L’épidémie actuelle d’intolérance au gluten en dit plus sur notre psychologie que sur notre physiologie.

En 2011, Novak Djokovic était l’un des plus grands joueurs de tennis professionnel. Après 41 matchs sans aucune défaite, il devint numéro un mondial et remporta trois des quatre tournois du Grand Chelem, qu’il a remporté plusieurs fois.

Les victoires de Djokovic ont surpris beaucoup de gens dans le monde du tennis, car bien qu’il soit un bon joueur, il avait la réputation d’être fragile physiquement. C’est alors qu’il a révélé son “secret”. En 2010, son nutritionniste lui a diagnostiqué une “intolérance au gluten” et a retiré tout le blé de son alimentation. Djokovic déclarait qu’il s’était immédiatement senti plus frais et dispo, plus précis et plus énergique, et il recommande désormais à tout le monde de faire comme lui.

Des témoignages comme celui de Djokovic ont permis de cimenter l’idée qu’il y a quelque chose de mauvais dans le fait de manger du blé, et que le retirer de notre alimentation peut avoir des résultats presque miraculeux. Le gluten a été condamné pour toutes sortes de soucis de santé, depuis les ballonnements et autres problèmes gastriques jusqu’aux migraines, douleurs articulaires et la fatigue.

Cette identification de symptômes vagues mais très répandus qui ne condamnent qu’un seul coupable a conduit à une “épidémie” d’intolérances au gluten auto-diagnostiquées, qui vont bien au-delà de celles dont les susceptibilités ont été reconnues par les médecins. La sagesse populaire est arrivée au chiffre d’une personne sur cinq qui “bénéficierait” d’un retrait du blé de son alimentation à un certain degré. Nombreux sont ceux qui disent y réfléchir.

Mais est-il plausible que quelque chose qui est un élément de base de notre alimentation depuis des siècles puisse soudainement devenir si mauvais pour la santé de tant de gens ?

Pour une poignée d’individus, la réponse est “oui”, soit parce qu’ils sont allergiques au blé, soit parce qu’ils souffrent d’un trouble auto-immunitaire appelé la maladie cœliaque. Mais pour l’immense majorité d’entre nous, les preuves sont très faibles. Il existe des anecdotes à n’en plus finir d’exemples tous aussi différents les uns que les autres que “ça marche pour moi”. Vous pouvez profiter d’une réduction de votre consommation de blé, mais sans doute pas parce que votre digestion est gênée par le gluten. Le fait d’être attentif à ce qu’on mange – et de manger moins de pain blanc, de gâteau et de bière – payera quelque-soit votre alimentation.

Bien entendu, tout le monde a le droit de manger, ou de ne pas manger, ce qu’il veut. Mais tout ce battage fait pour une alimentation sans gluten masque certaines considérations importantes. Les personnes qui souffrent de la maladie cœliaque sont prévenues des risques provenant d’une alimentation qui peut être carencée en nutriments essentiels. Les aliments sans gluten sont souvent faibles en fibres et riches en sucre. Et le fait de retirer complètement le gluten est compliqué, peu pratique et souvent très cher.

En fin de compte, les régimes sans gluten ressemblent à tous les autres types de régime à la mode. Une fois cette mode passée, une autre prendra la place, parce que la popularité de tels régimes révèle plus de choses sur notre psychologie que sur notre physiologie. Nous avons une tendance naturelle à imiter les individus qui sont populaires ou qui ont un statut élevé, nous sommes enclins à succomber à la pensée magique (comme la notion qu’un seul ingrédient peut être la cause de tous nos maux), et nous supposons souvent que ce qui est naturel est forcément bon (le régime “paléolithique” ne comprenait probablement pas de céréales). L’appel du sans gluten a tiré sa force de ces trois éléments.

Cela n’intéresse personne que la science en nutrition soit si lente et si imprécise. C’est pourquoi les vrais experts tendent à s’en tenir à des conseils simples et de bon sens comme de manger plus de légumes et moins de gras. Bien entendu, ces conseils sont moins séduisants que les “solutions” et conseils des stars du sport ou de la télé. Mais ils sont certainement plus proches de la vérité.

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