Notre aptitude à vivre une longue vie est influencée par une combinaison de nos gènes et de notre environnement. Dans des études qui impliquent des jumeaux identiques [1], des scientifiques ont estimé que pas plus de 30 % de cette influence venait de nos gènes, ce qui veut dire que le groupe de facteurs le plus important qui contrôle la longévité d’un individu vient de son environnement.
Des nombreux facteurs environnementaux possibles, peu ont autant été étudiés que notre alimentation. La restriction calorique, par exemple, est l’un des domaines qui a été étudié. Ainsi, les études semblent montrer que le fait de restreindre les calories puisse augmenter l’espérance de vie, du moins chez les petites créatures. Mais ce qui marche chez la souris ou le ver de terre ne marche pas nécessairement chez les êtres humains.
Ce que nous mangeons – opposé à la quantité de ce que nous mangeons – est aussi un domaine actif de recherche et la consommation de viande est souvent mise sous le microscope. Une étude [2] qui a suivi presque 100 000 américains pendant cinq ans a trouvé que ceux qui ne mangeaient pas de viande étaient moins susceptibles de décéder de toutes causes sur la période de l’étude que ceux qui mangeaient de la viande. Cet effet était particulièrement remarquable chez les hommes.
Certaines méta-analyses, qui associent et ré-analysent les données provenant de plusieurs études, ont aussi montré qu’un régime alimentaire faible en viande était associé à une plus grande longévité et que plus une personne s’en tenait à son régime sans viande, plus elle en tirait de bénéfices [3]. Mais toutes les études ne sont cependant pas d’accord. Certaines ont montré une très petite différence [4], voire pas du tout de différence [5] de longévité entre les carnivores et les végétariens.
Ce qui est clair, c’est la preuve que les régimes sans viande peuvent réduire le risque de développer des problèmes de santé tels que le diabète de type 2, la tension artérielle et même certains cancers [6]. Il existe des preuves qui montrent que les régimes végétaliens [7] pouvaient offrir une protection supplémentaire qui allait au-delà de l’alimentation végétarienne. Ces résultats sont beaucoup plus faciles à interpréter étant donné qu’ils rapportent l’événement réel consistant à être diagnostiqué avec un problème de santé plutôt que par un décès toute cause.
Alors pouvons-nous dire sans risque de se tromper que le fait d’éviter la viande va augmenter notre espérance de vie ? Toujours pas…
Le problème avec la longévité
La première chose qui est claire est que, comparés à la plupart des autres créatures, les humains vivent longtemps. Cela rend plus difficile de faire des études qui mesurent l’effet de quoi que ce soit sur la longévité (vous aurez du mal à trouver un scientifique qui sera d’accord pour attendre 90 ans pour terminer son étude.) Au lieu de cela, les scientifiques regardent soit les enregistrements déjà existants sur la santé soit recrutent des volontaires pour des études qui utilisent des périodes de temps plus courtes, qui mesurent les taux de décès et cherchent à savoir quel groupe, en moyenne, était le plus susceptible de décéder en premier. À partir de ces données, des déclarations sont faites sur les effets de certaines activités sur la longévité, y compris le fait d’éviter la viande.
Mais il y a des problèmes avec ce type d’approches. D’abord le fait de trouver un lien entre deux choses – comme de manger de la viande et un décès précoce – ne veut pas nécessairement dire qu’une chose est la cause de l’autre. En d’autres termes, une corrélation ne veut pas dire causalité. Il peut sembler que le végétarisme et la longévité soient corrélés, mais une variable différente peut expliquer ce lien. Il se peut que les végétariens fassent plus de sport, fument moins ou boivent moins d’alcool que leur homologues carnivores par exemple.
Les études sur la nutrition reposent aussi sur un compte-rendu précis et véritable des volontaires qui enregistrent leur consommation alimentaire. Mais cela ne peut pas être garanti. Des études ont montré que les gens ont tendance à sous rapporter leur consommation de calories [8] et à sur rapporter leur consommation d’aliments sains [9]. Sans un contrôle réel de l’alimentation des groupes étudiés et sans mesurer leur longévité, il est difficile d’avoir une confiance absolue et définitive dans ces résultats.
Alors, dois-je éviter la viande pour avoir une longue vie en bonne santé ? La clé du vieillissement en bonne santé réside certainement dans le fait de contrôler notre environnement, y compris ce que nous mangeons. À partir des preuves disponibles, il est possible qu’une alimentation sans viande puisse y contribuer, et que le fait d’éviter la viande dans notre alimentation puisse réduire les risques de maladies en vieillissant. Mais il y a certainement aussi des preuves qui montrent que cela pourrait aller de pair avec d’autres facteurs de risque démontrés sur la longévité comme le tabagisme.
Références :
[1] Untangling genetic influences on smoking,body mass index and longevity : a multivariate study of 2464 Danish twins followed for 28 years. Hum Genet (1996) 98 : 467–475.
[2] Vegetarian Dietary Patterns and Mortality in Adventist Health Study 2. JAMA Intern Med. 2013 ;173(13):1230-1238.
[3] Does low meat consumption increase life expectancy in humans ? Am J Clin Nutr, 2003, vol. 78 no. 3 526S-532S.
[4] Appleby PN ; Key TJ ; Thorogood M ; Burr ML ; Mann J (2002). Mortality in British vegetarians. Public health nutrition, 5 (1). pp. 29-36. ISSN 1368-9800.
[5] Dietary habits and mortality in 11 000 vegetarians and health conscious people : results of a 17 year follow up. BMJ 1996 ; 313.
[6] Vegetarian diets in the Adventist Health Study 2 : a review of initial published findings. Am J Clin Nutr, 2014. vol. 100 no. Supplement 1 353S-358S.
[7] Nutrients. 2014 ; 6(6) : 2131–2147. Beyond Meatless, the Health Effects of Vegan Diets : Findings from the Adventist Cohorts.
[8] Am J Clin Nutr. 2002 Oct ;76(4):766-73. Participant characteristics associated with errors in self-reported energy intake from the Women’s Health Initiative food-frequency questionnaire.
[9] Effects of social approval bias on self-reported fruit and vegetable consumption : a randomized controlled trial. Tracy Miller, Madiha Abdel-Maksoud, Lori Crane, Al Marcus, Tim ByersEmail. Nutrition Journal 20087:18.