Ces résultats expliquent pourquoi même la viande maigre peut poser un risque pour le coeur.
Le steak maigre est pauvre en graisse et en cholestérol et riche en protéines, des qualités qui sont normalement considérées comme bonnes pour la santé. Mais le fait d’en manger beaucoup peut tout de même causer des maladies cardiovasculaires. Des chercheurs ont désormais porté leurs accusations sur une bactérie présente dans les intestins humains qui transforme un nutriment fréquent que l’on trouve dans le bœuf en un composé qui pourrait accélérer la fabrication de plaques dans les artères.
Les résultats de leurs études ont été publiés dans la revue Nature Medicine [1]. L’auteur, Stanley Hazen, déclare que son étude pourrait donner le signal en vue d’une nouvelle approche de l’alimentation et de la santé. Dans certains cas, une collection de microbes intestinaux chez un individu pourrait être aussi importante pour l’alimentation que toute étiquette nutritionnelle, dit-il. “Les bactéries font grand cas des molécules provenant de la nourriture” dit-il, “et ces molécules peuvent avoir un énorme effet sur nos processus métaboliques”.
On a trouvé que la consommation de viande rouge augmentait le risque de décès de maladie cardiovasculaire, même quand on a contrôlé les niveaux de graisse et de cholestérol. Pour comprendre pourquoi, Hazen et ses collègues ont donné de la l-carnitine, nutriment que l’on trouve dans la viande et dans les produits laitiers, à 77 volontaires, dont 26 végétariens ou végétaliens. Un des végétariens a même accepté de manger 200 grammes de viande d’aloyau.
Les tests ont montré que le fait de consommer de la l-carnitine augmentait les niveaux de triméthylamine N-oxyde (TMAO) dans le sang, un composé qui, selon les éléments de preuve, peut modifier le métabolisme du cholestérol et ralentir l’élimination du cholestérol qui s’accumule sur les parois artérielles.
Mais même quand ils ont pris les suppléments de l-carnitine, les végétariens et végétaliens produisaient beaucoup moins de triméthylamine que les mangeurs de viande. Les études sur les résidus des fèces ont montré que les mangeurs de viande et ceux qui n’en mangeaient pas avaient aussi des types de bactéries très différents dans leurs intestins. Hazen déclare qu’une alimentation régulière en viande favorise la croissance de bactéries qui peuvent transformer la l-carnitine en triméthylamine N-oxyde.
Double contrôle
Pour vérifier cela plus avant, les chercheurs ont vérifié les niveaux de l-carnitine dans le sang de presque 2600 personnes qui avaient passé des examens médicaux de leur coeur. En soi, l’élément nutritif ne semble pas faire de différence. Cependant, les personnes qui avaient des niveaux élevés à la fois de l-carnitine et de triméthylamine N-oxyde étaient les principales cibles des maladies cardiovasculaires, prouvant que c’est l’alchimie bactérienne, et non la l-carnitine seule, qui est la véritable menace.
En fin de compte, les chercheurs ont découvert que le fait de nourrir des souris à la l-carnitine doublait le risque que l’animal développe des plaques artérielles, mais seulement quand les souris avaient leurs bactéries intestinales normales. Quand les animaux étaient traités par des antibiotiques qui avaient nettoyé leurs intestins, le régime à base de l-carnitine ne favorisait pas la formation de plaques.
Daniel Rader, de l’Université de Pennsylvanie, déclare que cette étude apporte un élément “plutôt convaincant” que nourrir les bactéries intestinales de l-carnitine augmente le risque de maladie cardiovasculaire.
Ces résultats pourraient pousser les amateurs de viande à faire une pause ou à ralentir leur consommation carnée, mais aussi pour les individus qui prennent de la l-carnitine sous forme de suppléments, vendus avec la promesse de donner de l’énergie, de faire maigrir et d’être plus performant dans le sport, dit le chercheur. “Aucune de ces affirmations sur les effets de la l-carnitine n’a été démontrée” dit-il. “Il n’y a aucune raison valable de prendre de la l-carnitine sous forme de suppléments”.
Références :
[1] Intestinal microbiota metabolism of l-carnitine, a nutrient in red meat, promotes atherosclerosis. Nature Medicine, (2013), doi:10.1038/nm.3145.