Haro sur certains mythes populaires concernant le sexe et l’intelligence chez les personnes âgées.

Les personnes de plus de 65 ans représentent un pourcentage de plus en plus important de la population. Comme cette société vieillissante n’est apparue que depuis le siècle dernier [1], il n’est pas surprenant que beaucoup de ce que nous croyons à propos de la vieillesse et du vieillissement soit faux.

Les “faits” à propos de la vieillesse dépeignent les individus vieillissant comme devenant quelque-peu moins capable, moins vif, moins souple, moins sexuel et moins épanoui. Mais combien de ces prétendus faits tiennent face à l’épreuve d’un examen minutieux ? Voici cinq de ces croyances remises en cause par la recherche.

La libido et l’activité sexuelle diminue

Ce n’est pas vrai. Les niveaux d’hormones changent effectivement en vieillissant [2], mais cela ne diminue pas obligatoirement la libido. En effet, chez les femmes, la libido augmente souvent après la ménopause [3].

La libido des personnes âgées peut être ralentie à cause de maladies chroniques (diabète ou maladie de cœur), des effets secondaires des médicaments (antihypertenseurs) ou de la morosité et de l’ennui marital [4]. Ainsi, la diminution du désir sexuel en vieillissant est souvent dû à des événements et à des circonstances, et non à des changements physiques qui viennent de l’âge en soi.

Cependant, le fait d’avoir un partenaire sexuel est le facteur le plus solide pour ce qui est de déterminer la fréquence des relations sexuelles chez un individu [5]. Car les femmes tendent à se marier avec des hommes plus âgés, qui décèdent plus jeunes, l’activité sexuelle réduite des femmes plus âgées est donc largement due au veuvage [6]. De nouveau, ce n’est donc pas l’âge en soi qui ralentit la libido ni l’activité sexuelle, mais des événements et des circonstances qui accompagnent le vieillissement.

Le fonctionnement du cerveau ralentit à cause de l’âge

Ce n’est pas vrai. Nos neurones fonctionnent différemment quand on vieillit, et les personnes âgées peuvent avoir des difficultés à penser et à se souvenir. Mais, comme pour le sexe, ces capacités sont fortement influencées par les conditions sociales. Par exemple, les aptitudes mentales sont intimement liées aux relations sociales qui les soutiennent ainsi qu’à l’activité physique et mentale [7]. Tout comme nous pouvons changer nos conditions sociales, nous sommes capables de compenser les effets physiques du vieillissement sur nos aptitudes mentales.

Nous considérons souvent les aptitudes mentales des jeunes personnes comme étant la référence, mais il s’agit d’une approche biaisée qui conduit à des conclusions erronées. Quand nous vieillissons, nous pouvons penser différemment et à des vitesses différentes (nous avons plus de choses à nous remémorer), mais cela ne rend pas nos pensées moins affutées, moins profondes, moins créatives, moins productives ou moins importantes. Après tout, Peter Roget a inventé le dictionnaire à 76 ans et Michel Ange a dessiné les plans de la Basilique de Sainte-Marie-des-Anges-et-des-Martyrs à 88 ans.

On devient plus conservateur

Pas du tout. Imaginez dix personnes, l’une âgée de 10 ans, une de vingt ans, une de trente ans, etc. Le plus vieux est moins libéral que celui de 60 ans, qui est moins libéral que celui de 40 ans, etc. On pourrait en conclure que les individus deviennent de plus en plus conservateurs avec l’âge. Mais dans ce cas vous supposeriez, à tort, que chaque personne a commencé avec une même vision politique.

Une femme de 100 ans, née en 1918, a formé ses opinions politiques de départ à une époque très différente. Ce qui était libéral dans les années 1940 est conservateur de nos jours (si on considère par exemple les relations entre les races, le féminisme et les normes sexuelles). Ce qu’on peut voir, c’est une personne de 100 ans dont les opinions politiques sont devenues moins conservatrices, mais qui le restent plus que les opinions de ses enfants et petits-enfants qui commencent leurs vies sur une base plus libérale. C’est ce que des chercheurs ont trouvé dans leur étude sur les attitudes politiques à travers différents groupes d’âges sur 30 ans [8]. Ils ont conclu que “le changement est aussi fréquent parmi les personnes âgées que chez les jeunes adultes”.

On devient moins heureux

Heureusement, ce n’est pas vrai ! Comme un sociologiste l’a montré, alors que le bonheur décline entre 30 et 40 ans, “les niveaux globaux de bonheur augmentent avec l’âge, nets des autres facteurs” [9].

Pourquoi cela ? D’abord parce que les plus jeunes pourraient être exposés à des événements plus stressants dont leurs ainés, en retraite, sont protégés comme les baisses de revenus ou les périodes de chômage. Deuxièmement, plus on vieillit et plus on tend à se focaliser sur les souvenirs et les informations positifs, et on améliore la gestion de ses émotions. Cette tendance à la hausse continue jusqu’à ce que nous soyons “en train de mourir” [10].

Le système immunitaire s’affaiblit

Globalement c’est vrai, mais le système immunitaire des personnes âgées varie énormément. Une personne qui a 100 ans de nos jours a vécu 2 guerres, en conséquence elle a probablement vécu des périodes de stress financièrement, socialement et nutritionnellement pendant son enfance ou son adolescence. Une mauvaise alimentation aurait pu affaiblir son système immunitaire à court et à long terme.

Comme des chercheurs l’ont montré, le fait d’être sous-alimenté affaiblit le système immunitaire [11], notamment chez les plus jeunes et chez les plus âgés, ainsi si notre individu de 100 ans a été sous-alimenté quand il était vieux, il aurait probablement été doublement défavorisé du côté immunitaire.

Mais il aurait été moins susceptible d’attraper un rhume. Nous sommes plus immunisé avec les années, et parfois même pour toute la vie, à un virus spécifique après en avoir été infecté. Avec le temps, nous devenons immunisé contre de plus en plus de virus, ainsi plus on vieillit et moins il y a de virus qui nous rendent malades – en supposant bien entendu que nous ne soyons pas inondés par une rafale de nouveaux virus. De nouveau, c’est la façon dont nous sommes connectés au monde extérieur qui façonne notre âge avancé.

Références :

[1] Ageing populations : the challenges ahead. Lancet. 2009 Oct 3 ; 374(9696) : 1196–1208.

[2] J Pathol. 2007 Jan ;211(2):173-80. The endocrine system and ageing.

[3] Menopause is the “Good Old”. Women’s Thoughts about Reproductive Aging. Gender & Society, Vol 19, Issue 3, 2005.

[4] Sexual desire in later life. The Journal of Sex Research, Volume 42, 2005 – Issue 2.

[5] The Impact of Aging on Human Sexual Activity and Sexual Desire. The Journal of Sex Research, Volume 46, 2009 – Issue 1.

[6] L’écart d’âge entre conjoints. Revue Française de Sociologie, Jean-François Mignot, 2010/2 (Vol. 51).

[7] Late-Life Engagement in Social and Leisure Activities Is Associated with a Decreased Risk of Dementia : A Longitudinal Study from the Kungsholmen Project. American Journal of Epidemiology, Volume 155, Issue 12, 2002, pp 1081–1087.

[8] Population Aging, Intracohort Aging, and Sociopolitical Attitudes. Nicholas L. Danigelis, Melissa Hardy and Stephen J. Cutler. American Sociological Review, Vol. 72, No. 5 (2007), pp. 812-830.

[9] Social Inequalities in Happiness in the United States, 1972 to 2004 : An Age-Period-Cohort Analysis. Yang Yang, American Sociological Review, Vol. 73, No. 2 (2008), pp. 204-226

[10] Emotional Aging : Recent Findings and Future Trends. The Journals of Gerontology : Series B, Volume 65B, Issue 2, 2010, pp 135–144.

[11] Nutritional factors and immunological ageing. Proceedings of the Nutrition Society, Volume 65, Numéro 3, 2006 , pp. 319-325.

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