La graisse et le muscle ont différents effets sur le transport de l’oxygène.

La consommation maximale d’oxygène, ou VO2max, donne la rapidité à laquelle on peut distribuer l’oxygène que les muscles peuvent utiliser. Son unité de base est le volume (en litres d’oxygène) par unité de temps (minutes). Mais les valeurs du VO2max que nous utilisons habituellement sont aussi à l’échelle du poids du corps (avec des unités en millilitres d’oxygène par minute par kilo de poids de corps). En gros, quelqu’un qui pèse 100 kilos devrait transporter deux fois plus d’oxygène que quelqu’un qui pèse 50 kilos, même s’ils ont exactement le même niveau de forme physique. Le fait de diviser le VO2max par le poids permet de comparer les valeurs entre des individus de différentes corpulences.

Du moins s’agit-il de la théorie. Car le problème est que quelqu’un qui pèse 100 kg n’est pas seulement une version à l’échelle supérieure de quelqu’un qui pèse 50 kg. Ils auront chacun différentes quantités de graisse et de muscle, probablement aussi différentes proportions de squelette, etc. La raison pour laquelle les gens plus gros utilisent plus d’oxygène est qu’ils ont plus de muscles. Car c’est le muscle qui utilise l’oxygène pour assister le métabolisme aérobique, ainsi des quantités différentes de graisse ne font qu’apporter de la confusion au problème.

Certains athlètes se plaignent de ce que la mesure habituelle du VO2max est “injuste” car elle pénalise les sportifs au volume musculaire plus important, et qui ont donc des valeurs de VO2max qui semblent plus faibles. Les valeurs les plus élevées de VO2max dans le monde (quand elles sont divisées par le poids total) se retrouvent chez les coureurs, les cyclistes ou les skieurs de fonds qui sont des athlètes plus fins, tandis que des rameurs ont par exemple des valeurs absolues de VO2max (non divisées par le poids) parmi les plus hautes.

Or une étude récente de chercheurs Finlandais, publiée dans Clinical Physiology and Functional Imaging [1], affirme qu’il est plus sensé de le diviser par la masse de tissu maigre et mou (c’est-à-dire sans compter la graisse ni les os) plutôt que par le poids total étant donné que ce sont ces tissus qui utilisent vraiment l’oxygène. Ils ont testé cette idée sur un échantillon de 38 jeunes enfants ; voici ce qu’ils ont trouvé :


Le graphique du haut montre la relation entre le poids de corps total et le VO2max absolu. Si le VO2max était réellement proportionnel au poids, on devrait s’attendre à voir une ligne droite, mais au lieu de cela les valeurs s’écartent toutes de la référence (ligne pleine). À noter que les filles (les cercles) et les garçons (les triangles) se groupent généralement ensemble, ce qui n’est pas surprenant étant donné que les garçons et les filles ont différentes quantités de graisse corporelle. Mais même à l’intérieur des sexes, ce n’est pas une ligne droite. Le second graphique montre la taille contre le VO2max, et les valeurs sont de nouveau loin d’être en ligne droite. Mais le troisième graphique affiche une belle et claire relation linéaire, ce qui montre que la masse maigre (mesurée par absorption biphotonique à rayons X, DXA) est grosso-modo proportionnelle au VO2max.

En d’autres termes, si vous voulez comparer la forme cardiorespiratoire d’un groupe de gens, le fait de diviser par la masse maigre vous donnera la meilleure mesure de leur capacité réelle de traitement de l’oxygène qui ne sera pas biaisée par leur corpulence. Bien entendu, les scans DXA ne sont pas la meilleure chose au monde, mais les chercheurs ont trouvé que la relation était toujours vraie si vous utilisez des mesures électriques du corps (qui sont plus facilement accessibles) pour estimer la masse maigre.

Alors est-ce que cela veut dire que le fait de diviser de façon traditionnelle le VO2max par le poids est inutile ? Pas nécessairement. Les chercheurs ont fait plus d’analyses pour montrer que cette méthode est en fait inversement proportionnelle à la masse grasse, c’est-à-dire que plus vous avez de graisse corporelle, et plus le VO2max est bas. En fait, la masse grasse est un meilleur indicateur du VO2max relatif que la performance de l’exercice (la distance ou la rapidité lors des tests de VO2max). Cela montre que le VO2max traditionnel est en réalité une mesure combinée de deux caractéristiques différentes : la forme physique (i.e. le VO2max divisé par la masse maigre) et la quantité de graisse dans le corps (la masse grasse). C’est pourquoi ce VO2max est un bon indicateur de la santé future, remarquent les chercheurs, parce qu’il associe ces deux facteurs clés pour la santé.

Cela a aussi des implications concernant le débat opposant le niveau de gras dans le corps au niveau de forme physique. Il y a un corps de recherches qui montre que votre niveau de graisse dans le corps n’a pas obligatoirement d’importance sur votre santé future si votre forme cardiorespiratoire reste bonne. En d’autres termes, deux personnes qui ont un IMC de 25 et 35 auraient les mêmes résultats concernant la santé s’ils avaient le même VO2max relatif. Mais est-ce que cette analyse tient toujours si nous réalisons que le VO2max relatif dépend vraiment du taux de graisse ?

Références :

[1] Clin Physiol Funct Imaging. 2014 Aug 27. doi : 10.1111/cpf.12185. Measures of cardiorespiratory fitness in relation to measures of body size and composition among children. Tompuri T, Lintu N, Savonen K, Laitinen T, Laaksonen D, Jääskeläinen J, Lakka TA.

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