Après plusieurs pénaltys tirés dans la même direction, les gardiens de buts sont plus susceptibles de plonger dans la direction opposée au pénalty précédent, mais les joueurs qui tirent les pénaltys ne savent pas encore exploiter cette faille dans le raisonnement des gardiens de buts.
L’étude, publiée dans Current Biology [1], montre que les tirs de pénaltys lors des tournois internationaux ressemblent à un jeu psychologique. Les chercheurs ont étudié des vidéos de tirs de pénaltys de toutes les finales de la Coupe du Monde et de la Coupe d’Europe entre 1976 et 2012.
Ils ont découvert que chaque équipe de tireurs produisait des séquences plus ou moins aléatoires de tirs à droite ou à gauche des buts. Les plongeons des gardiens de buts vers la droite ou vers la gauche n’étaient pas associés à la direction du tir, ce qui montre bien que les gardiens de buts à ce niveau prennent leurs décisions à l’avance, et qu’ils ne réagissent pas à chaque tir.
Cependant, les décisions des gardiens de buts n’étaient pas aléatoires sur un point crucial : quand les tireurs tiraient plusieurs fois dans la même direction lors de pénaltys consécutifs, les gardiens de buts étaient plus susceptibles de plonger dans la direction opposée lors du pénalty qui suivait. Ainsi, les gardiens de buts reproduisaient ce qu’on appelle “le sophisme du parieur” – qui est l’illusion dans laquelle tombe souvent les joueurs de jeux de hasard où ils croient que si une pièce tombe souvent sur “pile”, alors le prochain coup donnera un “face”.
“Le hasard complet est généralement la meilleure stratégie lors des matches”, explique l’auteur de l’étude Erman Misirlisoy, de l’Institut de Neurosciences Cognitives de l’UCL. “Étant donné que les gardiens de buts sont victimes du sophisme du parieur, les tireurs aux buts devraient pouvoir prédire à l’avance dans quelle direction le gardien est susceptible de plonger lors du tir qui va suivre. Cela pourrait manifestement donner un avantage aux tireurs – ils pourraient simplement viser le côté opposé des buts. Étonnamment, nous avons trouvé que les tireurs n’exploitent pas suffisamment cet avantage qui leur est offert”.
“Souvent, vous pouvez seulement gagner dans les sports de haut niveau en exploitant les minces faiblesses dans la stratégie des concurrents”, explique le Professeur Patrick Haggard. “Nous pouvons seulement spéculer sur une raison qui expliquerait pourquoi les gardiens de buts ne peuvent pas être aléatoires, sans que les tireurs l’exploitent.
L’une des possibilités est que les tirs de pénaltys sont relativement rares. Mais il y a une possibilité plus intéressante d’un point de vue psychologique : les tirs aux buts sont asymétriques, parce qu’un gardien de buts fait face à plusieurs tireurs, l’un après l’autre. Les tireurs subissent une énorme pression, et ils se concentrent quant à eux sur leur propre et unique tir. Chaque individu qui frappe le ballon pourrait ne pas porter assez d’attention à la séquence de tirs précédente pour prédire ce que le gardien va faire ensuite”.
Erman Misirlisoy ajoute : “les gens peuvent apprendre à prédire : peut-être que les entraineurs de football pourraient étudier davantage ce qu’est le sophisme du parieur, et donc entrainer les joueurs qui tirent les pénaltys à s’y préparer pour la prochaine Coupe du Monde. En même temps, les gardiens de buts devaient aussi apprendre à être beaucoup moins prévisibles”.
Références :
[1] Asymmetric Predictability and Cognitive Competition in Football Penalty Shootouts. Erman Misirlisoy, Patrick Haggard. Current Biology.