Nous sommes nombreux à être convaincus que les individus que tout oppose en ce qui concerne la personnalité, les croyances et le physique sont tout spécialement susceptibles d’être attirés l’un par l’autre (le terme technique pour l’attirance des opposés est “complémentaire”) tels des aimants. En effet, un psychologue, Lynn McCutcheon [1], avait trouvé en 1991 que 77% des jeunes diplômés en psychologie croyaient que les opposés s’attiraient en ce qui concerne les relations. Des sites internet en ont même fait une spécialité [2], avec des témoignages affichés tels que “c’est mon expérience que les opposés s’attirent parce que c’est la nature de la réalité”. Ajoutant que “le grand mythe dans notre culture, c’est que la compatibilité est le fondement des relations, en fait, la compatibilité est le terrain de l’ennui.”
Dans les proverbes, il y a une égalité entre les deux points de vue. Car bien qu’on entende parfois le fameux “les opposés s’attirent”, il y a aussi le “qui se ressemble s’assemble”. Mais laquelle de ces sagesses traditionnelles est confirmée par des preuves tirées de la recherche scientifique ?
Malheureusement pour le site web cité plus haut, mais la science suggère que son point de vue est un mythe. Quand il s’agit des relations interpersonnelles, les opposés ne s’attirent pas. Au lieu de cela, l’homophilie (le terme pour décrire la tendance des gens identiques à s’attirer les uns les autres) est la règle plutôt que la complémentarité. Des douzaines d’études ont démontré que les gens, avec des traits de personnalité identiques, étaient plus susceptibles d’être attirés les uns les autres que les personnes avec des traits personnalité différents.
Par exemple, un individu avec un style de personnalité de type A (qui serait rigide, aimant la compétition, un maniaque du temps et peu souriant) préfère les partenaires qui sont aussi de type A ; les type B sont de la même manière attirés les uns les autres. Ceci est également vrai en ce qui concerne l’amitié. Nous sommes beaucoup plus susceptibles d’être avec des gens qui nous ressemblent, qu’en compagnie de personnes qui ont des traits de personnalité qui nous sont totalement différents.
La similarité dans les traits de personnalité n’est pas seulement un bon indicateur de l’attraction initiale. C’est aussi un bon indicateur de la stabilité maritale et du bonheur. Apparemment, la ressemblance des traits de personnalité est spécialement importante pour la satisfaction maritale. Ainsi, si vous êtes une personne irrémédiablement souillon et désorganisée, c’est probablement mieux de trouver quelqu’un qui n’est pas anormalement ordonné.
La conclusion “qui se ressemble s’assemble” va même bien au-delà de la personnalité, et concerne aussi nos attitudes et valeurs. Les travaux de Donn Byrne [3] et ses collègues démontrent que plus les attitudes d’une personne sont identiques aux nôtres, comme par exemple ses points de vue politiques, plus nous tendons à apprécier ou à aimer cette personne.
De façon intéressante, l’analyse statistique montre que les ressemblances que nous avons dans les attitudes d’une personne sont proportionnelles à l’amour ou l’affection que l’on porte à cette personne. Ainsi, nous sommes deux fois plus susceptibles d’être attirés par quelqu’un avec lequel nous sommes d’accord sur 6 sujets sur 10, qu’avec quelqu’un avec lequel nous sommes d’accord que sur 3 sujets sur 10. En outre, les personnes avec des attitudes différentes pourraient être spécialement peu enclines à être attirées les unes par les autres. Dans le cas des attitudes au moins, ce n’est pas seulement que les opposés ne s’attirent pas : ils se repoussent souvent.
Dans une étonnante étude, les biologistes Peter Buston et Stephen Emlen [4] ont demandé à 1000 participants environ de classer 10 caractéristiques par ordre d’importance à leurs yeux en ce qui concerne un éventuel partenaire pour une relation à long terme, comme la richesse, l’ambition, la fidélité, la façon d’éduquer les enfants et l’attirance physique. Puis, ils ont demandé à ces participants de s’évaluer eux-mêmes sur ces mêmes 10 caractéristiques. Les deux ensembles de classement étaient significativement associés, et étaient même plus fortement associés pour les femmes que pour les hommes, bien que la raison de cette différence entre les sexes ne soit pas très claire.
Évidemment, les résultats de Buston et Emlen sont à prendre avec prudence étant donné qu’il s’agit d’auto-déclaration. Les résultats s’accordent brillamment avec beaucoup d’autres recherches démontrant que quand nous cherchons l’âme sœur, nous cherchons quelqu’un qui correspond à notre personnalité et valeurs.
Comment ce mythe des “opposés s’attirent” est-il né ? Personne ne le sait avec certitude, mais il y a trois possibilités. Premièrement, il faut admettre que le mythe constitue une bonne histoire pour un film ou un roman. Les contes évoquant deux individus que tout sépare et qui se rencontrent sont beaucoup plus passionnants que deux individus identiques qui finissent ensembles. Deuxièmement, nous aspirons tous à trouver quelqu’un qui pourrait nous rendre “entier”, qui pourrait compenser nos faiblesses, trouver cette “pièce manquante” qui nous compléterait. Pourtant, quand il faut en arriver à la pratique, on préfère choisir quelqu’un qui nous ressemble.
Troisièmement, il est possible qu’il y ait un petit peu de vrai dans ce mythe des “opposés s’attirent”, parce que quelques différences intéressantes entre des partenaires peuvent épicer une relation. Être avec quelqu’un qui voit les choses exactement comme nous, et qui est d’accord avec nous sur tous les sujets, peut être réconfortant… mais ennuyeux.
Aucun chercheur n’a testé cette hypothèse des “gens identiques avec quelques différences ici ou là s’attirent”. D’ici à ce que cela soit fait, il est probablement plus sûr pour la vraie vie de trouver celui ou celle qui serait aussi timide ou extraverti que nous.
Références :
[1] A new test of misconceptions about psychology. Psychology Reports, 68, 647-653.
[2] www.soulmatch.com
[3] The effects of physical attractiveness, sex, and attitude similarity on interpersonal attraction. Journal of Personality, 36, 259-271.
[4] Cognitive processes underlying human mate choices : The relationship between self-perception and mate preference in Western society. PNAS, 100, 8805-8810.