Les graisses saturées amoindrissent la réponse du cerveau aux hormones clés de l’appétit, un effet utile dans notre passé évolutif pendant les périodes de pénuries alimentaires, mais plus trop dans nos sociétés bien nourries.
Quand vous passez le week-end à vous gaver d’aliments gras, votre balance n’est pas la seule à souffrir de leur impact sur votre corps. Votre cerveau aussi. Une recherche a montré comment les graisses saturées nous trompent pour manger davantage, et a élucidé les bases évolutionnistes de la propension à prendre du poids dans les pays développés. Notre physiologie cérébrale, semble-t-il, est “dépassée” dans le monde moderne.
Des chercheurs savent depuis longtemps que les hormones leptine et insuline jouent un rôle dans la régulation de l’appétit et la consommation de nourriture. La leptine des personnes en bonne santé, qui est secrétée par les tissus adipeux, agit comme une bande enregistreuse moléculaire qui mesure notre tour de taille, annulant les sentiments de la faim. L’insuline apparaît quand le pancréas reçoit une bouffée d’augmentation du taux de sucre dans le sang après un repas, une fois que le cerveau détecte cette augmentation, il est connu pour tasser tout désir de nourriture.
Certains désordres alimentaires et métaboliques peuvent cependant rompre notre capacité à répondre de façon appropriée à ces signaux hormonaux. Dans une étude publiée dans The Journal of Clinical Investigation, des scientifiques ont rapporté avoir dénoué un mécanisme biochimique central derrière l’effet de la graisse sur le cerveau des mammifères. Ils ont trouvé qu’après seulement trois jours d’un régime riche en graisses saturées, ingrédient qu’on trouve fréquemment dans le boeuf et le fromage, les cerveaux des rats devenaient plus résistants à la leptine et à l’insuline. Au contraire, les graisses insaturées, comme celles qu’on trouve dans l’huile d’olive, ne provoquait pas de résistance.
Il résulte de cette résistance hormonale qu’un repas riche en graisses saturées peut relancer notre appétit bien après le dessert. “Passer de repas sains à des fast-food peut voir ces conséquences durer sur quelques jours, même après avoir repris un rythme de repas sains” explique le neuroscientifique Stephen Benoit de l’Université de Cincinnati, qui a réalisé l’étude. Il pense que les résultats peuvent s’appliquer aux êtres humains.
Sentir la leptine et l’insuline, c’est comme garder un œil sur l’état des éléments nutritifs du corps, dit Gary Schwartz, neuroscientifique à New-York. “Si cet oeil commence à devenir aveugle parce que vous continuez à lui donner trop d’élément nutritifs, alors il ne peut répondre. Il ne peut pas vous dire “regarde, ne mange pas.” Les résultats peuvent entrer dans un cycle vicieux de problèmes métaboliques et de prise de poids, note-t-il.
Mais si les hormones sont supposées empêcher notre métabolisme de partir hors de tout contrôle, pourquoi les graisses saturées, les éléments que les personnes obèses ont en trop, nous rendraient-elles insensibles à elles-mêmes ?
“Il y a un mystère là-dessous” dit William Banks, expert en leptines, il a montré que de hauts niveaux de graisses saturées dans le sang bloquaient le passage de l’hormone dans le cerveau, le rend aveugle aux kilos en trop.
Une allusion à une explication pour ces effets contre-intuitifs vient de la physiologie de la famine. Quand nous sommes affamés, nos corps commencent à utiliser leur graisse pour s’en servir comme énergie. Ce qui fait que le sang est inondé par la graisse, comme il fait pour l’obésité et la suralimentation.
En se trompant apparemment d’avertissement, nos cerveaux interprètent cette libération de graisse (quel que soit sa source) comme une alerte de privation de nourriture, que cela ait été fait autrement dans notre histoire évolutionniste, nous ne nous en inquiéterons probablement pas. Banks explique : “dans l’histoire de l’évolution, nous avons du faire face à des carences caloriques et des famines plus que des périodes riches en calories.”
Mais comme le note Benoit, une réponse neurologique “qui était utile à un certain moment de l’histoire n’est plus très utile quand on trouve un McDo à tous les coins de rue.” Ainsi, dans notre combat contre les calories vides, le fait d’adhérer à un régime méditerranéen, riche en huile d’olive et en légumes, pourrait nous aider à dépasser notre physiologie cérébrale obsolète.”