Une étude sous forme de “crowdsourcing science [1]”, publiée dans le journal Frontiers in Integrative Neuroscience [2], a été réalisée qui a réfuté la théorie de longue date selon laquelle les “super-goûteurs” tireraient leur sensibilité spéciale au goût amer d’une forte densité de papilles gustatives sur leur langue.

Les super-goûteurs sont des individus qui peuvent détecter et sont extrêmement sensibles au phénylthiocarbamide et au propylthiouracile. Deux composés qui sont associés aux molécules de l’amertume dans certains aliments comme le brocoli et le chou frisé. Le super-goût a été utilisé pour expliquer pourquoi certaines personnes n’aimaient pas les aliments épicés ou les bières au houblon, ou pourquoi certains enfants sont si difficiles à table.

La sensibilité de ces exhausteurs du goût amer est partiellement due à une variation dans le gène récepteur du goût TAS2R38. Mais certains scientifiques pensent que la capacité à être super-goûteur est aussi stimulée par la présence d’un plus grand nombre de papilles gustatives que la moyenne, ces petites excroissances sur la langue qui contiennent les bourgeons du goût. Les scientifiques ont mis cette théorie à l’épreuve pour vérifier si elle était vraie.

“Il y a une croyance de longue date selon laquelle si vous tirez la langue et comptez les excroissances qu’il y a dessus, alors vous pourrez prédire la sensibilité aux goûts tels que l’amertume des légumes et les fortes sensations comme l’épicé” explique Garneau. “La théorie communément acceptée était que plus vous avez d’excroissances, plus vous avez de papilles gustatives et plus vous êtes sensibles à ces goûts”.

Plus de 3000 visiteurs du Laboratoire de la Génétique du Goût se sont portés volontaires pour tirer la langue afin de procéder au comptage de leurs papilles, et pour mesurer leur sensibilité au phénylthiocarbamide et au propylthiouracile. Ce sont au total 394 sujets qui ont été inclus dans cette analyse. Des échantillons de cellules ont été prélevés sur les volontaires pour déterminer leur séquence ADN pour le TAS2R38. Les résultats ont confirmé que certaines variations du TAS2R38 rendaient plus probables la sensibilité des individus au goût amer, mais a aussi démontré que le nombre de papilles gustatives sur la langue n’affectait pas l’augmentation de la sensibilité au goût.

“Quelque-soit la façon dont nous avons analysé les données, nous ne pouvions pas reproduire ni confirmer cette hypothèse de longue date selon laquelle un nombre élevé de papilles gustatives déterminait la sensibilité d’un super-goûteur” dit la chercheuse.

Les auteurs s’élèvent d’ailleurs contre cet usage impropre du terme de “super-goûteur”, et sont pour l’utilisation du terme plus objectif d’hypergueusie – la sensibilité anormale au goût – pour décrire les gens qui sont sensibles à tous les goûts et sensations provenant des aliments.

“Ce que nous savons et comprenons à propos du fonctionnement de nos corps s’améliore grandement quand nous remettons en question certains dogmes de notre connaissance. C’est la nature de la science” ajoute Garneau. “En même temps que les techniques se modernisent, notre capacité à faire de la science s’améliore, et nous découvrons que ce que nous avions accepté comme vrai il y a 20, 30 ou 100 ans est remplacé par de meilleures théories en rassemblant plus de données nouvelles, ce qui fait avancer la science. Dans le cas qui nous intéresse ici, nous avons prouvé qu’avec le ’Protocole des Papilles de Denver’, notre nouvelle méthode d’analyse objective de la densité des papilles gustatives, nous étions en mesure de reproduire des études connues sur le super-goût”.

Références :

[1] Ce qui rend cette étude unique est que la plupart de ses résultats a été collectée par des citoyens scientifiques comprenant 130 volontaires, qui ont été spécialement formés par les scientifiques. Le Laboratoire de Génétique du Goût est situé au cœur d’un musée, ce qui a permis d’attirer des volontaires et scientifiques citoyens qui ont réalisé cette recherche sur la population sur la génétique humaine, le goût et la santé.

[2] Nicole L. Garneau, Tiffany M. Nuessle, Meghan M. Sloan, Stephanie A. Santorico, Bridget C. Coughlin and John E. Hayes. Crowdsourcing taste research : genetic and phenotypic predictors of bitter taste perception as a model. Frontiers in Integrative Neuroscience, 2014 DOI : 10.3389/fnint.2014.00033.

A lire également