Les allergies sont à la hausse dans le monde développé, et le rhume des foins ainsi que l’eczéma ont triplé ces trente dernières années [1]. Pourtant, les allergies sont toujours objet de confusions et d’inquiétudes. Bien que 40 % des gens rapportent avoir une allergie alimentaire, en réalité seuls 1 % à 5 % en ont réellement une [2], les allergologues déclarent d’ailleurs qu’ils passent la plupart de leurs consultations à réfuter des croyances solidement ancrées qui n’ont aucun fondement scientifique.

Les théories sur l’allergie – certaines provenant de la recherche médicale et d’autres des “coaches” ou autre “gourous” – ont conduit à faire circuler des informations contradictoires, ce qui rend plus difficile encore la tâche de savoir ce qu’il faut croire et ce qu’il ne faut pas croire. Voici donc quatre mythes sur les allergies dont on peut se débarrasser :

A-t-on plus d’allergies quand on a moins d’infections durant l’enfance ?

Non. Bien qu’un lien entre les allergies et les microbes soit largement accepté [3], l’idée que plus d’infections pendant l’enfance réduisent les chances de développer des allergies est désormais réfutée. Cette idée vient de l’hypothèse hygiéniste de 1989 qui a émis la théorie que l’augmentation des allergies au 20° siècle était due au plus faible taux d’infections durant la petite enfance. Cette hypothèse reposait sur des observations selon lesquelles une plus grande famille protégeait contre le rhume des foins, tandis qu’on pensait que les familles plus restreintes étaient des sources insuffisantes d’exposition aux infections à cause d’un nombre de contacts plus réduit.

L’exposition à une gamme normale de microbes pendant les premiers mois de la vie après la naissance est critique pour développer le système immunitaire, mais il n’y a pas de preuves que des infections “régulières” soient importantes pour stimuler l’immunité générale ni pour empêcher les allergies.

Les allergies augmentent à cause des obsessions modernes de la propreté

Non. Nos microbiomes, la population de microbes qui vit dans et hors de nos corps, s’est modifiée depuis les générations passées. Ce n’est pas à cause de la propreté, mais parce que nous interagissons avec moins d’environnements microbiens que ceux de nos ancêtres plus ruraux. L’idée selon laquelle une propreté excessive a créé des foyers “stériles” est improbable : les microbes sont rapidement remplacés par des organismes qui viennent de nous, de nos animaux domestiques, des aliments crus et de la poussière.

Cette compréhension provient du mécanisme des “vieux amis” [4], qui est une précision de l’hypothèse hygiéniste offrant une explication plus plausible du lien entre l’exposition aux microbes et les allergies. Elle propose que l’exposition à une large gamme de microbes ou parasites qui ne sont pas dangereux et qui habitent notre monde, est importante pour construire un microbiome diversifié et vital afin de maintenir un système immunitaire bien régulé qui ne surréagisse pas à des allergènes comme le pollen. Ces “vieux amis” ont évolué avec les êtres humains sur des millions d’années. A contrario, la plupart des maladies infectieuses ne sont apparues que ces 10000 dernières années, en même temps que se développait le mode de vie en communautés urbaines.

Les microbes “vieux amis” sont toujours présents, mais nous avons perdu le contact avec eux à cause de notre style de vie et des changements de la santé publique ces deux derniers siècles. Une qualité de l’eau améliorée, plus de propreté sanitaire et urbaine ont massivement réduit les maladies infectieuses, mais nous ont privés de toute exposition à ces microbes. Les modifications de la population microbienne dans les aliments, moins d’allaitements, plus de césariennes, un mode de vie urbain plutôt que rural et une augmentation de l’utilisation des antibiotiques ont aussi réduit les interactions avec ces microbes au début de notre vie.

Est-ce que le fait d’assouplir les mesures d’hygiène peut inverser cette tendance haussière des allergies ?

Non. Nous savons désormais que le fait d’assouplir les mesures d’hygiène ne nous rapprochera pas de nos vieux amis les microbes, mais que cela pourrait augmenter le risque d’une exposition à d’autres microbes qui peuvent causer des maladies nouvelles et anciennes. Comme elle était originellement appelée l’hypothèse “hygiéniste”, et comme les termes d’”hygiène” et de “propreté” sont utilisés de façon interchangeable, les gens supposent souvent que le fait “d’être moins propre” implique d’être moins pointilleux sur l’hygiène.

En même temps que les allergies ont augmenté, les menaces de pandémie globale et la résistance aux antibiotiques ont augmenté, l’hygiène est l’élément clé pour maitriser ces menaces. Le fait de se protéger contre l’infection ne se cantonne pas à nettoyer les maisons ou à prendre souvent une douche, mais cela concerne ce que nous faisons pour stopper la propagation des germes.

En respectant certaines pratiques “cibles” comme de se laver les mains, contrôler la nourriture et l’hygiène des toilettes, tout en encourageant les interactions quotidiennes avec notre monde microbien, nous maximisons la protection contre l’infection, tout en conservant une exposition aux vieux amis.

Est-ce que les éléments chimiques synthétiques sont associés à l’augmentation des allergies ?

Non. L’utilisation excessive des produits de nettoyage et de soins personnels et des antibactériens est parfois accusée d’être associée aux allergies parce que cela nous priverait de toute exposition microbienne. Les produits antibactériens sont perçus comme ce qui exacerberait cela. Cependant, comme les éléments de preuve montrent que le ménage fait dans les foyers au jour le jour n’a pas d’impact sur les niveaux microbiens, il est improbable qu’il impacte notre microbiome humain. Au contraire, une utilisation ciblée du désinfectant, comme par exemple en préparant à manger, peut réduire les risques d’infection [5].

Nombreux sont ceux qui croient que les éléments chimiques “synthétiques” sont plus susceptibles de causer des réactions allergiques, ce qui fait que de nombreuses substances synthétiques sont remplacées par des “alternatives naturelles”. Cependant, les réactions allergiques les plus fréquentes sont dues à des allergènes naturels, dans des aliments comme les œufs, le lait et les noix, dans des plantes communes comme les primevères et les chrysanthèmes, ou des choses dans l’environnement comme le pollen, les acariens et les poils d’animaux domestiques. Certaines substitutions naturelles de substances synthétiques pourraient même augmenter le risque de réactions allergiques.

Références :

[1] Time trends in allergic disorders in the UK. R Gupta, A Sheikh, D P Strachan, H R Anderson. Thorax 2007 ;62:91-96.

[2] The prevalence of food allergy : A meta-analysis. Journal of Allergy and Clinical Immunology, Volume 120, Issue 3, 2007, pp 638–646.

[3] The Hygiene Hypothesis and its implications for home hygiene, lifestyle and public health : Summary. Bloomfield SF, Stanwell Smith R, Rook GA.

[4] Microbial ‘old friends’, immunoregulation and socioeconomic status. Clinical & Experimental Immunology, Volume 177, Issue 1, pp 1–12, 2014.

[5] Lett Appl Microbiol. 1999 Nov ;29(5):354-8. The effectiveness of hygiene procedures for prevention of cross-contamination from chicken carcases in the domestic kitchen. Cogan TA, Bloomfield SF, Humphrey TJ.

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