Des chercheurs français ont découvert une méthode simple et peu onéreuse pour prédire qui pourrait être sujet à risque et décéder soudainement et de façon inattendue d’une crise cardiaque.
Dans une étude sur 7746 hommes français, publiée dans le journal de cardiologie européen European Heart Journal [1], des chercheurs ont trouvé que les hommes dont le rythme cardiaque augmente le plus durant un stress mental modéré juste avant de faire de l’exercice, ont deux fois plus de chances de décéder d’une soudaine crise cardiaque dans leurs vieux jours, que les hommes dont le rythme cardiaque n’augmente pas beaucoup. L’étude est la première à faire cette association et étant donné que prendre le pouls d’un patient est facile et ne coute pas cher, cela suggère un moyen pour identifier les personnes susceptibles d’être à risque.
Le Professeur Xavier Jouven, de l’hôpital Georges Pompidou de Paris, qui a dirigé l’étude, déclare que ces résultats ont des implications cliniques importantes. “Les gens qui montrent une importante augmentation de leurs pulsations lors d’un stress mental modéré, pourraient être pris en charge dans le cadre d’investigations plus poussées, afin de mettre en place des stratégies préventives visant surtout à réduire leur probabilité de maladie cardiovasculaire” dit-il.
Les décès par crise cardiaque représentent un problème de santé publique majeur, comptant pour 486 000 décès chaque année dans l’Europe des 27. Moins de 5% des personnes souffrant d’attaque cardiaque sont sauvées, ainsi, pouvoir identifier plus tôt ces personnes à risque mais qui semblent en bonne santé, représenterait une avancée importante dans la prévention de ces décès.
Le Professeur Jouven et ses collègues ont examiné les données de l’étude prospective Paris 1 de 7746 français, âgés entre 42 et 53 ans, employés par la Ville de Paris en tant que policiers. Ces hommes avaient passé des examens de santé entre 1967 et 1972, comprenant des électrocardiogrammes et des examens physiques.
Leur rythme cardiaque au repos avait été mesuré, et il a de nouveau été mesuré juste avant un test d’exercice à vélo, alors qu’ils étaient assis sur le vélo ; c’est cette période que les chercheurs considéraient comme étant celle de stress mental modéré pendant la préparation du test sportif. Leurs pulsations étaient mesurées pendant l’exercice et après, pendant la période récupération.
Pendant une durée de suivi moyenne de 23 années, il y eut 1516 décès comprenant 81 morts soudaines résultant d’une crise cardiaque. Le risque de crise cardiaque augmentait avec l’augmentation du rythme cardiaque pendant la période de stress mental modéré. Après avoir procédé aux ajustements de facteurs tels que le tabagisme, l’âge, le poids, le niveau sportif, les niveaux de cholestérol et de diabètes, les chercheurs ont trouvé que les hommes qui avaient la plus forte augmentation de leur rythme cardiaque pendant ce stress (augmentation de plus de 12 battements par minute) avaient deux fois plus de risque de décéder comparés aux hommes qui avaient les augmentations les plus faibles (augmentation de moins de 4 pulsations par minute).
A l’inverse, les hommes qui avaient l’augmentation la plus élevée de leur pulsations pendant l’exercice lui-même, avaient deux fois moins de risque de crise cardiaque comparés à ceux dont le rythme augmentait le moins pendant l’exercice.
Une analyse plus poussée a montré qu’en fait, il n’y eut aucun décès par arrêt cardiaque chez les 440 hommes qui avaient vu leur rythme cardiaque le moins augmenter pendant la période de stress mental modéré et le plus durant l’exercice. D’un autre côté, la proportion la plus élevée de décès brutaux se trouvait parmi les hommes qui avaient vu leur rythme augmenter le plus pendant la période de stress et le moins durant le test, 14 sur 471 hommes.
En outre, les chercheurs ont trouvé que le risque de mourir soudainement d’une attaque cardiaque était fortement influencé par des prédispositions génétiques : le risque de mort soudaine augmente presque trois fois plus chez les hommes dont les mères sont décédées soudainement, et presque dix fois plus quand les deux parents sont décédés brutalement, comparés aux hommes avec des parents qui ne sont pas décédés de la même manière.
Le Professeur Jouven et ses collègues pensent que le mécanisme de cet effet à avoir avec l’interaction entre les nerfs vagues (qui sont une partie importante du système nerveux autonome qui contrôle les fonctions inconscientes du corps comme les battements de coeur) et l’activation sympathique (activation du système nerveux sympathique, qui est la moitié du système nerveux autonome et est responsable de l’augmentation du rythme cardiaque, de l’élargissement des vaisseaux sanguins dans les muscles et de leur contraction dans la peau et les intestins).
“Il y a un équilibre entre l’accélérateur (l’activation sympathique) et l’arrêt (l’activation vagale). Si un retrait vagal survient c’est comme si on relâchait le frein. Pendant un épisode ischémique, quand le flux de sang vers le coeur est réduit, l’activation sympathique prend le relais pour le contrebalancer.
Cependant, s’il n’y a aucune protection par la nature vagale (le frein), l’activation peut devenir incontrôlée et elle devient dangereuse. Notre hypothèse sous-jacente, que cette étude semble avoir confirmé, est que plus le retrait vagal en réponse au stress mental est rapide, plus l’effet délétère de l’activation sympathique non contrée par l’activité vagale sera important pendant un épisode ischémique” explique-t-il.
Les chercheurs de préciser que comme l’étude n’a été réalisée que sur des hommes, il est possible que des résultats sur des femmes soient différents et pourraient être le sujet d’une recherche future.
Références :
[1] Excessive heart rate increase during mild mental stress in preparation for exercise predicts sudden death in the general population. European Heart Journal.