Dans le chaos du monde réel, des découvertes scientifiques qui semblent solides comme le roc en laboratoire sont souvent mises en pièces, et il y a peu d’endroits dans le monde réel plus chaotique que les derniers kilomètres d’un marathon.
La solution pour les physiologistes et médecins du sport, est de sortir du laboratoire et d’étudier leurs sujets “dans la vraie vie”. C’est ce qu’a fait un groupe de chercheurs en Grande-Bretagne lors du Marathon de Londres en 2009 ; les données qui en sont sorties, publiées l’an dernier [1], suggèrent que les marathoniens qui se situaient au milieu du peloton devaient faire plus attention à ce qu’ils mangent le jour précédant la course, et que le fait de s’envoyer une grosse assiette de spaghettis ne faisait pas tout.
Pendant un exercice physique prolongé, les hydrates de carbone (sucres) stockés dans vos muscles (et dans une moindre mesure dans votre foie) fournissent la source la plus rapide et la plus facilement accessible de carburant métabolique. Une fois que vous avez épuisé vos hydrates de carbone, vous avez toujours une réserve presque inépuisable de graisse à brûler, mais comme la graisse ne peut pas être transformée aussi rapidement, cela vous oblige à considérablement ralentir. C’est ici que l’expression “coup de barre” prend tout son sens.
La question est donc : comment faire pour s’assurer que vos muscles soient “remplis à ras bord” de sucres un jour de course ? Les premières études en laboratoire sur le rechargement en hydrates de carbone, réalisées en Scandinavie dans les années 1960, faisaient appel à un épuisement des stocks pendant plusieurs jours, durant lesquels les athlètes devaient s’abstenir de toute source de sucres ; puis faire un entrainement épuisant pour vider les muscles, et finalement opérer un rebond glucidique (une recharge en sucres) de trois à quatre jours.
Ce type de supplice une semaine durant, basé sur des études sur des sujets sédentaires, a été largement discrédité depuis des années. Des études plus récentes suggèrent que vous pouvez totalement ignorer la phase d’épuisement des stocks et simplement augmenter la consommation de glucides un ou deux jours avant la course.
Pour savoir si ce conseil revu et corrigé marche en pratique, des chercheurs Britanniques ont donc suivi 257 coureurs du Marathon de Londres pendant cinq semaines avant la course, en collectant des données sur leur entrainement et leur alimentation. Les coureurs avaient en moyenne 39 ans et un temps de course de 4 heures et demie.
Il est en tout cas certain que la consommation d’hydrates de carbone le jour avant la course est importante. Les coureurs qui ont mangé plus de sept grammes de sucres pour chaque kilo de poids de corps (g/kg) ont couru 13,4% plus rapidement qu’un groupe de coureurs comparable qui a mangé moins de glucides, mais qui avait le même âge, le même indice de masse corporelle, le même entrainement et expérience du marathon. Étonnamment, la quantité d’hydrates de carbone consommée pendant le marathon n’était pas si importante que ça.
Le Dr Stellingwerff d’ajouter que “cela confirme exactement ce que nous voyons en laboratoire”. Ce n’est pas seulement que le groupe avec moins de sucres a couru plus lentement, c’est qu’ils ont aussi davantage ralenti entre le début et l’arrivée. La grande différence de vitesse entre les deux groupes est survenue à la borne des 35 kilomètres de la course, exactement là où vous vous attendez à ce qu’une pénurie de glucides fasse des ravages dans une course de 42,2 km.
En tout cas, l’étude a sous-estimé l’effet potentiel du rechargement en hydrates de carbone. À partir des dernières recherches en labo, le Dr Stellingwerff a dit aux athlètes d’endurance avec lesquels il a travaillé de viser les 10g/kg de glucides le jour qui précède la course, quantité que virtuellement aucun coureur amateur de l’étude n’a atteint. Seuls 31 des 257 coureurs ont pu atteindre 7g/kg, ce qui montre clairement que la plupart des coureurs ne commence pas la course avec des stocks de carburant bien pleins.
Cela ne veut pas dire que le chargement en sucres est une panacée de stimulant magique de la performance. Pour la plupart des gens, les stocks de glucides ne s’épuisent pas avant 90 à 120 minutes d’exercice physique vigoureux. Cela signifie que vous n’avez pas besoin de vous goinfrer de pâtes avant un match de foot ni une course de 10 km.
Il y a des soucis légitimes à propos de la façon dont votre estomac réagira à cette surdose de glucides. Les chiffres sont étonnants : un coureur de 70 kg aura à avaler 16 tasses de pâtes cuites le jour avant la course pour obtenir les 10g/kg d’hydrates de carbone. Il est facile de comprendre pourquoi tant de coureurs n’y arrivent pas.
La solution la plus simple, dit le Dr Stellingwerff, est d’ajouter deux litres de boisson sportive (qui contiennent normalement environ 55 à 60 grammes d’hydrates de carbone par litre) à son alimentation le jour avant la course.
“Pour la plupart des gens, je dirais que vous devriez tirer vos calories de la nourriture et vos liquides de l’eau” dit-il. Mais le jour précédant un marathon est une exception. Vous devriez être relaxé, et ne pas faire une compétition du plus gros mangeur de pâtes.
Conseils pour remplir le réservoir
Les muscles : un jour avant la course, prendre un supplément de 100 à 120 grammes d’hydrates de carbone en consommant des boissons sportives ou des produits similaires. Cela remplira les muscles de glucides, et ils resteront pleins toute la nuit.
Le foie : les stocks d’hydrates de carbone dans le foie seront en partie épuisés pendant la nuit pour assurer les fonctions vitales essentielles, comme le fonctionnement du cerveau. Le mieux sera de se réveiller quelques heures avant la course et prendre certains sucres facilement digestibles comme des flocons d’avoine, du pain ou une boisson sportive.
Pratique : quelque-soit l’alimentation prévue, il faut l’essayer des semaines avant la compétition, et ne pas tenter quelque-chose de nouveau juste avant une course.
Références :
[1] International Journal of Sports Medicine