Une analyse met en lumière les éléments de preuve sur les antioxydants pour les athlètes.
Chacun sait que nous devons avoir une alimentation saine composée de nombreuses vitamines. Mais qu’en est-il des pilules contenant des doses concentrées d’antioxydants ? Les preuves sont ici plus fragiles, bien que de nombreux athlètes continuent à se tourner vers ces compléments alimentaires à la recherche d’un avantage.
Dans une étude publiée dans le journal Sports Medicine [1], Andrea Braakhius de l’Université d’Auckland et ses collègues ont réalisé une analyse complète des effets des antioxydants sur la performance sportive. Ils n’ont pas regardé des éléments intermédiaires telles que les niveaux d’antioxydants ou les marqueurs de l’inflammation dans le corps, ils ont seulement plutôt analysé les études dans lesquelles les améliorations ou les diminutions réelles de la performance ont été mesurées. En tout, ils ont rassemblé les résultats de 71 études différentes.
Leur conclusion générale ? “Une consommation chronique d’antioxydants alimentaires est probablement nocive.” En d’autres termes, si vous prenez religieusement votre pilule de 1 000 milligrammes de vitamine C tous les matins, vous faites probablement plus de mal que de bien à votre performance athlétique. Bien entendu, les détails sont un peu plus complexes.
Il n’y a aucun doute que l’exercice intense conduit à la production de dérivés réactifs de l’oxygène qui peuvent endommager les cellules et les fibres musculaires, perturber le fonctionnement immunitaire et contribuer à la fatigue. La partie délicate est que les dérivés réactifs de l’oxygène peuvent aussi avoir des effets positifs, en déclenchant la resynthèse du glycogène, en réduisant le risque d’infection et en initiant les réponses adaptatives à l’entrainement les plus importantes du corps. Ce dernier point est le plus problématique pour les athlètes : le fait d’utiliser des antioxydants pour supprimer les dérivés réactifs de l’oxygène générés par l’entrainement peut aussi supprimer les gains de forme physique qui sont supposés suivre l’entrainement. Cet effet a été démontré dans de nombreuses études.
La conséquence de ces effets mitigés est que le contexte est important. Les antioxydants peuvent être utiles dans certains cas et nocifs dans d’autres. Une tendance générale qui émerge dans les analyses est que l’utilisation ciblée de certains antioxydants peut avoir des bénéfices immédiats sur la performance, mais si vous continuez à les prendre régulièrement, ils finissent par avoir des effets négatifs.
Mais même les bénéfices ciblés sont très difficiles à maitriser quand vous réalisez une analyse plus approfondie. Par exemple, la N-acetylcystéine a fait l’objet des recherches les plus positives qui suggèrent qu’elle peut améliorer la performance (bien qu’elle ait aussi des effets secondaires négatifs quand elle est prise trop souvent). Mais elle est extrêmement difficile à absorber quand elle est prise oralement (seulement 6 à 10 % de la substance est absorbé), ainsi la plupart des études utilisent des injections par intraveineuse qui, comme le reconnaissent les auteurs, soulèvent des problèmes éthiques. Si vous la prenez oralement, il y a des effets secondaires sérieux comme une irritation conjonctivale, une dysphorie, des vomissements, diarrhées, nausées et perte de coordination.
D’autres suppléments, qui semblaient pourtant prometteurs, présentent le même genre de contreparties. Comme le concluent les auteurs : “en résumé de cette étude, une consommation chronique de vitamine E semble améliorer la performance en altitude, mais elle dégrade potentiellement la performance au niveau de la mer. La quercétine apporte des faibles bénéfices sur l’endurance mais seulement chez les sujets non entrainés. Le resvératrol semble aussi bénéficier à la performance chez les rats en bonne santé et en bonne condition physique, mais il est potentiellement nocif pour les rongeurs inactifs et pour les êtres humains, etc.
Un antioxydant que les auteurs n’ont pas couvert en détail est la vitamine C, parce qu’une étude a déjà publié une analyse détaillée de ses effets sur la performance sportive en 2012 [2]. Sur les 12 études de cette analyse, quatre ont affiché des résultats négatifs sur la performance et quatre autres ont montré des résultats négatifs qui n’étaient pas statistiquement significatifs, ce qui est une image plutôt accablante. La conclusion de ces recherches peut donc s’appliquer plus généralement à l’ensemble des antioxydants : “des doses d’environ 0.2 g·d(-1) de vitamine C consommées à travers cinq portions ou plus de fruits et légumes suffisent à réduire le stress oxydatif et à apporter d’autres bénéfices à la santé sans altérer les adaptations à l’entrainement.”
Attention aux suppléments d’antioxydants !
La presse profane et des milliers de produits nutritionnels mettent en garde contre les radicaux libres ou le stress oxydatif et ils proposent de prendre des prétendus antioxydants pour empêcher ou pour traiter la maladie. Or le Professeur Pietro Ghezzi de la Medical School du Sussex et de Brighton et le Professeur Harald Schmidt de l’Université de Maastricht ont analysé les éléments de preuves derrière ces déclarations [3]. Le résultat est un avertissement clair et net : ne prenez pas ces compléments alimentaires à moins qu’une carence manifeste soit diagnostiquée par un professionnel de la santé.
Les êtres humains ont besoin d’oxygène pour produire de l’énergie, mais l’oxygène a aussi le pouvoir de générer les prétendus radicaux libres dérivés de l’oxygène, qui peuvent causer du stress oxydatif et la maladie. Des marqueurs du stress oxydatif ont été corrélés à des maladies cardiovasculaires, au cancer, au diabète et à d’autres maladies. À cause de ces associations, les suppléments d’antioxydants sont consommés par des millions de gens, cependant aucun des antioxydants testés dans des études randomisées n’a démontré apporter de bénéfice. Au contraire, certains d’entre eux peuvent être nocifs.
Cela vient de ce que les radicaux dérivés de l’oxygène non seulement déclenchent des maladies, mais ils ont aussi des fonctions importantes dans le corps, comme pour les défenses immunitaires et la synthèse hormonale. Ainsi, les antioxydants vont interférer avec les molécules d’oxygène qui sont à la fois saines et à l’origine des maladies.
“Le stress oxydatif pourrait être important dans certaines conditions et seulement pour une petite proportion de patients,” dit le Pr Ghezzi. “Mais il peut être ciblé d’une manière totalement différente, avec des médicaments ciblés seulement sur ces sources de molécules d’oxygène qui sont des déclencheurs de maladies, mais qui laissent celles qui sont saines en l’état,” ajoute le Pr Schmidt.
Références :
[1] Sports Medicine. 2015, Volume 45, Issue 7, pp 939-955. Impact of Dietary Antioxidants on Sport Performance : A Review. Andrea Braakhuis, Will Hopkins.
[2] Curr Sports Med Rep. 2012 ; 11(4):180-4. Effect of vitamin C supplements on physical performance. Braakhuis AJ.
[3] Pietro Ghezzi, Vincent Jaquet, Fabrizio Marcucci, Harald H.H.W. Schmidt. The oxidative stress theory of disease : levels of evidence and epistemological aspects. British Journal of Pharmacology, 2016.