Les problèmes au tendon d’Achille sont-ils (partiellement) dans votre tête ? Car aussi étrange que cela puisse paraître, une opération chirurgicale sur un tendon d’Achille a permis de réparer l’autre tendon.
Voilà qui va faire bondir plus d’un sportif ! Dans un article scientifique publié dans le British Journal of Sports Medicine [1], par une équipe dirigée par le spécialiste des tendons d’Achille qu’est Hakan Alfredson, 13 patients qui avaient des problèmes au tendon d’Achille des deux pieds depuis longtemps (sur des durées qui allaient de 6 à 120 mois), ont été opérés sur le tendon qui semblait être le pire. Puis ils ont attendu.
Le but de l’opération était essentiellement de gratter le tendon affecté, une technique qui a un bon taux de réussite avec peu de cas subsistants de tendinite. En général, l’opération chirurgicale a plutôt bien fonctionné : le score de la douleur du côté opéré a chuté, partant en moyenne de 76 pour tomber à 7 en moyenne.
Mais le plus étrange c’est que 11 des 13 patients ont aussi rapporté que leur tendon qui n’avait pas été opéré s’est amélioré, et 10 d’entre eux ont même affirmé ne plus avoir de douleur du tout. Comme Alfredson l’a fait remarquer, il est peu probable que le repos en soi soit suffisant pour expliquer ces résultats, étant donné que les patients avaient déjà essayé pendant plusieurs mois de se reposer avant de passer par la case opération chirurgicale, sans succès, ajoutant qu’il n’y a aucune preuve établissant que le repos est bénéfique contre les problèmes chroniques au tendon d’Achille.
Alors, que s’est-il réellement passé ? Alfredson et al. Suggèrent que ces résultats constituent des preuves que des “mécanismes neuronaux centraux” jouent un rôle dans la tendinite chronique du talon d’Achille. Cette possibilité avait déjà été mise en relief dans le passé avec des expériences sur des lapins : grâce à un exercice physique excessif et une stimulation électrique, les lapins ont eu une tendinite du tendon d’Achille semblable à celle des humains, mais certains des signes de la tendinopathie s’étaient aussi développés de l’autre côté sans raison apparente.
La douleur que l’on ressent quand on a un problème au tendon d’Achille est (comme toute douleur) transmises par des signaux nerveux. L’opération de raclage a définitivement modifié les sensations nerveuses dans le tissu qui est autour du tendon. En outre, quand les fibres nerveuses rejoignent la moelle épinière, il y a souvent une superposition entre les connexions symétriques du côté droit et du côté gauche, ainsi il peut y avoir une espèce d’”interférence” entre eux. En conséquence, il se peut que le fait de gratter un tendon fasse que votre cerveau ajuste la façon dont il enregistre les signaux de la douleur de ce tendon, et comme un effet secondaire, il finit par ajuster la façon dont il enregistre les signaux de douleur provenant de l’autre tendon.
Sans doute que les problèmes aux tendons ne sont pas seulement “dans votre tête”, ils sont aussi la manifestation de problèmes réels. Mais une simple interférence n’explique en fait pas tous les problèmes aux tendons d’Achille, en réalité, les personnes qui sont complètement inactives développent parfois des problèmes au tendon d’Achille. Et pour les problèmes chroniques de longue date, il semble plus probable que le traumatisme initial qui a causé le problème puisse perdurer, auquel cas le fait de réajuster les signaux de la douleur du tendon pourrait suffire à résoudre le problème.
Selon les auteurs de cette étude, le message pratique à retenir est que si vous avez des problèmes au tendon d’Achille aux deux pieds, que vous avez déjà essayé tous les traitements et que vous êtes prêts à vous faire opérer, attendez un peu après l’opération pour voir si l’autre côté ne s’améliore pas aussi, parce que vous pourriez ne pas avoir besoin d’une seconde opération.
Références :
[1] Unilateral surgical treatment for patients with midportion Achilles tendinopathy may result in bilateral recovery. Alfredson H, Spang C, Forsgren S. British Journal of Sports Medicine, 2012.