Un coureur de marathon s’approche de la ligne d’arrivée, mais soudainement l’athlète en sueur s’effondre sur le sol. Tout le monde supposerait que cela vient de ce qu’il a épuisé toute son énergie musculaire. Mais ce que peu de personnes savent c’est que cela peut être aussi un mécanisme de ralentissement qui s’enclenche dans le cerveau et qui nous rend trop épuisé pour pouvoir continuer. C’est ce qu’on appelle la “fatigue centrale”.
“Notre découverte permettra d’éclairer le paradoxe qui a été longtemps sujet de débat entre les chercheurs. Nous savions déjà que la sérotonine, qui est un neurotransmetteur, est libérée quand vous faites de l’exercice physique, et en effet, elle nous aide à continuer.
Cependant, la connaissance du rôle que joue la substance en relation avec le fait que nous nous sentons si épuisé que nous devons nous arrêter se dérobe depuis des années. Nous pouvons voir que c’est en réalité un surplus de sérotonine qui provoque un mécanisme d’arrêt dans le cerveau. En d’autres termes, la sérotonine fonctionne comme un accélérateur, mais aussi comme un frein quand l’effort devient excessif” explique le Professeur Jean-François Perrier, qui a dirigé la recherche [1].
Une aide dans la lutte contre le dopage
Perrier espérait que le fait de cartographier le mécanisme qui déclenche la fatigue centrale sera utile de plusieurs façons. La fatigue centrale est un phénomène qui est connu depuis 80 ans environ, c’est une sorte de lassitude qui, au lieu de toucher les muscles, frappe le cerveau et le système nerveux. En conduisant des expériences scientifiques, il est possible d’observer et de mesurer que le cerveau n’envoie plus assez de signaux vers les muscles pour les garder en mouvement, ce qui en retour signifie que nous ne sommes plus en mesure de continuer à exécuter ce que nous étions en train de faire. C’est ce qui rend le mécanisme sous-jacent à la fatigue centrale un domaine intéressant dans la lutte contre le dopage.
“En luttant contre l’utilisation de produits dopants, il est crucial d’identifier quelles sont les méthodes que les athlètes peuvent utiliser pour empêcher la fatigue centrale de survenir, et de ce fait pour continuer à performer au-delà de ce qui est naturellement possible. Et la meilleure façon de le faire est de comprendre les mécanismes sous-jacents” dit Jean-François Perrier.
Développer des meilleurs médicaments
Le cerveau communique avec nos muscles en utilisant des motoneurones. Dans plusieurs maladies, les motoneurones sont hyperactifs. C’est vrai, par exemple, pour les gens qui souffrent de spasmodicité et de paralysie cérébrale, et qui sont incapables de contrôler leurs mouvements. Perrier espère ainsi qu’à long terme, cette connaissance nouvelle pourra être utilisée pour développer de nouveaux médicaments contre ces symptômes et pour en savoir plus sur les effets des antidépresseurs.
“Cette nouvelle découverte nous rapproche un peu plus de la connaissance du contrôle de la sérotonine. En d’autres termes, de savoir si elle aura un effet de commande ou de déclencheur de la fatigue centrale. Il s’agit d’activer de façon sélective les récepteurs sur lesquels se fixe la sérotonine” explique le chercheur.
“Pour ce qui concerne les médicaments inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine qui sont utilisés comme antidépresseurs, nous pouvons expliquer pourquoi ceux qui prennent ces substances se sentent souvent plus fatigués et deviennent aussi légèrement plus maladroits que les autres. Ce que nous savons maintenant pourra nous aider à développer de meilleurs traitements, conclut Perrier.
Références :
[1] Florence Cotel, Richard Exley, Stephanie Cragg, Jean-François Perrier. Serotonin spillover onto the axon initial segment of motoneurons induces central fatigue by inhibiting action potential initiation. PNAS, 2013 DOI : 10.1073/pnas.1216150110.