Le visage patibulaire n’est pas un bon indicateur de l’agressivité des hommes.

D’après une étude publiée dans le journal PLoS ONE [1], il n’y a pas de preuve pour soutenir l’association entre la forme du visage et la délinquance chez les hommes. Le professeur Mireia Esparza, de l’Université de Barcelone, a étudié un échantillon d’environ 5000 individus provenant de 94 populations humaines à travers le monde.

Cette étude apporte de nouvelles données scientifiques pour rejeter l’hypothèse qui cherche à associer la forme du visage aux comportements antisociaux et criminels, théorie qui avait atteint son apogée au 19° siècle et qui a été récemment remise au goût du jour. Pour réaliser leur étude, les chercheurs ont utilisé un échantillon de 4960 individus de 94 populations à travers le monde. Ce large échantillon leur a permis d’obtenir une estimation globale de la forme des visages, et de développer une analyse précise en prenant en compte des caractéristiques distinctives. Les experts ont basé leur recherche sur l’étude du “ratio facial de la largeur sur la hauteur” (c’est-à-dire des visages plus larges en comparaison de leur hauteur), comme indicateur possible des comportements agressifs dans les populations masculines.

Selon le professeur Esparza, “ce ratio facial de la largeur sur la hauteur a été utilisé pour deux raisons principales : d’un côté il est un bon indicateur de la forme d’un visage et d’un autre côté, il a été utilisé dans ces études précédentes qui ont établi une corrélation entre des scores plus élevés de ce ratio et l’agression. De cette manière, nous avons été en mesure de comparer les résultats sans aucun biais qui seraient causés par l’utilisation de tout autre indicateur”. Le chercheur a reconstruit les généalogies de la population de Hallstatt en Autriche à partir des données biodémographiques pour obtenir une information généalogique des crânes étudiés et estimer la forme de chaque individu analysé.

Des mesures crâniofaciales et des points de repères crâniaux en 2D et en 3D

Les résultats de la recherche supportent des études précédentes qui ne montrent pas de relation entre le ratio facial de la largeur sur la hauteur et l’agressivité. “Cette étude va même plus loin” remarque le chercheur. “La méthodologie utilisée repose sur des mesures crânio-faciales et des points de repères en 2D et en 3D, ainsi cela nous a apporté des résultats plus précis que les études précédentes qui reposaient sur des analyses photographiques. En outre, notre recherche a utilisé un large échantillon d’environ 5000 individus de 94 populations à travers le monde, ainsi étions-nous en mesure de faire des comparaisons inter et intra-population”.

“Finalement, deux bases de données spécifiques, un échantillon de prisonniers masculins du Pénitencier de Mexico et un échantillon des crânes de l’église catholique de Hallstaff en Autriche, ont permis une analyse plus poussée. La base de données de Hallstatt a été utilisée pour estimer la corrélation parmi des paramètres de la vie, comme la forme physique ou le succès reproductif, et des caractéristiques de la forme des crânes ; cet échantillon a été essentiel pour rapporter qu’il n’y avait aucune corrélation significative entre le ratio facial de la largeur sur la hauteur et la forme physique masculine de cette population. Les données Mexicaines ont démontré que le ratio n’était pas plus grand chez les hommes qui ont été impliqués dans des crimes agressifs comparés à la population générale”.

Pas plus de violence ni de réussite reproductive

Selon les coordinateurs de l’étude, “les implications sociales et politiques de ce type d’hypothèse peuvent être une augmentation des préjugés raciaux, de la discrimination et de l’intolérance”. En plus de démontrer que des traits du visage sont un mauvais indicateur des comportements agressifs, l’étude prouve aussi que le ratio facial de la largeur sur la hauteur n’est pas associé au dimorphisme sexuel. En d’autres termes, les hommes qui présentent des valeurs élevées de ce ratio, c’est-à-dire des visages plus larges en comparaison de leur hauteur, n’ont pas plus de réussite reproductive ni ne montrent plus de comportements violents.

Si les hommes qui affichent des scores élevés de ce ratio avaient de meilleures valeurs de forme physique, cela déclencherait un processus de sélection sexuelle concentré sur ce ratio. “Notre étude montre qu’il n’y a pas d’association statistique entre le ratio de la largeur sur la hauteur du visage et la forme physique des hommes, et que la forme du visage n’est pas un bon indicateur du comportement” conclut le chercheur.

Références :

[1] Lack of Support for the Association between Facial Shape and Aggression : A Reappraisal Based on a Worldwide Population Genetics Perspective. Jorge Gómez-Valdés, Tábita Hünemeier, Mirsha Quinto-Sánchez, Carolina Paschetta Soledad de Azevedo, Marina F. González, Neus Martínez-Abadías, Mireia Esparza, Héctor M. Pucciarelli, Francisco M. Salzano, Claiton H. D. Bau, Maria Cátira Bortolini, X Rolando González-José. PLOS ONE, 2013.

A lire également