Une étude donne de l’espoir, tant qu’on ne la regarde pas d’un peu trop près.
Il y a quelques années, les injections de plasma riche en plaquettes (qui consiste à retirer un peu de votre sang pour le centrifuger pour concentrer les plaquettes supposées guérir, puis le réinjecter à l’endroit de la blessure) étaient la solution la plus en vogue en médecine du sport. Les éléments de preuve selon lesquelles le plasma enrichi en plaquettes pouvait permettre de soulager les douleurs au tendon étaient au mieux préliminaires, mais Tiger Woods, et beaucoup d’autres athlètes de haut niveau, y sont passés, ainsi ce n’était plus qu’une question de temps avant que de meilleures études voient le jour.
À la seule différence que ces études ne sont jamais venues. Étude après étude les résultats produits étaient au mieux ambigus. Le battage médiatique s’est un peu essoufflé, bien que le traitement par plasma riche en plaquette soit tout de même resté populaire chez les sportifs de haut niveau.
L’étude la plus récente [1] sur le plasma riche en plaquettes a testé son potentiel pour traiter l’arthrose du genou, et le communiqué de presse était assez encourageant :
Une étude de chercheurs de l’Hôpital de Chirurgie Spéciale a montré que le plasma riche en plaquettes était très prometteur pour traiter les patients atteints d’arthrose du genoux. Le traitement a amélioré la douleur et le fonctionnement, et sur plus de 73% des patients, il semblait retarder la progression de l’arthrose qui est une maladie progressive… “Il s’agit d’une étude très positive” dit le Dr Brian Halpern, Chef du Service des Premiers Soins en Médecine du Sport de l’Hôpital de New-York et auteur principal de l’étude.
Le plus intéressant était certainement que l’étude a eu recours à des résultats objectifs pour mesurer la réussite de l’intervention, plutôt que de se contenter de demander aux patients s’ils se sentaient mieux. Le communiqué de presse continue :
“Le problème avec de nombreuses études sur le plasma enrichi en plaquettes est que la plupart des chercheurs n’ont utilisé que des instruments de mesure subjectifs, tels que scores de douleur et de fonctionnement, dit le Dr Hollis Potter, co-auteur de l’étude. “Mais même quand les patients sont étudiés en aveugle, ils savent s’ils ont reçu un traitement ou non, ainsi il y a un certain défaut à l’oeuvre dans ce type d’études. Quand vous y ajoutez une évaluation par IRM, cela montre l’état de la maladie à une période donnée, sans prendre en compte le fait que le patient ait des symptômes ou non”.
Cela semble très prometteur, mais que dit précisément l’article publié dans le Clinical Journal of Sports Medicine ? Laissons de côté les mesures subjectives de douleur, d’engourdissement, etc. car il s’agissait d’une étude qui n’a pas été réalisée en double aveugle et donc sans groupe de contrôle contre placébo, ainsi ces informations ne seront pas plus utiles que les autres études.
Mais qu’en est-il des données objectives par IRM ? Dans ce cas, les images ont été analysées et enregistrées par des radiologues qui, eux, étaient en aveugle sans savoir si les images à analyser étaient “avant” ou “après” le traitement. Sans trop d’ambiguïté, il apparaît que 12 patients (un total de 15 genoux) ont été évalués par IRM. Le titre dénombre que la progression de l’arthrose a été retardée chez 73% des patients, chiffre qui semble provenir du fait que 11 genoux sur les 15 n’ont montré aucune “détérioration importante” 12 mois après le traitement par plasma riche en plaquettes. Maintenant, la question cruciale est : dans des circonstances normales (i.e. s’il y avait eu un groupe de contrôle qui aurait reçu un placebo ou rien du tout), quel aurait été le type de changements physiologiques constatés ? Voici ce que les auteurs déclarent :
Ceci est contraire à d’autres études qui ont suggéré une diminution annuelle de 4% à 6% du volume du cartilage dans les sections d’arthrose du genou.
Si l’on suit les références de cette affirmation, on tombe sur un article publié dans Arthritis Research & Therapy [2]. Comme prévu, ils ont rapporté qu’après 12 mois ils ont observé une diminution du volume du cartilage de 3,7 +/-3% pour le cartilage global, et -5,5 +/- 4,3% pour le compartiment médian de l’articulation du genou. On peut remarquer que la variation de ces mesures est presque aussi importante que la mesure elle-même, ce qui veut dire qu’il faut un échantillon suffisamment grand pour observer l’effet (l’étude originale comptait 102 sujets). Ainsi, quels étaient les nombres réels (et les variations standards) de l’étude sur le plasma riche en plaquettes ? En fait, ils ne le disent nulle part. Ils écrivent seulement que les mesures “ne sont pas statistiquement significatives”. Est-ce que cela veut dire qu’ils ont observé un changement du volume de -0,0 +/- 0,5% ? Ou bien -3,0 +/- -6% ? Aucune idée…
Pourquoi cela a-t-il de l’importance ? Il y a une grande différence entre le fait de ne pas observer de changement statistiquement significatif et réussir à montrer qu’un paramètre ne change pas (i.e. que la progression de la maladie est retardée). La seconde option sera toujours très difficile avec 12 patients seulement, mais le fait de ne pas publier les résultats ne permet pas de juger s’ils y sont arrivés. D’un autre côté, ils ont inclus un grand tableau avec des valeurs détaillées pour sept mesures subjectives différentes, avec un total de 70 nombres différents. Comme le communiqué de presse le déclare : “le problème avec un grand nombre d’études sur le plasma riche en plaquettes c’est que la plupart des gens n’ont utilisé que des instruments de résultats subjectifs”. Ce n’est pas le cas de celle-ci, mais si elle ne révèle pas les résultats des mesures objectives, quelle différence ?
Références :
[1] Clinical and MRI Outcomes After Platelet-Rich Plasma Treatment for Knee Osteoarthritis. Clin J Sport Med. 2012 Dec 12. Halpern B, Chaudhury S, Rodeo SA, Hayter C, Bogner E, Potter HG, Nguyen J.
[2] Long term evaluation of disease progression through the quantitative magnetic resonance imaging of symptomatic knee osteoarthritis patients : correlation with clinical symptoms and radiographic changes. Raynauld JP, Martel-Pelletier J, Berthiaume MJ, Beaudoin G, Choquette D, Haraoui B, Tannenbaum H, Meyer JM, Beary JF, Cline GA, Pelletier JP. Arthritis Res Ther. 2006 ;8(1):R21. 2005.