Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi ce régime ne marchait pas pour vous ? Une étude, qui a suivi les niveaux de sucre dans le sang de 800 personnes pendant une semaine, montre que même si nous mangeons tous le même repas, la façon dont celui-ci est métabolisé sera différente d’une personne à une autre. Les résultats, publiés dans la revue Cell [1], démontrent la puissance d’une nutrition personnalisée pour aider les gens à identifier quels aliments peuvent les aider ou les empêcher d’atteindre un objectif donné pour leur santé.

Le sucre dans le sang est associé à des problèmes de santé comme le diabète et l’obésité, qu’il est facile de mesurer en utilisant un enregistreur continu du glucose. Une mesure standard développée il y a dix ans environ, appelée l’indice glycémique (IG), est utilisée pour classer les aliments selon la façon dont ils modifient les niveaux de sucre dans le sang qui est un facteur utilisé par les médecins et les nutritionnistes pour développer des régimes sains. Cependant, ce système reposait sur des études qui faisaient une moyenne des réactions de petits groupes avec différents aliments.

Or cette étude a trouvé que l’indice glycémique d’un aliment donné n’était pas un ensemble de valeurs, mais qu’il dépendait de chaque individu. Pour tous les participants, ils ont collecté des données via des questionnaires de santé, des mesures corporelles, des tests sanguins, des enregistrements du glucose, des échantillons des selles et une application mobile utilisée pour enregistrer et rapporter leur style de vie et leur consommation alimentaire (un total de 46898 repas a été mesuré). En outre, les volontaires ont reçu quelques repas standardisés et identiques pour leurs déjeuners.

Comme s’y attendaient les chercheurs, l’âge et l’indice de masse corporelle (IMC) étaient associés aux niveaux de glucose dans le sang après les repas. Cependant, les données ont aussi révélé que différentes personnes affichaient des réponses très différentes pour un même aliment, même si leurs réactions individuelles ne changeaient pas d’une journée sur l’autre.

“La plupart des recommandations alimentaires, qu’on peut trouver partout, repose sur un de ces systèmes de classement ; pourtant, ce que les gens ne voient pas ou n’apprécient pas totalement, c’est qu’il y a des différences profondes entre les gens, dans certains cas les individus présentent des réactions opposées à d’autres individus, et ceci est une grosse lacune de la littérature relative à la nutrition,” expliquent les chercheurs.

“Le fait de mesurer une importante cohorte de gens sans aucun préjugé nous a véritablement éclairé sur la façon dont nous étions tous imprécis à propos des concepts les plus basiques de notre existence, qui est ce que nous mangeons et comment nous intégrons la nutrition dans notre vie de tous les jours,” expliquent les scientifiques. “Contrairement à nos pratiques habituelles, les régimes taillés sur mesure pour chaque individu pourraient nous permettre d’utiliser la nutrition comme un moyen de contrôler les niveaux trop élevés de sucre dans le sang et les problèmes de santé qui leurs sont associés.”

Faut-il que la nutrition soit personnalisée ?

La conformité peut être le fléau des études en nutrition. Leurs résultats reposent sur des participants, loin des laboratoires, qui suivent strictement un régime et qui enregistrent honnêtement leur consommation alimentaire. Dans l’étude de Weizmann, les participants (qui représentent une part diverse et représentative de la population et qui n’étaient pas payés) devaient rompre avec leur routine de deux façons : ils devaient manger un petit-déjeuner standardisé comme du pain ou du glucose chaque matin, et aussi entrer tous leurs repas dans une application mobile d’agenda alimentaire. En retour, les chercheurs fournissaient une analyse des réactions personnalisées des participants aux aliments, qui reposait sur l’adhésion stricte au protocole. Les chercheurs affirment que cela a démontré être un élément de motivation solide, et que les comptes rendus des participants sur leurs repas correspondaient bien aux données biométriques obtenues grâce à leurs enregistreurs de glucose.

Les feedback individuels ont provoqué pas mal de surprises. Dans un cas, une femme de 40 ans environ souffrant d’obésité et de pré-diabète, qui a plusieurs fois essayé différents régimes sans succès dans sa vie, a appris que ses habitudes alimentaires, qu’elle croyait “saines”, avaient au contraire contribué à son problème. Ses niveaux de sucre dans le sang atteignaient un pic après qu’elle ait mangé des tomates, qu’elle mangeait plusieurs fois dans la semaine de l’étude.


“Pour cette femme, un régime alimentaire taillé sur mesure ne doit pas comprendre de tomates, mais pourrait comprendre d’autres ingrédients que de nombreuses personnes ne considéreraient pas comme bonnes pour la santé, mais qui le sont en fait pour elle,” explique les scientifiques. “Avant que cette étude soit réalisée, il n’y avait pas moyen de lui apporter de telles recommandations personnalisées, qui pourraient impacter substantiellement la progression de son pré-diabète.”

Pour comprendre pourquoi il existe de telles différences entre les individus, les chercheurs ont réalisé des analyses du microbiome sur des échantillons des selles collectés sur chaque participant de l’étude. De plus en plus de preuves montrent que les bactéries des intestins sont liées à l’obésité, à l’intolérance au glucose et au diabète et cette étude démontre que des microbes spécifiques sont en effet corrélés à la façon dont le taux de sucre augmente après un repas. En réalisant des interventions alimentaires personnalisées sur 26 individus de l’étude, les chercheurs ont été en mesure de réduire les niveaux de sucre dans le sang après un repas et de modifier le microbiote intestinal. Bien que les régimes fussent personnalisés et qu’ils différaient grandement entre les participants, plusieurs des modifications du microbiote intestinal étaient cohérentes pour chaque participant.

“Après avoir vu ces données, je pense à la possibilité que nous avions peut-être tout faux à propos de l’épidémie d’obésité et de diabète,” dit le chercheur. “Tout le monde pense sans doute que nous savons comment traiter ces problèmes de santé, et que c’est seulement parce que les gens n’écoutent pas ce qu’on leur dit et qu’ils mangent sans faire attention – mais en fait, peut-être que les gens sont en réalité dociles, mais que dans de nombreux cas nous leur donnions un mauvais conseil.”

“Il y a un lieu commun chez les diététiciens et les médecins qui est de dire que les patients réagissent très différemment aux régimes alimentaires qu’on leur assigne,” ajoute-t-il. “Nous pouvons voir dans les données que les mêmes recommandations générales n’aident pas toujours les gens, et mon plus gros espoir est que nous puissions déplacer ce paquebot pour aller dans une direction différente.”

Les chercheurs espèrent pouvoir traduire ce qui a été appris grâce à ce projet de recherche basique, pour que cela puisse être appliqué à une audience plus large à travers des développements algorithmiques qui réduiraient le nombre de données à entrer, et qui sont nécessaires afin de pouvoir apporter aux individus des comptes rendus nutritionnels personnalisés.

Références :

[1] David Zeevi, Tal Korem, Niv Zmora, David Israeli, Daphna Rothschild, Adina Weinberger, Orly Ben-Yacov, Dar Lador, Tali Avnit-Sagi, Maya Lotan-Pompan, Jotham Suez, Jemal Ali Mahdi, Elad Matot, Gal Malka, Noa Kosower, Michal Rein, Gili Zilberman-Schapira, Lenka Dohnalová, Meirav Pevsner-Fischer, Rony Bikovsky, Zamir Halpern, Eran Elinav, Eran Segal. Personalized Nutrition by Prediction of Glycemic Responses. Cell, 2015 ; 163 (5) : 1079.

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