Des études sur les athlètes d’endurance les plus âgés suggèrent que les plus en forme n’en tirent que peu de bénéfices pour leur santé.
Un ensemble de preuves scientifiques croissant arrive à une conclusion qui sera pour le moins troublante pour de nombreux sportifs, surtout chez les plus vieux : le fait de courir peut faire payer le coeur, ce qui effacera les bénéfices de l’exercice physique.
“Courir trop vite, trop loin et pendant de trop nombreuses années pourrait accélérer la progression de tout un chacun vers la ligne d’arrivée de la fin de vie” conclut un éditorial publié dans le journal Heart [1].
Jusqu’à récemment, le risque cardiaque en sport était presque exclusivement mesuré par la fréquence des décès pendant des courses. Pour les marathoniens, ce taux était de 1 sur 100000, un nombre qui ne faisait pas particulièrement peur. En outre, les données ont montré que généralement les coureurs profitaient de nombreux bénéfices en ce qui concerne leur longévité sur les non-coureurs.
Ce que la nouvelle recherche suggère c’est que les bénéfices de la course à pieds pourraient s’arrêter nets plus tard dans la vie. Dans une étude ayant impliqué 52600 personnes suivies pendant 30 ans, les coureurs dans le groupe avaient un taux de décès 19% inférieur que les non-coureurs. Mais au sein de la cohorte des coureurs, ceux qui courraient beaucoup, plus de 32 à 40 kilomètres par semaine, avaient perdu cet avantage sur la mortalité.
Pendant ce temps, toujours selon le journal Heart, une autre et grande étude n’a pas trouvé de bénéfice sur la mortalité chez ceux qui courraient plus vite que 13 km/h, alors que ceux qui courraient plus lentement en tiraient des bénéfices importants sur la mortalité.
Ces deux études, présentées lors de conférences médicales récentes, suivaient la publication ces derniers mois et années de plusieurs autres articles ayant trouvé des anomalies cardiaques chez les athlètes de l’extrême, comprenant une calcification artérielle coronarienne à un degré identique que celui rencontré chez des personnes complètement sédentaires.
L’opinion des cardiologues est pratiquement unanime : les sports athlétiques d’endurance augmentent significativement le risque de fibrillation atriale, une arythmie dont on estime qu’elle est la cause d’un tiers de toutes les attaques. L’exercice extrême chronique apparaît faire suer “sang et eau” le coeur, dit l’éditorial.
Les critiques de ces études se font entendre, affirmant que les personnes qui avancent l’hypothèse que l’on peut faire trop de sport manipulent les données. Ces derniers déclarent que l’idée que courir peut endommager le cœur repose sur de la recherche qui ne montre que des associations, ce qui signifie que le sport pourrait ne pas être la cause réelle du problème. Ils font remarquer que dans tout groupe important de coureurs, les athlètes qui courent beaucoup et très vite pourraient n’être qu’une trop petite minorité et donc ne pas être statistiquement significatifs.
Pourtant, le dosage n’est pas moins pertinent pour l’exercice physique que pour tout autre traitement médical, et pendant des années le mouvement athlétique d’endurance a incité à la plus grande prudence.
Le partisan le plus virulent de cette réduction drastique pour des raisons cardiaques est le Dr O’Keefe, un cardiologue américain de 56 ans et ancien athlète de haut niveau. De 1999 à 2004 il a gagné le triathlon le plus long de Kansas City, preuve non seulement de ses bonnes aptitudes athlétiques mais aussi de ses longues heures d’entrainement.
Mais le sentiment que ce régime le faisait vieillir prématurément, accouplé aux prises de conscience croissantes de problèmes cardiaques chez les athlètes d’extrême endurance, ont incité le Dr O’Keefe à réduire radicalement son programme de course à pieds sous les 32 km par semaine, et à ne jamais courir plus vite qu’à 12 km/h. Ce dernier déclarant que passé 50 ans, pousser son corps trop fort n’est sans doute pas bon pour le cœur, ni pour l’espérance de vie.
Références :
[1] Run for your life at a comfortable speed and not too far. Heart, James O’Keefe, Carl Lavie.