Quand les participants réalisent une tâche mentalement fatigante avant un test d’exercice physique, ils atteignent un niveau d’épuisement plus rapidement que quand ils font le même exercice mentalement reposés.
L’étude, publiée dans l’édition de mars 2009 du Journal of Applied Physiology [1], a trouvé que la fatigue mentale ne faisait pas réagir le coeur et les muscles différemment, mais qu’au lieu de cela, notre “perception de l’effort” détermine le moment où nous avons atteint le stade d’épuisement. Les chercheurs ajoutent que la prochaine étape sera d’examiner le cerveau afin de voir exactement pourquoi les gens avec une fatigue mentale perçoivent l’exercice comme plus difficile.
L’étude
16 participants ont pédalé sur un vélo stationnaire jusqu’à épuisement sous deux conditions : une fois quand ils étaient mentalement fatigués et une fois quand ils étaient mentalement reposés. L’essai eut lieu dans le laboratoire en différents jours. Les participants ont eu la même quantité de sommeil, ont bu la même quantité de boisson et ont eu les mêmes repas avant chaque séance.
Les séances de fatigue mentale ont commencé avec une tâche intellectuelle de 90 minutes qui exigeait une attention particulière, de la mémoire, une réaction rapide et une capacité à masquer une réponse. Après avoir subit cette séance, les participants rapportaient être fatigués et manquer d’énergie. La séance de contrôle consistait quant à elle à regarder des documentaires neutres pendant 90 minutes, et n’était pas éprouvante intellectuellement.
Après chacune des séances de 90 minutes – fatigante ou non mentalement – les participants réalisaient un effort physique intense sur un vélo stationnaire. Ils pédalaient jusqu’à épuisement, ce dernier étant défini comme le point où ils ne pouvaient plus maintenir une cadence d’au moins 60 révolutions par minute pendant plus de 5 secondes.
Durant les deux séances d’exercice, les chercheurs ont suivi tout un ensemble de mesures physiologiques, comme la consommation d’oxygène, les pulsations, les flux cardiaques, la tension, la ventilation et les niveaux de lactate sanguin. Pour motiver les sujets testés, les chercheurs offraient des prix en argent à la meilleure performance pour les exercices physiques et les tâches mentales.
Les résultats
Les participants ont arrêté de faire de l’exercice en moyenne 15% plus tôt quand ils étaient fatigués mentalement. Cependant, les participants mentalement fatigués ont commencé avec un point de perception de l’effort plus élevé, mais ont atteint le point de rupture plus tôt.
Les mesures cardiaques/respiratoires et musculo-énergétiques n’ont pas varié entre les deux essais quand ils étaient comparés en des points temporels spécifiques. Pourtant, parce que les tests des “non-fatigués” duraient plus longtemps, les pulsations et les taux de lactate étaient plus élevés à la fin de ces tests.
La motivation était identique dans les deux groupes d’essai et n’était pas un facteur déterminant.
Les chercheurs spéculent sur le fait que la perception de l’effort a lieu dans le cerveau. Le Dr Marcora et ses collègues considèrent deux possibilités :
La fatigue mentale ralentit l’inhibition du cerveau contre le renoncement ou,
le fait d’être fatigué mentalement affecte la dopamine, élément chimique qui joue un rôle dans la motivation et l’effort.
Il est intéressant de noter que le fait de demander de réaliser des tâches intellectuelles active le cortex cingulaire antérieur du cerveau. Des recherches antérieures ont montré que des rats atteints de lésion du cortex cingulaire antérieur ne travaillaient pas aussi dur en vue d’une récompense, comparés à des rats sans lésion. Cette région du cerveau pourrait être l’endroit où la perception de l’effort prend sa source, explique le Dr Marcora.
Appliquer les résultats
Cette recherche pourrait fournir un moyen d’étudier le syndrome de fatigue chronique, dit le Dr Marcora. Les personnes atteintes de fatigue chronique rapportent manquer d’énergie et vivre dans un “brouillard cérébral”, tout comme les participants mentalement fatigués de cette étude. En outre, comme dans cette étude, les personnes atteintes de fatigue chronique perçoivent l’exercice comme plus difficile, malgré des réponses physiologiques considérées comme normales pendant l’exercice.
Le modèle de recherche pourrait aussi être utile pour les personnels militaires. Ils peuvent être amenés à faire des tâches exigeantes physiquement après une longue période de vigilance. Or la vigilance produit une fatigue mentale.
Finalement, cette étude suggère que les gens faisant un entraînement de haute intensité, comme les athlètes en compétition, devraient réaliser leur entraînement quand ils sont reposés mentalement. Cependant, les gens qui font de l’exercice après le travail doivent continuer ainsi, même s’ils sont fatigués intellectuellement. La plupart des gens font du sport de façon modérée, ce qui apporte énormément de bénéfices physiologiques et psychologiques, y compris une réduction du stress et une amélioration de la performance mentale.
Références :
[1] Mental fatigue impairs physical performance in humans. Journal of Applied Physiology. 106 : 857-864, 2009.