Tout le monde aime le “paradoxe Français”. C’est une expression forgée en 1980 par des scientifiques Français dans leur article de recherche sur les maladies cardiovasculaires et la consommation de graisse [1]. Elle fait référence au fait que bien qu’ils aient une alimentation riche en graisses, les Français auraient des niveaux de maladies cardiovasculaires relativement bas, surtout comparés aux voisins Anglais.

Plusieurs études ont suivi qui semblaient toutes confirmer cette idée [2]. En cherchant à expliquer ce paradoxe, certains scientifiques ont fait notamment remarquer que les Français consommaient plus de vin par personne que dans les autres pays [3]. Peut-être, ont-ils supposé, que le vin rouge était une espèce de super-aliment qui aurait des qualités protectrices.

Il semblait acquis, pendant quelques années favorables aux viticulteurs, que nous puissions nous gaver de fromage et de saucisson pour ensuite nettoyer nos artères avec une bouteille de vin rouge. Mais cela semblait trop beau pour être vrai, et ça l’était en effet.

Les études, comme celles citées plus haut, sont des études épidémiologiques qui ne reposent que sur des corrélations entre plusieurs facteurs, comme les maladies de cœur et la consommation de vin rouge. Mais corrélation n’est pas causalité, et un facteur qui a été ignoré était que le régime alimentaire français était généralement plus sain que dans les autres pays à l’époque, de type régime méditerranéen. Ce type d’alimentation repose sur une quantité importante de fruits, de légumes, de céréales complètes et d’huile d’olive, avec des quantités limitées de protéines maigres provenant du poisson et de la volaille. Les études ont démontré que le fait de suivre un régime alimentaire de type méditerranéen est bon pour la santé cardiovasculaire [4].

Pas complètement inutile

Ainsi, les études contrôlées ont confirmé le rôle d’une alimentation saine sur la santé cardiovasculaire plutôt que dans le fait de boire du vin rouge uniquement. Cependant, le fait de réfuter totalement le paradoxe français serait peu judicieux, car les chercheurs ont aussi identifié un groupe de composés chimiques présent dans les fruits, les légumes et le vin rouge qui a des propriétés protectrices pour la santé, y compris pour le cœur. Ces éléments chimiques sont appelés les “polyphénols”. L’un des polyphénols le plus étudié est le resvératrol, qu’on trouve abondamment dans les grappes de raisin et donc dans le vin rouge.

Le resvératrol est par nature un élément chimique protecteur, qui aide la plante quand elle est agressée par des insectes, des bactéries ou par trop de lumière ultraviolette. Ces mêmes propriétés protectrices se retrouvent aussi dans les recherches sur les animaux et les êtres humains avec du resvératrol. Les problème est que les humains devraient consommer une quantité impossible de vin pour égaliser les doses données dans ces études. Les 500 mg de resvératrol utilisées dans les nombreuses études sur les êtres humains équivaudraient à 40 litres de vin ! Vous mourrez d’empoisonnement à l’alcool avant de pouvoir atteindre cette dose expérimentale. Alors pourquoi les chercheurs étudient toujours le resvératrol bien qu’il ne puisse pas expliquer le paradoxe français ?

Il stimule le cerveau

Malgré les hautes doses utilisées dans les études, le resvératrol est à l’origine d’intéressantes découvertes. Cela a commencé il y a environ dix ans quand on a découvert qu’il augmentait significativement l’espérance de vie chez la levure, les vers et les poissons en ralentissant leur métabolisme [5]. Il n’y a pas de preuve que le resvératrol augmente la longévité humaine, mais les découvertes montrent que le resvératrol pourrait ralentir le processus du vieillissement grâce à ses propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires.

Il agit aussi comme l’hormone féminine œstrogène, et les phytoestrogènes alimentaires (œstrogène végétal) ont montré qu’ils avaient un effet positif sur l’humeur et la performance mentale chez les femmes pendant la ménopause, lorsque les niveaux d’œstrogène commencent à décliner [6]. Il peut aussi aider à lutter contre l’ostéoporose qui est souvent une conséquence de la chute des œstrogènes pendant la ménopause.

Des chercheurs du Brain Performance and Nutrition Research Centre de l’université de Northumbria étudient la capacité du resvératrol à améliorer le flux sanguin dans le cerveau humain et l’hypothèse selon laquelle cela pourrait stimuler la performance mentale.

Comment le resvératrol fait-il cela ? Simplement en s’attachant aux capacités naturelles du corps à élever le flux sanguin quand le cerveau est actif, comme quand on fait des calculs mentaux par exemple, qui implique un élément neurochimique appelé l’oxyde nitrique qui élargit les vaisseaux sanguins de cette région du cerveau. Cet afflux supplémentaire de sang apporte plus de carburant (du sucre et de l’oxygène dans le sang) pour alimenter des cellules cérébrales gourmandes afin qu’elles puissent faire les calculs mentaux plus rapidement et avec plus de précision. Le resvératrol stimule davantage cette réaction de l’oxyde nitrique et on peut supposer que plus de carburant signifie une meilleure performance mentale.

Cependant, quand cette théorie est mise à l’épreuve sur des volontaires jeunes et en bonne santé, ils ne semblent pas profiter d’une stimulation du cerveau provenant du resvératrol, et cela vient probablement du fait qu’ils n’en ont pas besoin [7]. Pourtant, des études en cours qui seront prochainement publiées vont peut-être montrer que les personnes plus âgées (de 50 à 70 ans) vont tirer un bénéfice de cette provision de carburant supplémentaire ; résultat qui a déjà été vu avec d’autres polyphénols, comme ceux qu’on trouve dans le cacao [8]. Ainsi, le vin rouge ne peut pas expliquer le paradoxe français, mais les polyphénols, comme le resvératrol, qu’on retrouve dans le vin, sont prometteurs, et peut-être que l’un d’entre eux pourra booster le cerveau en vieillissant.

Références :

[1] The French paradox and other ecological fallacies. International Journal of Epidemiology, 2001.

[2] Factors associated with cardiac mortality in developed countries with particular reference to the consumption of wine. The Lancet, 1979.

[3] Lancet, 1994. Does diet or alcohol explain the French paradox ?

[4] Mediterranean diet, traditional risk factors, and the rate of cardiovascular complications after myocardial infarction : final report of the Lyon Diet Heart Study. Circulation, 1999.

[5] Resveratrol Prolongs Lifespan and Retards the Onset of Age-Related Markers in a Short-Lived Vertebrate. Current Biology, 2006.

[6] Cognitive improvement after 6 weeks of soy supplements in postmenopausal women is limited to frontal lobe function. Menopause, 2005.

[7] Effects of resveratrol on cerebral blood flow variables and cognitive performance in humans : a double-blind, placebo-controlled, crossover investigation. Am J Clin Nutr, 2010.

[8] Cocoa flavanol consumption improves cognitive function, blood pressure control, and metabolic profile in elderly subjects : the Cocoa, Cognition, and Aging (CoCoA) Study—a randomized controlled trial. Am J Clin Nutr, 2015.

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