Depuis ceux qui évitent le gluten alors qu’ils n’ont pas besoin de le faire, jusqu’à ceux qui ne se font pas vacciner à cause d’une allergie aux oeufs, les mythes sur les allergies foisonnent, et sont même parfois crus et répétés par les médecins eux-mêmes.
Après avoir entendu encore et encore les mêmes informations qui s’avèrent être fausses, le Dr David Stukus, pédiatre allergologue, a décidé d’étudier d’où provenaient de tels mythes, et pourquoi ils étaient si répandus dans la population [1]. “Ces idées reçues sont très fréquentes dans la population, tout comme chez les médecins de famille” dit-il.
Il a découvert qu’il y avait un manque flagrant de preuves scientifiques pour de nombreuses idées concernant les allergies, et que beaucoup de désinformation circulait sur internet sur le sujet. “Si quelqu’un enquête soi-même, il peut facilement se voir dirigé dans la mauvaise direction par ce qui peut lui sembler être un site fiable” dit Stukus.
Une autre raison pour laquelle ces mythes persistent est que malgré leur réfutation par la science, l’information correcte n’est pas arrivée jusqu’à nous. Voici quelques-uns de ces mythes fréquemment rencontrés à propos des allergies, et la vérité sous-jacente.
Allergie aux colorants artificiels
Les gens attribuent souvent certains de leurs symptômes, comme une réaction chronique urticaire de la peau ou même de l’asthme, à une allergie aux colorants artificiels utilisés dans les aliments. Il est même fréquent de blâmer les colorants pour des problèmes comportementaux comme un trouble du déficit de l’attention (hyperactivité).
Pourtant, il n’y a aucune preuve scientifique ayant montré que les colorants artificiels causent ces symptômes. “Beaucoup de gens listent ceci comme une réaction allergique, et le disent lors des questionnaires médicaux, ce qui peut gêner la bonne réalisation de certains actes médicaux et avoir un cout inutile”.
Allergie aux œufs et vaccins antigrippaux
Les individus qui sont allergiques aux œufs peuvent croire qu’ils doivent éviter les vaccins saisonniers contre la grippe. Mais la vérité est que ces vaccins sont sans danger pour les personnes qui souffrent d’allergies aux œufs, même s’ils peuvent contenir de très faibles quantités de protéine d’œuf car le virus a souvent été cultivé dans un œuf de poule.
La sécurité des vaccins antigrippaux pour les personnes allergiques était devenu quelque-chose de très important pendant la pandémie H1N1 de 2009. “Depuis, il y a eu au moins 25 études cliniques de très bonne qualité qui ont été réalisées, et qui ont montré que les vaccins ne contenaient pas assez de protéine d’œuf, et qu’ils étaient sans risque pour pouvoir être délivrés aux individus souffrant d’allergie aux œufs” dit Stukus.
Allergie aux fruits de mer et scanners
Il y a idée erronée selon laquelle les personnes allergiques aux fruits de mer ont un risque plus important de réactions négatives à l’iode qui est parfois utilisée comme “agent de contraste” pendant un scanner pour obtenir une meilleure image.
Ce mythe a vu le jour il y a environ 40 ans, dans des établissements médicaux. Dans une étude de 1975 [2], des chercheurs ont observé que 15% des patients qui réagissaient mal à l’agent de contraste avaient aussi rapporté être allergiques aux crustacés. Les chercheurs ont donc fait l’hypothèse que l’iode présente à la fois dans les fruits de mer et dans l’agent de contraste devait en être la cause.
Mais pratiquement le même nombre de patients dans cette même étude avait rapporté être allergique à d’autres aliments, comme le lait et les œufs. “L’iode ne peut pas causer d’allergie, car il est présent dans nos corps et dans le sel de table” dit Stukus. Les personnes allergiques aux crustacés sont allergiques à une protéine spécifique qui n’est pas présente dans les agents de contraste.
Pourtant, les médecins continuent à propager ce mythe. Une étude de 2008 publiée dans l’American Journal of Medicine [3] a trouvé que presque 70% des radiologues et des cardiologues demandaient à leurs patients s’ils étaient allergiques aux fruits de mer avant de leur administrer des agents de radio-contraste, et nombreux sont ceux qui modifiaient la procédure pour les patients allergiques aux crustacés.
Les aliments allergéniques et les bébés
On pense souvent que des aliments tels que les noix et le poisson ne devraient pas être donnés aux enfants avant l’âge de 12 mois, suivant en cela certaines recommandations du passé. Cependant, les enfants peuvent manger ce type d’aliments dès 6 mois (tant qu’ils ne posent pas de risque d’étouffement).
Il y a en effet des éléments de preuve émergeants suggérant que le fait d’introduire précocement des aliments potentiellement allergéniques dans l’alimentation des enfants est bon pour eux, car cela favoriserait leur tolérance. “Les études essayent de le démontrer. Nous n’avons pas de preuves définitives, mais celles-ci commencent à s’accumuler” dit-il. Évidemment, ces recommandations ne s’appliquent pas aux enfants de familles avec un solide passé d’allergies alimentaires.
Allergie au gluten
Les allergies au gluten n’existent pas réellement. En fait, les gens sont allergiques à une autre protéine du blé présente dans le pain, dit Stukus. Mais ils peuvent être intolérants au gluten, ou souffrir d’une malade cœliaque qui est une maladie auto-immune dans laquelle le fait de manger certains aliments cause une inflammation et d’autres symptômes divers.
Un autre problème existant avec le gluten est la sensibilité au gluten non-cœliaque. “Les gens rapportent des symptômes, et se plaignent de vagues troubles, mais il n’y a pas de signe objectif, ni d’outil diagnostic pour le confirmer” dit Stukus.
Les animaux domestiques hypoallergéniques
Malheureusement, il n’existe pas de choses telles que des chats ou des chiens réellement hypoallergéniques. En réalité, tous les animaux secrètent certains allergènes dans leur salive, leurs glandes sébacées et leurs glandes anales, car ce ne sont évidemment pas les poils qui provoquent les allergies. Cependant, certaines espèces sont moins gênantes que d’autres pour ceux qui souffrent d’allergies.
Les tests sanguins du commerce
Les tests sanguins qu’il est possible de se procurer soi-même ne révèlent pas la raison d’une allergie, dit Stukus. Bien que ces tests puissent révéler une sensibilité, ceux qui sont sensibles à certains allergènes, comme le lait, ne sont pas nécessairement allergiques.
Ces tests ne sont pas fiables et peuvent souvent conduire à une mauvaise interprétation, à une confusion diagnostique et à éliminer certains aliments sans que ce soit nécessaire, conclut le chercheur.
Références :
[1] Defining Allergy Fact from Fiction. The greatest allergy myths and misconceptions, debunked. Dr. David Stukus, American College of Allergy, Asthma and Immunology.
[2] Shehadi W (1975). Adverse reactions to intravascularly administered contrast media. A comprehensive study based on a prospective survey. Am J Roentgenol Radium Ther Nucl Med 124 (1) : 145–52.
[3] Seafood Allergy and Radiocontrast Media : Are Physicians Propagating a Myth ? The American Journal of Medicine. Vol. 121, Iss. 2, 2008, pp 158.e1–158.e4.