Pourquoi un bébé humain a-t-il besoin d’une année entière pour commencer à marcher, alors qu’un poulain nouveau-né se met sur ses pattes immédiatement après sa naissance ? Les scientifiques ont supposé que le développement moteur humain est unique parce que notre cerveau est inhabituellement complexe, et parce qu’il est particulièrement difficile de marcher sur deux genoux. Mais un groupe de chercheurs de l’Université Lund de Suède a montré qu’en fait les bébés humains commencent à marcher à une étape identique de leur développement cérébral que la plupart des mammifères qui marchent, allant des rongeurs jusqu’aux éléphants.
Le groupe de Lund, composé de neurophysiologistes et de psychologues du développement, on publié leurs résultats dans le journal PNAS [1]. Contrairement à la convention habituelle, ils ont utilisé la conception et non la naissance comme point de départ du développement moteur dans leur comparaison entre les mammifères. Cela a révélé d’étonnantes similarités au sein d’espèces qui se sont séparés, lors de l’évolution, il y a au moins 100 millions d’années. Les êtres humains ont plus de cellules cérébrales et des cerveaux plus gros que la plupart des autres espèces mammifères terrestres, mais en ce qui concerne la marche, le développement du cerveau semble être identique pour nous et les autres mammifères. “Notre étude démontre que la différence est quantitative, et non qualitative”, dit Martin Garwicz.
En se basant sur la connaissance à propos du développement chez les autres mammifères, il est par conséquent possible de prédire réellement avec une haute précision quand les bébés humains commenceront à marcher.
La notion selon laquelle les êtres humains ont une position unique parmi les mammifères n’est pas seulement profondément enracinée parmi les populations, mais elle se reflète également dans des hypothèses fondamentales de différents domaines de recherche relatifs au développement humain et à l’évolution du cerveau humain.
“Notre étude contredit fortement cette hypothèse, et par la même occasion éclaire sous un angle nouveau les théories en biologie évolutionniste et développementale” dit Martin Garwicz. “D’un autre coté, nos résultats s’accordent avec les ressemblances substantielles entre les génomes des différents mammifères. Peut-être que ces similarités ne sont après tout pas surprenantes, bien que les produits finaux “homme” et “rat” soient très différents, notre étude suggère que les éléments fondamentaux, et les principes expliquant comment ces éléments fondamentaux interagissent les uns avec les autres pendant le développement, pourraient être identiques.”
L’étude est née par une tentative du groupe de traduire les bornes comportementales du développement moteur entre deux espèces apparentées de loin. Les ressemblances dans le temps relatif de développement entre les deux espèces étaient si frappantes, que les scientifiques ont commencé à se demander si la régularité s’appliquait aux autres mammifères, et en fin de compte aux êtres humains.
Le groupe de Lund a comparé 24 espèces, qui représentent ensemble la majorité des mammifères existants qui marchent. Certains, comme les grands singes, sont proches de nous en ce qui concerne l’évolution tandis que d’autres, comme les rongeurs, les animaux à sabots et les éléphants, ont divergé de notre passé évolutionniste il y a environ 90-100 millions d’années environ.
Malgré cela, et sans tenir compte des différences dans les cerveaux et la taille du corps des différentes espèces, du temps de gestation et de la maturité du cerveau à la naissance, la comparaison a montré que les jeunes de toutes les espèces commençaient à marcher au même point relatif de leur développement cérébral. Les êtres humains pourraient être uniques, mais pas à cet égard. Quand le système nerveux a atteint un niveau donné de maturité, vous commencez à apprendre à marcher, que vous soyez un hérisson, un poulain ou un bébé humain.
Psychologie du cerveau : Pour mieux comprendre comment il fonctionne, d’Alain Lieury.
Références :
[1] A unifying model for timing of walking onset in humans and other mammals. PNAS. M. Garwicza, M. Christenssona, E. Psounib.