Une étude montre que la pollution peut annuler les bénéfices cognitifs associés à l’exercice.
L’augmentation de la pollution dans le monde, associée à l’augmentation de la popularité de la course à pieds, soulève la question de savoir s’il y a un niveau de pollution à partir duquel le fait de faire de l’exercice à l’extérieur n’est plus bénéfique à la santé. L’exemple du marathon de Pékin qui s’est déroulé dans des conditions de pollution délétères, a d’ailleurs poussé certains coureurs à abandonner et d’autres à se demander si cela en valait vraiment la peine.
Une analyse de la littérature publiée dans la revue Sports Medicine [1] apporte des éléments de preuve partiels à cette question. Cette étude montre que l’air pollué peut contrecarrer les effets cognitifs bénéfiques de l’exercice, bien qu’il soit tout de même clair qu’il demeure d’autres bénéfices de l’exercice dans un air pollué.
Il est bien établi que l’exercice physique régulier peut améliorer la santé du cerveau, et il y a un corps de recherche de plus en plus important qui montre que le facteur neurotrophique dérivé du cerveau, une neurotrophine, joue un rôle essentiel dans le processus. Il y a également de plus en plus de recherche qui montre que l’exposition à a pollution de l’air peut avoir des effets secondaires sur le cerveau tout comme sur les poumons.
L’équipe de recherche a passé en revue toute la littérature scientifique publiée entre novembre 2009 et novembre 2013, à la recherche de réponses pour savoir si ces deux éléments s’annulaient.
L’inhalation d’air pollué augmente considérablement quand nous faisons du sport, car nous prenons des inspirations plus profondes et plus fréquentes. L’équipe de recherche citait une étude qui indiquait qu’un athlète qui court à 70 % de son VO2 max (i.e. sa consommation maximale d’oxygène, grosso modo l’équivalent d’un rythme de course à pieds tranquille) pendant environ trois heures inhale le même volume d’air qu’une personne sédentaire sur une durée de deux jours.
Les chercheurs ont réalisé deux études sur des sujets humains. Dans la première, ils ont fait faire deux tests de cyclisme identiques aux sujets, mais l’un des tests s’est déroulé en laboratoire dont l’air a été débarrassé de ses particules. L’autre test a été réalisé le long d’une route fréquentée avec une pollution modérée. À l’intérieur du laboratoire, les niveaux de la neurotrophine se sont élevés pendant qu’ils faisaient le test. En revanche, le long de la route polluée, ils ne se sont pas élevés.
Dans une seconde étude, les sujets ont suivi un programme d’entrainement de 12 semaines, dans lequel certains participants étaient dans un environnement rural et d’autres dans un environnement urbain. Les participants dans la condition rurale ont mieux réussi lors des tests de la fonction exécutive (qui comprend la mémoire de travail et les aptitudes à résoudre des problèmes) à la fin du programme d’entrainement, alors que les participants qui étaient situés dans la région urbaine n’ont pas fait mieux.
Mais bien que ces résultats soient quelque peu déconcertants, les chercheurs n’affirment pas pour autant que l’exercice physique dans un environnement urbain n’en vaille pas la peine.
“Les éléments de preuve montrent que l’exercice régulier dans un air fortement pollué pourrait ne pas apporter les mêmes bénéfices neurologiques que ceux qui sont observés dans un air non-pollué”, écrivent-ils. “Cependant, à la connaissance des auteurs, il n’y a pas assez de preuves pour suggérer que l’exercice régulier dans un environnement pollué cause plus de dégâts au cerveau à cause de l’exposition à la pollution de l’air qu’il n’y a de bénéfices tirés de l’activité physique.”
Ils suggèrent que les gens qui veulent faire du sport en ville trouvent un “environnement vert” pour leur exercice quotidien, et qu’ils évitent la proximité du trafic routier et des environnements urbains pollués. Ils conseillent aussi d’éviter de faire du sport pendant les heures de pointe, et ils précisent que la pollution n’est pas si mauvaise quand il pleut ou quand il fait du vent.
Les effets négatifs d’une exposition à la pollution sont bien documentés, et selon une publication récente, les athlètes qui s’entrainement en ville ont montré qu’ils avaient des niveaux plus élevés de plomb dans leur sang. L’exposition aux particules peut provoquer des problèmes respiratoires qui vont des modifications de la fonction pulmonaire jusqu’au décès prématuré.
Pour répondre à la question de savoir si le fait de faire de l’exercice dans la pollution vaut la peine, il y a plusieurs facteurs à prendre en considération, et les réponses peuvent être différentes selon les individus. “Il faut aussi noter que tous les effets possibles sur la santé pour les différents organes et populations devraient être pris en compte avant toute recommandation d’ordre général”, écrivent les auteurs.
“Les risques d’effets nocifs pour le cerveau par exemple, pourraient être différents de ceux causés au système cardiovasculaire. En outre, l’équilibre entre les risques et les bénéfices pourrait aussi être différent selon les populations, par exemple les personnes en bonne santé contre celles susceptibles d’être atteintes de certaines maladies.”
Références :
[1] Sports Medicine. Nov. 2014, Volume 44, Issue 11, pp 1505-1518. Physical Activity, Air Pollution and the Brain. Inge Bos, Patrick De Boever, Luc Int Panis, Romain Meeusen.