Il n’y a pas de lien entre les ultra-marathoniens et le volume de l’entrainement.

Dans l’esprit des gens, les sportifs qui courent tous les jours, et qui font beaucoup de kilomètres, sont souvent considérés comme des “drogués de la course à pieds” que ceux qui courent moins souvent et qui font moins de kilomètres. Une étude montre cependant que ce point de vue, selon lequel le volume de l’entrainement et l’addiction au sport sont directement liés, est faux [1].

“L’addiction au sport” signifie une chose dans l’esprit des gens et autre chose pour les psychologues du sport. Ce que de nombreux coureurs appellent ’addiction au sport’ se réduit souvent au sentiment qui s’exprime par “je me sens le mieux les jours où je cours, et le moins bien quand quelque chose m’empêche de courir.”

Les psychologues du sport ont une définition plus nuancée. Ils décrivent l’addiction au sport comme une perte de contrôle du comportement en rapport à l’exercice, à tel point que cela devienne une obligation et conduise à des problèmes, comme des conflits avec les autres, et que l’activité sportive devienne la chose la plus importante dans la vie comme cela se rencontre dans les autres types d’addiction. Des chercheurs Britanniques ont publié un questionnaire psychologique en six points sur l’addiction à l’exercice [2], qui est depuis devenu un outil de référence. Ces six symptômes, qui ont des poids différents dans l’utilisation de l’outil, sont :

 l’exercice est la chose la plus importante dans ma vie.

 Des conflits sont apparus entre moi et ma famille et/ou mon partenaire sur la quantité de sport que je fais.

 J’utilise l’exercice comme un moyen pour me changer les idées.

 Avec le temps, j’ai augmenté la quantité de sport que je fais chaque jour.

 Si je loupe une séance d’exercice je me sens de mauvaise humeur et irritable.

 Si je réduis la quantité d’exercice que je fais, et que je recommence, je termine toujours par faire autant d’exercice qu’avant.

Dans le cadre de leur étude, des chercheurs espagnols ont utilisé ce questionnaire pour évaluer l’addiction au sport d’une équipe de sportifs chacun pris individuellement, ainsi que pour 95 ultra-marathoniens. Deux résultats concernant les ultra-marathoniens réfutent l’équation liant la quantité de course à pieds à l’addiction au sport.

D’abord, sur la base de leurs réponses à ce questionnaire, 17 % des ultra-marathoniens étaient déclarés comme concernés par l’addiction au sport. Avec les années, les estimations de la fréquence de l’addiction à l’exercice chez les coureurs sont passées de 3 % à 22 %. Le fait que les ultra-marathoniens se situent dans cette fourchette montre qu’ils ne sont pas en décalage au regard de leur activité sportive.

Deuxièmement, et plus parlant, les chercheurs ont trouvé que le fait que le volume d’entrainement soit plus important n’était pas associé à un risque plus grand d’addiction au sport chez les ultra-marathoniens. En fait, ceux qui ont rapporté faire en moyenne moins de six heures de course à pieds par semaine avaient des scores plus élevés au questionnaire que ceux qui disaient courir plus de six heures par semaine.

Enfin, si vous-même qui lisez ces lignes et notamment le questionnaire, vous vous considérez comme un drogué du sport, prenez en compte ce que disaient les chercheurs de l’étude :

“Il est important de souligner que le risque d’addiction à l’exercice n’est pas un diagnostic et que l’attachement au sport pourrait gonfler les évaluations subjectives, notamment par l’infiltration de concepts associés à cet engagement.”

Par exemple, s’il est vrai que “avec le temps j’ai augmenté la quantité d’exercice que je fais en une journée”, ceci peut très bien être un choix rationnel parce que vous vous préparez pour votre première compétition de marathon. Comme pour les autres types d’addictions, la tendance la plus inquiétante est le sentiment d’impuissance à changer les choses dont, pourtant, vous savez qu’elles seront délétères pour le reste de votre vie.

Références :

[1] Exercise addiction in Spanish athletes : Investigation of the roles of gender, social context and level of involvement. J Behav Addict. Dec 2013 ; 2(4) : 249-252.

[2] The Exercise Addiction Inventory : a new brief screening tool Annabel Terry, Attila Szabo , Mark Griffiths. Addiction Research and Theory. Oct. 2004, Vol. 12, No. 5, pp. 489–499.

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