Le marché des compléments alimentaires se compte par millions, les salles de sport sont de grandes pourvoyeuses de ces produits et les magasins de sport ne sont pas en reste, avec des étagères chargées de protéines, minéraux, vitamines, etc. De nombreuses déclarations sont faites sur ces produits. Ils amélioreraient la récupération, augmenteraient la masse musculaire, brûleraient la graisse, amélioreraient la définition musculaire et le “bien-être”.
Avec tant de messages positifs qui fusent de toutes parts, les gens sont incapables de séparer le bon grain de l’ivraie. Les recherches sur internet sont tout aussi confuses car les sites commerciaux n’ont qu’un objectif : vendre leurs produits. La seule solution est de parcourir la recherche sur le sujet, et de faire ici aussi le tri entre les bonnes études à la méthodologie irréprochable et les médiocres. Le consensus de ces études est qu’il n’est pas nécessaire de prendre ces compléments alimentaires tant que vous êtes en mesure de satisfaire vos apports nutritionnels par une alimentation correcte.
Mais comme ce genre de réponse peut ne pas satisfaire tout le monde, voyons ce qu’il en est des suppléments les plus communs, ainsi que ce qui concerne les données scientifiques disponibles sur leur importance pour les sportifs. Bien entendu, cet article ne conviendra sans doute pas aux bodybuilders professionnels (qui, de toute façon, ne se contentent pas de prendre des compléments alimentaires [sic]), mais aux sportifs amateurs.
Les protéines
La raison principale qui pousse les gens à consommer des protéines en poudre est d’augmenter leur masse musculaire, étant donné qu’elles stimulent le corps pour produire des protéines musculaires. Ceci est bien établi, mais ce qui est débattu depuis longtemps est la quantité de protéines nécessaire, et quel type de protéines il faut prendre et quand ?
Le meilleur type de protéines semble être les protéines de petit lait (whey). Elles sont absorbées plus de 70 % plus rapidement que les autres comme celles de caséine ou de soja [1]. Cela veut dire qu’elles vont plus rapidement dans les muscles, ce qui augmente de plus de 20 % le taux par lequel le corps fabrique des protéines musculaires par rapport aux autres types de protéines.
En ce qui concerne le problème du timing, de nombreux adeptes de la musculation ne jurent que par ce qu’ils appellent “la fenêtre anabolique”. Cette dernière affirme que les besoins en protéines doivent être comblés dans les minutes qui suivent l’arrêt de l’entrainement pour que les gains se réalisent. Pour le dire simplement, c’est beaucoup de bruit pour pas grand-chose ! Car cette “fenêtre” est susceptible de durer près de 24h à 48h plutôt que quelques minutes seulement [2].
Comme pour ce qui concerne la consommation des protéines, une etude récente [3] a découvert que chez les jeunes hommes qui pèsent entre 80 kg et 85 kg et qui s’entrainent régulièrement, il suffit de 20 grammes de protéines pour avoir les meilleurs résultats possibles – ce qu’on appelle dans le jargon la “stimulation maximale”.
Prendre plus de 20 gr de protéines apparait être inutile, du moins chez cette population de sportifs. Cela conduit seulement à une excrétion supplémentaire des protéines dans les urines.
La créatine
La créatine est depuis plusieurs années devenue un complément alimentaire très populaire, bien qu’elle soit naturellement présente dans la viande rouge, dans les œufs et le poisson. Un large corpus de preuves scientifiques supporte son utilisation pour prendre de la masse musculaire et augmenter la récupération [4].
La science affirme que quand la créatine est prise et va dans le muscle, elle aide à générer de l’énergie. Ceci permet au muscle de se contracter et de continuer l’exercice. Cela peut permettre de prendre de la masse musculaire et de la force en réaction à l’entrainement avec des poids.
Mais les effets de la créatine sur la performance sportive sont moins convaincants. Elle augmente la rétention d’eau [5], ce qui augmente la masse du corps. Dans les sports où le poids du corps est important, cela contrecarre les bénéfices musculaires et fait qu’il n’y a pas de bénéfices finaux.
Les vitamines
On suppose souvent que les vitamines sont bonnes pour la santé. Alors que ceci est évident, quand elles sont prises en excès c’est le contraire qui peut être vrai à la fois pour la santé et l’exercice.
Les vitamines C et E en particulier, qui agissent comme antioxydants, ont montré qu’elles freinaient l’adaptation du corps à l’entrainement sportif. Deux études récentes ont trouvé que les gens qui prenaient de grandes quantités des deux vitamines (1000 mg/jour de vitamine C et 267 mg/jour de vitamine E) n’avaient affiché aucune amélioration de leur condition physique ni de la performance sportive [6] [7]. Ce niveau de consommation représentait 250 fois les apports quotidiens conseillés pour la vitamine C et 80 fois pour la vitamine E, bien que se situant dans la gamme des suppléments commercialement disponibles.
L’étude a donné un autre résultat important. Deux des bénéfices de l’exercice physique régulier sont que les corps humains deviennent plus sensibles à l’insuline, ce qui signifie que l’individu est moins susceptible d’être diabétique ; et qu’ils peuvent produire plus d’énergie, par la création de plus d’unités de “centrales énergétiques” dans les cellules qui sont connues pour être les mitochondries.
Les individus de cette étude qui ont pris les vitamines ont trouvé que ces bénéfices étaient, dans une certaine mesure, atténués. Cela montre que ces suppléments pourraient faire plus de mal que de bien, surtout si vous les prenez en grandes quantités.
La caféine
Les gens ne prennent pas de caféine pour aider leurs corps à s’adapter à l’entrainement, mais plutôt pour améliorer leur performance pendant une simple séance de sport, comme un jour de compétition.
Le fait de prendre des suppléments de caféine va en effet prolonger votre endurance pendant l’exercice. Ceux qui aiment le café seront heureux d’apprendre [8] que vous pouvez obtenir les mêmes bénéfices en consommant normalement du café, bien que ce ne soit pas forcément facile pendant qu’on coure.
Les boissons énergisantes
Les boissons à base d’hydrates de carbone existent depuis longtemps, et ont été considérées comme valables pour leur action qui est d’augmenter la distribution d’énergie dans le corps, et de permettre une meilleure hydratation. Mais ces dernières années, les preuves qui soutiennent leur aptitude à améliorer la performance sportive ont été remises en cause [9]. Bien que ces boissons sont sans doute utiles pendant un exercice prolongé, sur des durées d’environ deux heures, elles sont souvent consommées pour des séances beaucoup plus courtes où elles ne présentent que très peu d’intérêt [10].
Il y a aussi eu quelques soucis ces dernières années [11] chez les enfants qui consomment ces boissons, et qui font peu de sport, ce qui augmente donc leurs apports en sucres et en calories et contribue peut-être à l’épidémie d’obésité. Ces boissons contiennent aussi souvent de la caféine, ce qui n’est pas non plus recommandé pour les enfants.
Les autres suppléments
Il y a de nombreux autres suppléments disponibles qui affirment être bénéfiques aux sportifs. Ceux-ci peuvent comprendre des produits comme de la bêta-alanine, des huiles de poisson, de l’acide linoléique conjugué, de la L-carnitine, de la L-arginine, des nitrates et de la vitamine D. les éléments de preuve actuels suggèrent qu’il n’y a pas de bénéfices manifestes d’une consommation de tels suppléments.
La contamination des suppléments
Une étude récente a montré que 10 % des suppléments testés contenaient des produits interdits tels que des stéroïdes. Manifestement, ceci n’est pas que le problème des sportifs qui passent un contrôle anti-dopage, car cela peut gravement mettre en danger la santé de ceux qui, confiants, prennent ces compléments alimentaires présentés comme bons pour la santé.
Pour conclure, les produits nutritionnels peuvent apporter des bénéfices aux gens qui s’entrainent, mais il y a tant de désinformation dans ce domaine que ces dépenses seront davantage inutiles qu’un réel apport pour la performance sportive ou la santé, quand ces produits ne vont pas tout simplement entraver la performance.
À la question : “quels suppléments dois-je prendre pour augmenter et améliorer mon entrainement ou ma condition physique ?”, la réponse la plus simple est : rien ! Faites du sport, mangez équilibré et prenez du plaisir !
Références :
[1] Ingestion of whey hydrolysate, casein, or soy protein isolate : effects on mixed muscle protein synthesis at rest and following resistance exercise in young men. Journal of Applied Physiology, 2009, Vol. 107 no. 987-992 DOI : 10.1152/japplphysiol.00076.2009.
[2] Nutritional regulation of muscle protein synthesis with resistance exercise : strategies to enhance anabolism. Tyler A Churchward-Venne, Nicholas A Burd, Stuart M Phillips. Nutrition & Metabolism, vol.9.
[3] Myofibrillar muscle protein synthesis rates subsequent to a meal in response to increasing doses of whey protein at rest and after resistance exercise. Am J Clin Nutr, 2014, 99 : 1 86-95 ; 2013.
[4] Essays Biochem. 2008 ;44:85-98. doi : 10.1042/BSE0440085.Improving muscle mass : response of muscle metabolism to exercise, nutrition and anabolic agents. Tipton KD, Ferrando AA.
[5] J Athl Train. 2003 Jan-Mar ; 38(1) : 44–50. PMCID : PMC155510. Creatine Supplementation Increases Total Body Water Without Altering Fluid Distribution.
[6] Proc Natl Acad Sci U S A. 2009 ;106(21):8665-70. doi : 10.1073/pnas.0903485106. Epub 2009 May 11. Antioxidants prevent health-promoting effects of physical exercise in humans.
[7] Vitamin C and E supplementation hampers cellular adaptation to endurance training in humans : a double-blind randomized controlled trial. 2014, doi : 10.1113/jphysiol.2013.267419. The Journal of Physiology.
[8] Hodgson AB, Randell RK, Jeukendrup AE (2013) The Metabolic and Performance Effects of Caffeine Compared to Coffee during Endurance Exercise. PLoS ONE 8(4) : e59561. doi:10.1371/journal.pone.0059561.
[9] The truth about sports drinks. BMJ 2012 ; 345 doi : http://dx.doi.org/10.1136/bmj.e4737.
[10] Pre-exercise carbohydrate and fat ingestion : effects on metabolism and performance. Journal of Sports Sciences, Volume 22, Issue 1, 2004
[11] Sports Drinks and Energy Drinks for Children and Adolescents : Are They Appropriate ? Pediatrics Vol. 127 No. 2011. pp. 1182 -1189.