Une étude du Wellcome Trust Center pour l’Imagerie Cérébrale de l’UCL (University College London) a découvert que la testostérone fait que nous surévaluons nos propres opinions aux dépens de la coopération. Ces résultats pourraient avoir des implications dans la façon dont les décisions en groupe sont affectées par des individus dominants.
Les problèmes qui se règlent en groupe peuvent apporter des bénéfices sur les décisions des individus étant donné que nous sommes capables de partager notre information et expertise.
Cependant, il y a une tension entre la coopération et le comportement orienté sur soi-même : tandis que les groupes pourraient tirer bénéfice d’une intelligence collective, le fait de collaborer trop étroitement pourrait facilement conduire à un groupe de réflexion non critique aboutissant à des décisions qui sont mauvaises pour tout le monde.
Les tentatives pour comprendre les mécanismes biologiques sous-jacents à la prise de décision en groupe se sont focalisées sur les facteurs qui favorisent la coopération. La recherche a montré que les gens qui recevaient de l’hormone ocytocine tendaient à être plus sociables et coopératifs. Mais dans l’étude publiée dans les Proceedings of the Royal Society B [1], des chercheurs ont montré que l’hormone testostérone avait l’effet opposé, en d’autres termes qu’elle faisait que les gens agissent de façon moins collaborative et plus égoïstement.
Le Dr Nick Wright et ses collègues de l’UCL ont réalisé une série de tests en utilisant 17 paires de volontaires femmes qui ne s’étaient jamais rencontrées auparavant. Le test s’est déroulé sur deux jours, entrecoupé d’une semaine. Pendant l’une des journées, les volontaires de chaque paire ont reçu des suppléments de testostérone [2], le deuxième jour ils ont reçu un placébo.
Pendant l’expérience, les deux femmes se sont assises dans la même pièce et regardaient leur propre écran. Les deux individus voyaient exactement la même chose. Premièrement, dans chaque essai on leur montrait deux images, l’une qui contenait une cible très contrastée – et leur travail était de décider individuellement quelle image contenait la cible. Si leurs choix individuels coïncidaient, elles recevaient un retour d’information et passaient à la prochaine étape. Cependant, si elles étaient en désaccord alors on leur demandait de collaborer et de discuter avec leur partenaire pour trouver une décision commune. L’une des deux devait donc accepter la décision conjointe.
Les chercheurs ont découvert que, comme ils s’y attendaient, la coopération permettait au groupe d’être meilleur qu’individuellement quand les individus avaient reçu le placebo seulement. Mais quand on leur donnait le supplément de testostérone, le bénéfice de la coopération était nettement réduit. En fait, des niveaux plus importants de testostérone étaient associés à un comportement égocentrique des individus, et ceux-ci décidaient alors en faveur de leur propre sélection sur celle de leur partenaire.
“Quand nous prenons des décisions en groupe, nous dessinons une mince ligne entre la coopération et l’intérêt égoïste : trop de coopération et nous pourrions ne jamais y arriver, mais si nous sommes trop égoïstes, nous sommes susceptibles d’ignorer les personnes qui ont une vraie perspicacité” explique le Dr Wright.
“Notre comportement semble être modéré par nos hormones – nous savons déjà que l’ocytocine peut nous rendre plus coopérants, mais si c’était la seule hormone à agir sur nos prises de décisions en groupe, cela déformerait beaucoup nos décisions. Nous avons montré qu’en fait la testostérone affecte aussi nos décisions en nous rendant plus égotiques. La plupart du temps, cela nous permet de chercher la meilleure solution à un problème, mais parfois trop de testostérone peut nous aveugler vis-à-vis des points de vue des autres. Cela peut être très important quand nous parlons d’un individu dominant qui essaye de soutenir son opinion devant un jury.”
La testostérone est impliquée dans tout un ensemble de comportements sociaux. Chez les chimpanzés par exemple, les niveaux de testostérone augmentent face à une confrontation ou un combat. Chez les femmes en prison, des études ont montré que des niveaux de testostérone plus élevés étaient corrélés avec une augmentation des comportements antisociaux et une plus forte agressivité. Les chercheurs pensent que ces résultats reflètent un rôle plus général de la testostérone, en augmentant la motivation à dominer les autres et à augmenter l’égocentrisme.
Références :
[1] Testosterone disrupts human collaboration by increasing egocentric choices. Nicholas D. Wright, Bahador Bahrami, Emily Johnson, Gina Di Malta, Geraint Rees, Christopher D. Frith, Raymond J. Dolan, Proc. R. Soc. B.
[2] La testostérone est secrétée naturellement chez les hommes et les femmes, et les niveaux de testostérone sont corrélés avec des comportements importants (par ex. le comportement antisocial) chez les hommes comme chez les femmes.
Pour la dose donnée expérimentalement, cela augmentait nettement les niveaux de testostérone chez les femmes de ses niveaux normaux. Chez les hommes cependant, c’était plus compliqué : les hommes ont déjà des niveaux de testostérone élevés, et leur donner de telles doses diminuerait leur propre production de testostérone, un effet retour qui agirait en compensant l’augmentation causée par le traitement lui-même. Les chercheurs ont pour cette raison eu recours à des sujets féminins, car les doses expérimentales standards causent une augmentation directe et caractéristique des niveaux de testostérone.