La découverte de “l’hormone de l’exercice physique”, l’irisine, il y a environ trois ans et qui a généré depuis plus de 170 articles, a été remise en question par une recherche récente qui montre que ces études reposaient sur des kits de tests bourrés de défauts.
Les études précédentes suggéraient que l’hormone irisine – nommée ainsi d’après la déesse grecque Iris –voyageait depuis les muscles jusqu’aux tissus adipeux après une séance d’exercice physique pour ordonner à la graisse de commencer à brûler au lieu d’être stockée. Les résultats ont été source d’espoir et la couverture médiatique de grande ampleur, car l’irisine a alors été considérée comme un moyen potentiel de lutter contre le diabète et l’obésité, en imaginant qu’un jour il serait possible de la prendre sous forme de pilule afin d’évacuer les kilos en trop sans avoir à passer par un éprouvant entrainement sportif.
Mais la nouvelle recherche, d’une équipe internationale de scientifiques, a découvert que les anticorps utilisés pour mesurer les niveaux d’irisine dans le sang étaient mal évalués et non-spécifiques. Ces chercheurs affirment que les niveaux d’irisine rapportés par les kits commerciaux étaient en fait dus à des protéines sanguines inconnues, ce qui conduisait à une mauvaise interprétation du rôle de l’hormone dans le métabolisme humain.
Cette étude, publiée dans le journal Scientific Reports [1], a directement testé les anticorps utilisés dans les analyses précédentes et a montré qu’elles interagissaient avec des protéines autres que l’irisine, ce qui produisait un résultat faux positif. En outre, aucune des protéines détectées par ces kits dans les échantillons de sang humains et animaux n’étaient d’une taille correcte pour être de l’irisine.
“Depuis le début, l’étude sur l’irisine a été compliquée à cause de réactifs non validés et de données contradictoires qui ont servi de signal d’alerte à propos de l’existence de l’irisine et de son rôle chez les êtres humains et les autres espèces,” dit le Dr Harold Erickson, auteur de l’étude et professeur de biologie cellulaire et de biochimie à l’Université Duke. “Nous avons fourni des preuves convaincantes que les signaux rapportés par les études précédentes étaient dus à des protéines sanguines non-spécifiques, et non pas à l’irisine. Heureusement, nos résultats convaincront d’autres chercheurs d’arrêter de courir après ce mythe.”
La réputation de l’irisine comme molécule pour brûler les graisses, commence en 2012 dans un article publié dans le journal scientifique Nature. Les chercheurs ont rapporté qu’en réaction à l’exercice, l’extrémité d’une protéine des muscles appelée FNDC5, était détachée et envoyée dans le sang vers les tissus adipeux où elle transformait la graisse blanche en graisse brune. Or la graisse brune brûle les calories, et c’est ce que les animaux en hibernation – et même les bébés humains – utilisent pour rester au chaud.
Une fournée d’études a rapidement suivi pour savoir comment les niveaux de ce fragment de protéine – que les auteurs originaux ont nommé “irisine” – étaient affectés par l’exercice physique, le diabète, l’obésité et même le cancer. Pour mesurer les niveaux d’irisine dans le sang, la plupart des chercheurs a pris le même raccourci et ils se sont fiés à des kits d’anticorps vendus dans le commerce appelés ELISA, vendus par plusieurs sociétés de biotechnologie.
Les sociétés de biotechnologie et les scientifiques qui ont acheté les kits ignoraient la possibilité que leurs anticorps puissent interagir avec d’autres protéines, et de ce fait surestimaient les niveaux d’irisine, expliquent les chercheurs.
Ils ont d’abord soulevé ce problème dans un article publié dans le journal Adipocyte en 2013. L’année suivante, une étude Allemande n’a pas utilisé les tests ELISA, mais une méthode plus précise et plus longue (la Western blot). Les chercheurs allemands se sont associés aux autres scientifiques pour tester les anticorps qui ont été utilisés dans plus de 80 études pour mesurer les niveaux d’irisine, et ils les ont analysés en ayant recours à la méthode “Western blot” plus fiable.
Les chercheurs ont découvert deux problèmes majeurs. Premièrement, les anticorps n’arrivaient pas à détecter une protéine de la taille correspondante à celle de l’irisine dans les échantillons de sang – et ce même chez des chevaux entrainés pour courir sur de longues distances. Deuxièmement, chaque anticorps réagissait fortement avec plusieurs protéines du sang qui n’étaient pas de la taille de celle de l’irisine.
Pour vérifier ses conclusions, le laboratoire d’Erickson a synthétisé deux versions différentes d’irisine. Les chercheurs ont ensuite ajouté différentes quantités de ces protéines à leurs échantillons puis ont fait de même avec l’autre test (Western blot). Ils ont montré que les anticorps pouvaient détecter même d’infimes quantités d’irisine, et qui étaient dans les tailles attendues (20 et 13 kilodaltons).
Les chercheurs ont conclu que leurs résultats remettent en cause toutes les données précédentes qui ont été obtenues avec les tests ELISA pour l’irisine, et qu’il est peu probable que cette hormone joue un rôle physiologique chez les êtres humains.
“Nos conclusions ont du sens, surtout à la lumière des travaux des autres chercheurs qui ont montré que la version humaine du gène FDNC5 a une mutation délétère au début,” explique les chercheurs. “En conséquence, les êtres humains peuvent produire moins d’un pourcent de l’irisine présente chez les autres espèces. Les humains mettent ce gène KO – ils ne peuvent pas produire de FNDC5, et donc ne peuvent pas produire d’irisine.”
Références :
[1] Irisin – a myth rather than an exercise-inducible myokine. Elke Albrecht, Frode Norheim, Bernd Thiede, Torgeir Holen, Tomoo Ohashi, Lisa Schering, Sindre Lee, Julia Brenmoehl, Selina Thomas, Christina A. Drevon, Harold P. Erickson, Steffen Maak. Scientific Reports, 2015. DOI:10.1038/srep08889.