pas cette poussée supplémentaire d’EPO, qu’est-ce qui l’explique ? Il existe un certain nombre de théories, comme par exemple celle disant que cela influence le fonctionnement du cerveau et améliore l’humeur et le conditionnement physique perçu. Les tests jusqu’à épuisement produisent généralement des pourcentages de changement qui sont jusqu’à 10 à 15 fois plus importants que les temps des essais, produisant ainsi une élévation de 54 % du temps jusqu’à épuisement par rapport aux 12 % d’augmentation de VO2max qui ne semblent pas hors normes. Dans tous les cas, il s’agit bien d’une substance puissante.

Références :

[1] Exp Physiol. 2014. Erythropoietin administration alone or in combination with endurance training affects neither skeletal muscle morphology nor angiogenesis in healthy young men. Larsen MS, Vissing K, Thams L, Sieljacks P, Dalgas U, Nellemann B, Christensen B.

[2] Prolonged administration of recombinant human erythropoietin increases submaximal performance more than maximal aerobic capacity. Thomsen JJ, Rentsch RL, Robach P, Calbet JA, Boushel R, Rasmussen P, Juel C, Lundby C. Eur J Appl Physiol. 2007 Nov ;101(4):481-6. 2007.

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