Pour faire du muscle, faut-il une poussée hormonale après l’entrainement ?

Il suffit de faire un peu de recherche sur internet, ou de lire les magazines et des livres de musculation, pour y trouver l’idée qu’après un entrainement une élévation des hormones – la testostérone, l’hormone de croissance ou le facteur-1 de croissance de type insuline – est un élément clé qui augmente la croissance musculaire après un entrainement, accompagnés de références qui soulignent l’importance d’une maximisation de cette poussée hormonale.

Comme pour beaucoup de mythes, celui-ci a commencé par un fond de vérité. Entrainez-vous dur et vous verrez une poussée temporaire de la production d’hormones, une réaction au stress semblable à la réaction de lutte ou de fuite du corps. Certains types d’entrainements produisent des élévations plus ou moins importantes de certaines hormones plutôt que d’autres, ce qui explique pourquoi vous pouvez trouver toutes sortes de conseils sur les “meilleurs” entrainements possibles pour maximiser la croissance musculaire.

Mais est-ce que cela fait vraiment une différence pour la croissance musculaire ? Des chercheurs, Phillips et ses collègues, ont essayé de tester cette hypothèse depuis environ dix ans.

En 2006 déjà ils ont publié une étude [1] dans laquelle les sujets n’entrainaient qu’une seule jambe, trois fois par semaine pendant huit semaines. L’une des clés pour maximiser l’augmentation hormonale après un entrainement est de solliciter le plus de masse musculaire possible ; et en exerçant seulement une jambe, ils s’assuraient qu’il n’y ait aucune modification de la concentration systémique hormonale. Le résultat ? Le muscle de la jambe entrainée est devenu plus gros de 5,4 % et ce même sans changements hormonaux. Ainsi, il n’est sans doute pas besoin d’élever les niveaux des hormones pour ajouter du muscle.

Néanmoins, il est possible que les hormones accélèrent la réponse. Dans une étude de 2010 [2] les chercheurs ont sélectionné des sujets qui n’entrainaient qu’un seul biceps à la fois pendant 15 semaines. Ils n’entrainaient qu’un bras à la fois, ce qui veut dire que les niveaux des hormones n’ont pas changé pendant ou après cet entrainement. Pour l’autre bras, ils l’ont entrainé immédiatement après un solide entrainement du bas du corps qui stimulait significativement les quatre hormones pendant une demi-heure après l’entrainement.

Les résultats ? Les deux bras sont devenus plus gros et plus forts dans une même proportion. Les niveaux d’hormone élevés n’ont pas fait de différence dans la quantité de muscle gagnée, ce qui importait était simplement la quantité d’entrainement réalisé pour chaque bras.

Phillips a aussi montré certaines données d’une étude de 2007 [3] où 56 sujets se sont entrainés pendant 12 semaines. Comme pour tout programme d’entrainement, il y avait une grande variabilité entre les réponses individuelles : alors que le gain moyen était de 3 kg de muscle, certains n’ont rien gagné du tout tandis que d’autres ont pris jusqu’à 7,7 kg, ce qui est plutôt impressionnant en 12 semaines.

Ils ont aussi mesuré les réponses hormonales après l’entrainement chez tous les sujets et ont cherché à savoir si chacune des réactions hormonales pouvait permettre d’expliquer pourquoi certaines personnes prenaient plus de muscle que d’autres. Aucune n’avait d’effets significatifs. En fait, l’hormone qui a donné les meilleures indications et prédictions sur celui qui prendrait le plus de muscle était en fait le cortisol, une hormone du stress que la sagesse populaire dans les salles de musculation recommande de minimiser. Pourquoi ? Ce n’est pas parce que le cortisol aide magiquement les muscles à grossir, c’est probablement parce que c’est un indicateur d’un entrainement difficile.

Tout ceci ne veut pas dire que les hormones n’ont aucune pertinence pour faire du muscle, comme les bodybuilders qui s’injectent de la testostérone peuvent le démontrer. Le problème, c’est que les changements provisoires des niveaux des hormones qui suivent un entrainement difficile et dur ne semblent pas jouer de rôle important dans la quantité de muscle gagné. C’est un exemple classique de fausse corrélation. Ce qui compte, comme les résultats sur le cortisol le montrent, c’est de s’entrainer dur ou à fond !

Références :

[1] Eur J Appl Physiol. 2006 Dec ;98(6):546-55. Hypertrophy with unilateral resistance exercise occurs without increases in endogenous anabolic hormone concentration. Wilkinson SB, Tarnopolsky MA, Grant EJ, Correia CE, Phillips SM. 

[2] Elevations in ostensibly anabolic hormones with resistance exercise enhance neither training-induced muscle hypertrophy nor strength of the elbow flexors. Daniel W. D. West, Nicholas A. Burd, Jason E. Tang, Daniel R. Moore, Aaron W. Staples, Andrew M. Holwerda, Steven K. Baker, Stuart M. Phillips. Journal of Applied Physiology, 2010, Vol. 108 no. 1, 60-6.

[3] Am J Clin Nutr. 2007 Aug ;86(2):373-81. Consumption of fat-free fluid milk after resistance exercise promotes greater lean mass accretion than does consumption of soy or carbohydrate in young, novice, male weightlifters. Hartman JW, Tang JE, Wilkinson SB, Tarnopolsky MA, Lawrence RL, Fullerton AV, Phillips SM. 

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