Une étude récente [1] suggère que le fait de frissonner ainsi que des séances d’exercice physique modérées, sont deux choses qui sont aussi capables l’une que l’autre de stimuler la conversion de l’énergie stockée sous forme de “graisse blanche” en “graisse brune” qui brûle de l’énergie.
Environ 50 grammes de graisse blanche stockent plus de 300 calories d’énergie. La même quantité de graisse brune brûlerait jusqu’à 300 calories par jour. Le Dr Paul Lee, endocrinologue à l’Institut de Recherche Médicale de Sydney, a découvert comment la graisse et les muscles communiquent les uns avec les autres par des hormones spécifiques, en transformant les cellules de graisse blanche en cellules de graisse brune pour nous protéger du froid.
Le Dr Lee a montré que pendant une exposition au froid et en faisant de l’exercice, les niveaux de l’hormone irisine (produite par les muscles) et de l’hormone FGF21 (produite par la graisse brune) s’élevaient. Plus précisément, environ 10 à 15 minutes de frissons résultaient en une augmentation de l’irisine équivalent à une heure d’exercice physique modéré. En laboratoire, l’irisine et la FGF21 transforment les cellules de graisse blanche en cellules de graisse brune sur une période de six jours.
Nous naissons tous avec un stock de graisse brune autour de notre cou, c’est le moyen qu’a trouvé la nature pour nous réchauffer quand on est bébé. Depuis quelques années, on pensait que cette graisse brune disparaissait pendant l’enfance, mais nous savons désormais que la graisse brune est présente chez la plupart, sinon tous, les adultes. Les adultes qui ont plus de graisse brune sont plus minces que ceux qui n’en ont pas.
“L’excitation inhérente au sujet de la graisse brune s’est beaucoup accrue ces dernières années, parce que sa nature consommatrice d’énergie en fait une cible thérapeutique potentielle contre l’obésité et le diabète” dit le Dr Lee. “La transformation de la graisse blanche en graisse brune pourrait protéger les animaux du diabète, de l’obésité et de la graisse dans le foie. Les niveaux de glucose sont plus faibles chez les êtres humains qui ont plus de graisse brune”.
Dans son étude, Lee a cherché à comprendre les mécanismes sous-jacents à l’activation de la graisse brune. On savait déjà que les températures froides stimulaient la graisse brune, mais on ne savait pas avec certitude comment le corps envoyait ce message à ses cellules.
Le corps peut ressentir et relayer des changements environnementaux à différents organes via les nerfs et les hormones. En tant qu’endocrinologue, le Dr Lee a étudié les hormones qui sont stimulées par des environnements froids. “Quand nous avons froid, nous activons d’abord notre graisse brune car elle brûle de l’énergie et libère de la chaleur pour nous protéger. Quand cette énergie est insuffisante, les muscles se contractent mécaniquement, ou frissonnent, ce qui génère de la chaleur. Cependant, nous ne savions pas comment les muscles et la graisse communiquaient dans ce processus”.
“Nous avons donc exposé des volontaires à des températures de plus en plus froides, allant de 18° à 12°, jusqu’à ce qu’ils frissonnent. Nous avons prélevé des échantillons de sang pour mesurer les niveaux des hormones et détecter les frissons avec un appareil spécial placé sur la peau qui enregistre l’activité électrique musculaire”.
“Les volontaires commençaient à frissonner autour de 16 ou 14 degrés, selon les individus. Nous avons identifié deux hormones qui sont stimulées par le froid, l’irisine et la FGF21, libérées des muscles qui frissonnent et de la graisse brune. Ces hormones ont activé le taux de consommation de l’énergie des cellules de graisse blanche en laboratoire, et les cellules de graisses traitées ont commencé à émettre de la chaleur, ce qui est une marque du fonctionnement de la graisse brune”.
Une équipe de l’Université de Harvard a découvert l’irisine en l’identifiant comme étant une hormone musculaire stimulée par l’exercice physique, et qui transforme la graisse blanche en graisse brune chez les animaux. L’aspect déroutant de cette découverte était que l’exercice physique lui-même produit de la chaleur, ainsi pourquoi le fait d’exercer un muscle initiait un processus qui générerait encore plus de chaleur ?
Le chercheur a invité les sujets de son étude à prendre part à des tests sportifs pour comparer les deux processus. “Nous avons découvert que faire de l’exercice pendant une heure sur un vélo à une intensité modérée produisait la même quantité d’irisine que de frissonner pendant 10 à 15 minutes” dit-il.
“Nous avons spéculé sur le fait que l’exercice pouvait imiter les frissons, parce qu’il se produit une contraction musculaire pendant les deux processus, et que l’irisine stimulée par l’exercice pourrait avoir évolué à partir du frisson dans le froid. D’un point de vue clinique, l’irisine et la FGF21 représentent un système d’hormones stimulé par le froid, ce qui était inconnu auparavant, et qui pourrait être exploité dans les thérapies à venir contre l’obésité via l’activation de la graisse brune”.
Références :
[1] Paul Lee, Joyce D. Linderman, Sheila Smith, Robert J. Brychta, Juan Wang, Christopher Idelson, Rachel M. Perron, Charlotte D. Werner, Giao Q. Phan, Udai S. Kammula, Electron Kebebew, Karel Pacak, Kong Y. Chen, Francesco S. Celi. Irisin and FGF21 Are Cold-Induced Endocrine Activators of Brown Fat Function in Humans. Cell Metabolism, Vol. 19, Iss. 2, 2014, pp 302-309. DOI : 10.1016/j.cmet.2013.12.017