D’après deux études de l’Université de Dallas [1] [2], les sprinters les plus rapides de la planète ont des démarches uniques qui comptent dans leur rapidité. Ces découvertes indiquent que le secret de la vitesse des athlètes de haut niveau réside dans la dynamique distincte des jambes que les sprinters utilisent pour profiter des forces au sol lors de l’impact avec leurs pieds.
“Nos études montrent que ces sprinters de haut niveau n’utilisent pas leurs jambes seulement pour rebondir du sol comme le fait la plupart des coureurs” explique Ken Clark , expert en biomécanique et auteur des études. “Les meilleurs sprinters ont développé un mécanisme de répartition qui augmente les forces de l’impact que les autres coureurs n’utilisent pas.”
Les études précédentes avaient établi que les coureurs les plus rapides atteignaient des vitesses plus élevées en frappant le sol avec plus de force que les autres coureurs, en relation avec le poids de leur corps. Cependant, la rapidité avec laquelle les coureurs pouvaient faire cela était totalement inconnue. Ce qui avait suscité beaucoup de débats et d’incertitude sur les meilleures stratégies à adopter par les athlètes pour augmenter leur application de la force au sol et leur vitesse.
“Les coureurs de haut niveau ont un mode de course à pied qui est distinct” dit Clark. “Nos données indiquent que les sprinters les plus rapides ont identifié chacun une solution identique pour maximiser leur vitesse, ce qui implique fortement que quand vous intégrez la physique et la biologie ensemble, il n’y a qu’une seule façon de courir très vite.”
Les caractéristiques critiques et distinctives de la démarche qui a été identifiée par les auteurs de l’étude apparaissait quand les membres inférieurs approchaient et impactaient le sol, explique Peter Weyand, co-auteur de l’étude et expert en mécanique de la course à pieds. “Nous avons trouvé que les athlètes les plus rapides faisaient tous la même chose pour appliquer les forces nécessaires les plus élevées pour aller le plus vite possible” dit Weyand. “Ils inclinent fortement le genou avant de porter le pied sur le sol, tout en maintenant solidement la cheville. Ces actions élèvent les forces au sol en stoppant brusquement la jambe inférieure lors de l’impact.”
Cette recherche indique que les coureurs les plus rapides décélèrent leur pied et leur cheville dans les quelques deux centièmes de seconde après le premier contact avec le sol. Leurs études ont comparé les données provenant de sprinters qui faisaient des compétitions aux autres.
Le groupe qui faisait de la compétition comprenait des athlètes spécialisés dans le 100 mètres et le 200 mètres. Plus de la moitié d’entre eux avait une expérience des compétitions internationales et avait participé à des Jeux Olympiques ou à des championnats du Monde. Ils ont été comparés à des athlètes comme des footballeurs, des joueurs de crosse et de football américain.
Tous les joueurs des deux groupes avaient des démarches de type “milieu ou devant du pied”. Leurs mécaniques de course ont été testées sur un tapis de course sur mesure prévu pour la vitesse, qui permettait aux chercheurs de saisir et d’analyser des centaines de pas à des vitesses contrôlées avec précision. Les chercheurs ont mesuré les modèles de forces au sol sur une large gamme de vitesses pour chaque athlète depuis le jogging jusqu’à des vitesses de sprint.
“Nous avons analysé des vitesses de course à pieds qui allaient de 3 m/s à 11 m/s” dit le chercheur. “Les études précédentes dans le domaine de la biomécanique avaient examiné les forces de réaction au sol, mais elles s’étaient surtout focalisées sur les vitesses de jogging entre 3 et 5 m/s. Les différences que nous avons trouvées devenaient identifiables surtout grâce au large éventail de vitesses que nous avons examinées et à l’envergure des sprinters qui ont participé à cette étude.”
Le modèle classique du rebond de la course à pieds n’explique pas les caractéristiques uniques de la démarche des meilleurs sprinters. Le point de vue contemporain de la mécanique de la course a été très influencé par le modèle simple du “système masse-ressort”, une théorie qui a été formulée à la fin des années 1980. Le modèle du système masse-ressort part du principe que les jambes fonctionnent essentiellement comme un ressort de compression d’une échasse à ressort quand elles entrent en contact avec le sol.
Dans cette théorie, pendant la course à pieds à vitesse constante sur un terrain plat, le corps tombe vers l’avant. À l’atterrissage, la jambe de soutien agit comme une échasse à ressorts pour saisir le corps et le renvoyer dans l’espace pour le pas qui va suivre. Il est généralement supposé que ce modèle classique s’applique aux vitesses de course les plus rapides et aux athlètes qui vont le plus vite, tout comme aux plus lents.
Les sprinters de haut niveau ne se conforment pas aux théories les plus largement acceptées de la mécanique de la course à pieds. Les chercheurs ont voulu savoir si une telle explication du rebond passif pouvait compter pour des forces au sol plus importantes connues pour expliquer pourquoi les sprinters vont à des vitesses plus élevées.
Après que les chercheurs aient collecté des données sous forme d’ondes pour les forces de réaction au sol, ils ont trouvé que les sprinters étaient différents des autres athlètes. À partir de là, ils ont comparé les formes d’ondes à celles prédites par le modèle classique du ressort.
“Les sprinters de haut niveau ne se conforment pas aux prédictions du modèle à ressorts” dit Clark. “Ils s’en écartent beaucoup, surtout pendant la première moitié de la phase de contact avec le sol. Les athlètes non sprinters, d’un autre côté, étaient plutôt proches des prédictions du modèle à ressorts, même à leur vitesse maximale.”
Les chercheurs ajoutent que leurs résultats indiquent que le modèle classique des ressorts ne suffit pas à expliquer les mécanismes de base de la performance du sprint.
“Nous avons trouvé que les athlètes les plus rapides appliquaient des forces plus importantes au sol avec un modèle commun qui résulte d’une caractéristique identique de la démarche” dit-il. “Ce que les sprinters font différemment se situe au niveau de leurs mécanismes de poussée et de répartition. Le mouvement de leurs jambes dans l’espace est différent, ainsi même si la durée de leur phase de mouvement de balancier des jambes aux vitesses maximales ne diffère pas des autres coureurs, les mécanismes de répartition de la force sont très différents.”
Les sprinters ont trouvé une solution mécanique commune pour la vitesse, une que les athlètes qui ne vont pas aussi vite n’exécutent pas. Ce qui peut être une source utile d’information pour les entraineurs afin d’identifier comment il leur faut s’entrainer.
Références :
[1] K. P. Clark, P. G. Weyand. Are running speeds maximized with simple-spring stance mechanics ? Journal of Applied Physiology, 2014 ; DOI : 10.1152/japplphysiol.00174.2014.
[2] K. P. Clark, L. J. Ryan, P. G. Weyand. Foot speed, foot-strike and footwear : linking gait mechanics and running ground reaction forces. Journal of Experimental Biology, 2014 ; 217 (12) : 2037 DOI : 10.1242/jeb.099523.