L’une des controverses les plus brûlantes en nutrition sportive a été suscitée par une étude Danoise inhabituelle publiée en 2005 [1]. Dans cette étude, des volontaires ont réalisé un programme d’entrainement de 10 semaines dans lequel ils ont entraîné une jambe tous les jours, et ont entraîné l’autre jambe deux fois plus tous les deux jours. Ce qui veut dire que la jambe entraînée le second jour faisait la moitié de son entrainement dans un état de fatigue important, car elle avait épuisé son stock de glycogène durant la première moitié de son entrainement.
À la fin de l’étude, cette jambe surentraînée avait développé une endurance beaucoup plus grande, ce qui donna naissance à un nouveau concept qui sera plus tard résumé par l’adage : “entraînez-vous vidé, et concourrez plus fort”, dans lequel les athlètes cherchaient à réaliser une partie de leur entrainement alors que leurs stocks d’énergie étaient fortement épuisés (“entraînez-vous vidé”), et ainsi ils obtiendraient de bien meilleures performances quand ils seront complètement rechargés (“concourrez plus forts”) [2].
Sans aucun doute, le fait d’avoir des stocks de glucides bien pleins améliorera votre endurance. En fait, tout est là : “s’entraîner vidé” est l’équivalent nutritionnel de porter une veste lestée pour rendre vos entraînements plus difficiles. Il y avait des rumeurs selon lesquelles des athlètes comme Miguel Indurain, le quintuple champion du Tour de France, aurait tenté cette approche en faisant certains de ses entraînements dans un état de jeûne, l’estomac vide.
Mais il y a très peu de preuves que cela marche réellement : même l’étude Danoise a plusieurs défauts, comme surtout le fait que les sujets n’étaient pas du tout entrainés, ce qui facilite grandement l’observation d’améliorations de la performance, et qu’entrainer une seule jambe n’est pas une activité particulièrement fréquente dans le monde réel.
Plusieurs études ont essayé des protocoles identiques avec des cyclistes entrainés, et ont trouvé que s’entrainer avec des stocks énergétiques épuisés stimulait réellement le corps pour qu’il s’adapte différemment, mais cela ne semblait pas produire de bénéfices réels au final.
Par exemple, une étude de 2010 [3] à l’Université de Birmingham a eu recours à des biopsies musculaires invasives et à des traqueurs isotopes pour mesurer les différents changements musculaires et métaboliques produits par l’entrainement, rechargé et épuisé. Comme on pouvait s’y attendre, ils ont trouvé que l’entrainement en étant épuisé enseignait au corps à brûler plus de graisse au lieu des glucides, ce qui améliorerait théoriquement la performance de l’endurance en permettant aux stocks de glucides de durer plus longtemps avant d’être épuisés. Mais dans un essai d’une heure de temps, il n’y avait eu aucune différence entre les deux groupes.
Cette contradiction apparente est identique à celle de la “zone qui brûle la grasse” pour perdre du poids. Dans les deux cas, les chercheurs ont réfléchi à la façon de forcer le corps à plus utiliser la graisse au lieu des hydrates de carbone, mais vous ne perdez pas plus de poids ni ne pédalez plus vite, car le corps semble compenser ce changement.
En fait, il y a des éléments de preuve indiquant qu’en augmentant vos aptitudes à brûler de la graisse, vous lésez aussi votre capacité à brûler des glucides. Il est tentant de croire que cela n’est pas très important dans les événements d’ultra endurance comme les marathons ou les longues courses de vélo, où le fait de brûler les graisses joue un rôle majeur.
Cependant, il a été remarqué que les activités stratégiques qui se déroulent dans ce type de sports, comme l’échappée, la montée en danseuse en montagne ou le sprint pour passer la ligne d’arrivée, sont toutes dépendantes de la capacité d’un athlète à fonctionner dans des intensités élevées qui dépendent elles-mêmes des glucides.
En pratique, il y existe deux approches pour l’entraînement dans un état d’épuisement des stocks de glucides. L’une des approches utilisées dans les études est décrite comme telle : videz vos stocks de glycogène des muscles avec 30 à 60 minutes d’exercice modéré à environ 70% de l’effort maximal. Puis, sans se recharger, faites un entraînement plus dur.
Alternativement, vous pouvez essayer de vous entraîner au saut du lit le matin, avant d’avoir déjeuné sans avoir avalé quoi que ce soit, en ayant mangé un repas la veille au soir pauvre en glucides, pour que votre corps tout entier soit bas en glycogène. Ces deux stratégies peuvent être toutes deux très stressantes pour le corps et ne devraient pas être tentées plus d’une fois ou deux par semaine. La récupération qui suivra est cruciale, comprenant beaucoup de glucides.
À ce niveau, bien que cette mode d’entraînement en état d’épuisement des stocks soit devenue populaire, la recherche demeure fortement incertaine sur son utilité. Pour la plupart des gens, le meilleur pari sera de laisser les autres prendre le risque de cette expérience souvent déplaisante, puis, s’il s’avère que cela apporte des bénéfices mesurables, l’essayer soi-même.
Références :
[1] Anne Hansen et al. Skeletal muscle adaptation : training twice every second day vs. training once daily. Journal of Applied Physiology, 2005, 98, 93-99.
[2] Louis Burke, New issues in training and nutrition : train low compete high ? Current Sports Medicine Reports, 2007, 6, 137-138.
[3] Carl Hulston et al. Training with low muscle glycogen enhances fat metabolism in well-trained cyclists. Medicine & Science in Sports & Exercise, 2010.