Nous devenons de plus en plus stupides. C’est l’une des conclusions d’un article publié dans le journal scientifique New Scientist [1], qui rapportait un déclin graduel des QI (quotients intellectuels) dans des pays développés comme le Royaume-Uni, l’Australie ou les Pays-Bas. Une telle recherche ajoute de l’eau au moulin à cette fascination du test de l’intelligence humaine. Pourtant, de tels débats sont trop focalisés sur le QI en tant que caractéristique qui ne peut pas être changée durant toute une vie. D’autres recherches commencent à montrer plutôt le contraire.
Le concept du test de l’intelligence a été pour la première fois mis en place avec succès par des psychologues français au début des années 1900 pour permettre de décrire les différences d’apprentissage des enfants à l’école. Mais il est maintenant souvent utilisé pour expliquer cette différence selon laquelle nous avons tous un niveau figé et inhérent d’intelligence qui limite notre rapidité à apprendre.
Pour la définir grossièrement, l’intelligence fait référence à notre capacité à apprendre rapidement et à s’adapter aux nouvelles situations. Les tests de QI mesurent notre vocabulaire, notre aptitude à résoudre les problèmes, la raison logique, etc.
Mais ce que de nombreuses personnes n’arrivent pas à comprendre est que si les tests de QI ne mesuraient que nos aptitudes pour ces tâches particulières, personne ne s’intéresserait à ses scores. Le score est intéressant que parce qu’on croit qu’il est figé pour la vie.
Qui devient plus malin ?
Les tests de QI utilisés par les psychologues cliniciens dans un objectif de diagnostic, comme celui de l’échelle de Weschler, sont conçus de manière à ce qu’il ne soit pas facile de s’y préparer. Les contenus sont gardé secrets et sont régulièrement changés. Le score donné pour un individu est relatif, ajusté sur la base de la performance des individus du même âge.
Mais même quand nous sommes de plus en plus instruits et plus habiles pour les tâches mesurées dans les tests de QI (un phénomène connu sous le nom d’effet Flynn, d’après James Flynn qui l’a remarqué le premier) nos QI restent plutôt les mêmes. Ceci vient de ce que le système de scoring du QI prend en compte la quantité d’amélioration attendue avec le temps, puis la neutralise. Ce type de score est appelé un “score standardisé”, il masque votre véritable score et représente simplement votre classement par rapport à vos pairs qui sont aussi devenus plus malins à un niveau à peu près équivalent.
Cette stabilité apparente des scores de QI fait de l’intelligence quelque chose de plutôt constant, alors qu’en fait nous devenons tous plus intelligents durant notre vie. Le test de QI et le système de score de QI sont constamment ajustés pour s’assurer que le QI moyen reste à 100, malgré une augmentation remarquée des aptitudes intellectuelles dans le monde.
Les tests de QI
Les psychologues sont conscients que les scores d’intelligence sont quelque peu sujets à l’influence culturelle et à l’opportunité sociale, mais certains insistent sur le fait que nous ne pouvons pas augmenter notre QI tant que ça. Cela vient de ce que notre intelligence générale est une caractéristique figée qui est insensible à l’éducation, à “l’entrainement cérébral”, à l’alimentation ou à d’autres interventions. En d’autres termes, disent-ils, nous sommes tous biologiquement limités dans nos niveaux d’intelligence.
L’idée que le QI est figé pour la vie est bâtie par des politiques douteuses de test de QI. Les conséquences les plus graves de ceci sont l’utilisation de tests de QI pour blâmer les étudiants pour leurs difficultés éducatives plutôt que les systèmes éducatifs.
Mais c’est le travail des psychologues de trouver des meilleurs moyens d’enseigner, et non pas de trouver de meilleures façons de justifier les mauvaises performances des étudiants. Cette utilisation particulière des tests de QI a fait que l’un des leaders dans le domaine de la recherche sur l’intelligence, Robert Sternberg, faisait référence aux tests de QI comme d’une “psychologie négative” [2].
Tout n’est pas perdu
Ceux qui s’accrochent à la notion selon laquelle le QI est fixé pour la vie ont fait en sorte d’ignorer des décennies de recherches publiées dans le domaine de l’analyse comportementale appliquée [3]. Celle-ci a rapporté des gains de QI très importants chez des enfants autistes qui ont été exposés très jeunes à des interventions comportementales intensives une fois qu’ils ont été diagnostiqués avec des difficultés d’apprentissage.
Une autre étude norvégienne de 2009 [4] a examiné les effets d’une augmentation de la durée de la scolarité obligatoire en Norvège dans les années 1960 qui a allongé de deux ans le temps d’instruction pour les norvégiens. Les chercheurs ont utilisé des enregistrements d’aptitudes cognitives pris sur les militaires pour calculer le QI de chaque individu dans l’étude. Ils ont trouvé que le QI avait augmenté de 3,7 points pour chaque année supplémentaire d’instruction reçue.
Des études plus récentes de John Jonides et ses collègues de l’Université du Michigan ont rapporté des améliorations des mesures objectives de l’intelligence pour ceux qui pratiquent une tâche d’entrainement cérébral appelée la “tâche de N-back “, qui est une espèce de test de mémorisation informatisée.
D’autres recherches dans le domaine de la théorie des cadres relationnels ont montré que le fait de comprendre les relations entre les mots comme “plus que”, “moins que” ou “contraire”, est crucial pour notre développement intellectuel. Une étude pilote [5] a montré que nous pouvons augmenter considérablement les scores de QI standards en entrainant les enfants à des tâches de langage relationnel sur une période de plusieurs mois. De nouveau, ces découvertes remettent en cause l’idée que l’intelligence est figée pour la vie.
Il est donc temps de reconsidérer les idées reçues sur la nature de l’intelligence comme étant une caractéristique qui ne peut pas être modifiée. Sans aucun doute y a-t-il certaines limites dans le développement de nos capacités intellectuelles. Mais à court terme, la chose socialement responsable à faire est de ne pas se sentir freiné par ces limites, mais d’aider chacun à les dépasser.
Références :
[1] Brain drain : Are we evolving stupidity ? New Scientist, Issue 2983.
[2] Increasing fluid intelligence is possible after all. PNAS, May 13, 2008. vol. 105 no. 19
[3] Comprehensive Synthesis of Early Intensive Behavioral Interventions for Young Children with Autism Based on the UCLA Young Autism Project Model. Journal of Autism and Developmental Disorders, Jan. 2009, Volume 39, Issue 1, pp 23-41.
[4] Schooling in adolescence raises IQ scores. Christian N. Brincha, Taryn Ann Gallowaya. PNAS, 2012, vol. 109 no. 2.
[5] A Relational Frame Training Intervention to Raise Intelligence Quotients : A Pilot Study. The Psychological Record, 2011.