L’une des maladies les plus fréquentes de la colonne vertébrale pourrait être la conséquence d’une ressemblance, chez certaines personnes, de la forme des vertèbres, ces os qui constituent la colonne vertébrale, avec celles des primates non-humains. La recherche, publiée dans le journal BMC Evolutionary Biology [1], montre que l’évolution relativement rapide de l’aptitude à marcher debout sur deux jambes pourrait avoir un impact substantiel sur la santé de l’homme moderne.
Les êtres humains sont plus fréquemment affligés de maladies de dos que les primates non-humains, et l’une des explications qui est amplement débattue pour l’expliquer viendrait du stress exercé sur la colonne vertébrale par la locomotion bipède. Cette recherche confirme cette théorie.
L’une des causes très répandue du mal de dos, la hernie discale intervertébrale, a des taux de fréquence qui vont de 20 % à 78 % selon la population. Elle est causée par le prolapsus d’une substance gélatineuse à l’intérieur du disque, et quand la hernie est dirigée verticalement, elle se caractérise souvent par des protrusions de cartilage appelées les “nodules de Schmorl”.
Les chercheurs ont étudié les vertèbres des êtres humains, des chimpanzés et des orang-outangs pour examiner les liens entre la forme des vertèbres, la locomotion et l’apparence des hernies discales verticales chez les humains.
Kimberly Plomp, chercheur à l’Université Frazer au Canada, déclare : “notre étude a utilisé des méthodes quantitatives pour découvrir pourquoi les êtres humains sont si souvent affligés de problèmes de dos comparés aux primates non-humains. Les résultats ont des implications potentielles pour la recherche clinique, car ils indiquent pourquoi certains individus sont plus enclins aux problèmes de dos. Ce qui pourrait aider dans la gestion de la santé préventive en identifiant les individus, tels que les athlètes, qui pourraient courir plus de risques de développer cette condition.”
Les chercheurs ont comparé 141 vertèbres humaines, 56 vertèbres de chimpanzés (un primate qui marche sur les phalanges) et 27 vertèbres d’orang-outangs (primate grimpeur qui utilise ses quatre pattes utilisées comme mains) et ils ont trouvé des différences significatives dans leur forme. Ils déclarent que ceci pourrait s’expliquer par les différents modes de locomotion et contribuer à comprendre l’évolution de la bipédie humaine.
Sur les vertèbres humaines qu’ils ont étudiées, 54 avaient des nodules de Schmorl, qui sont des indicateurs squelettiques d’une hernie discale verticale. Les chercheurs ont découvert que les vertèbres humaines avec des nodules de Schmorl partageaient plus de similarités dans leur forme avec les vertèbres des chimpanzés que les vertèbres humaines en bonne santé n’en partageaient avec ces primates non-humains.
Cela suggère que les hernies discales verticales affectent de préférence les individus avec des vertèbres qui se rapprochent de la variation de forme de celles de nos ancêtres. Ces individus pourraient de ce fait être moins bien adaptés à la bipédie et souffrir davantage de maladies associées à une surcharge sur la colonne vertébrale.
Les scientifiques précisent que leurs résultats pourraient être utilisés dans le cadre de l’interprétation des scanners médicaux des maladies de la colonne vertébrale. Ceci pourrait aider les cliniciens à étudier la forme vertébrale d’un individu, et à prédire leur susceptibilité à la hernie discale.
L’identification d’une forme vertébrale ancestrale qui influence la fréquence d’une maladie de la colonne vertébrale chez les êtres humains, confirme également l’idée selon laquelle l’évolution relativement rapide de la bipédie pourrait avoir un impact substantiel sur la santé de l’être humain moderne.
Les chercheurs notent cependant plusieurs limites à leur étude, comme la taille de l’échantillon relativement petit, et qui inclut des humains qui proviennent de populations Anglaises médiévales et postmédiévales. Les futures recherches devront inclure des tailles d’échantillons plus larges et de multiples populations humaines provenant de différents passés ancestraux. Elles pourront aussi inclure des analyses de scanners d’individus vivants afin d’étudier les hernies horizontales qui ne laissent pas de traces sur les os, et se concentrer sur des images en 3D des formes des vertèbres humaines et non-humaines pour saisir les éléments qui ont été oubliés dans la présente étude.
Références :
[1] Kimberly A Plomp, Una Strand Viðarsdóttir, Darlene A Weston, Keith Dobney, Mark Collard. The ancestral shape hypothesis : an evolutionary explanation for the occurrence of intervertebral disc herniation in humans. BMC Evolutionary Biology, 2015 ; 15 (1).