Est-ce que les coureurs pieds-nus sont moins victimes de blessures que ceux qui courent avec des chaussures hors de prix ? Peut-être bien que oui, d’après une étude publiée dans le Journal of the American Academy of Orthopaedic Surgeons (JAAOS) [1]. Les progrès réalisés dans la technologie des chaussures de course ces 40 dernières années n’ont pas fait baisser le taux de blessures, mais le fait de courir “pieds-nus”, dans des chaussures minimalistes, pourrait aider les coureurs à modifier leur démarche pour prévenir des douleurs répétitives au talon et les fractures liées au stress.

Trois coureurs actifs sur quatre souffrent de blessures, principalement au genou et à la partie inférieure de la jambe. La plupart des coureurs longue distance qui utilisent des chaussures de course qui amortissent les chocs ont une démarche de course du talon vers les orteils, ou sur l’arrière du pied. Cette action est associée à des foulées plus grandes et à une charge excessive portée sur les jambes – jusqu’à trois fois le poids du coureur – les genoux et les hanches. Ceci conduit à provoquer des blessures aux os et aux tissus mous, à des fractures de stress au tibia et à une sévère douleur au talon comme la fasciite plantaire.

La course à pieds minimaliste, y compris pieds-nus, est devenue très populaire ces dernières années. Les chaussures minimalistes ont des semelles très fines et sans coussins amortisseurs et sont plus flexibles que les chaussures de course conventionnelles. Les partisans des chaussures minimalistes pensent que ces chaussures modifient leur foulée et ainsi l’avant ou le milieu du pied frappe le sol en premier, ce qui réduit le stress de la charge sur le genou, les mollets et le talon. Un placement du pied plus à plat dissipe la charge de l’impact sur le talon.

“Les blessures chez les coureurs longue distance sont incroyablement fréquentes, et tandis que certaines recherches sur les chaussures minimalistes semblent prometteuses au regard de la prévention des blessures, il y a toujours beaucoup d’inconnues et le débat est toujours d’actualité,” explique Jonathan Roth, chirurgien orthopédique et l’auteur de l’étude. “Les preuves à ce jour montrent que le type de démarche, et non pas le choix des chaussures, est la meilleure intervention pour faire baisser la fréquence des blessures chez les coureurs. Les chaussures minimalistes pourraient offrir un meilleur feedback des sensations aux coureurs et donc leur permettre de se focaliser sur un changement de leur démarche, mais tout le monde ne le fait pas et ceci peut conduire à plus de blessures.”

Le Dr Roth ajoute que la popularité croissante de la course minimaliste a dépassé les preuves médicales de ses bénéfices. Cependant, la littérature orthopédique a démontré qu’avec des chaussures moins rembourrées et moins amortissantes, les coureurs font spontanément la transition d’une démarche du talon vers l’avant du pied vers une démarche sur l’avant du pied. On ne sait pas encore si le fait de courir sur l’avant du pied peut vraiment réduire les blessures, mais des données plus convaincantes ont été publiées dans une étude de 2012 qui avait impliqué toute une équipe de cross-country. Les résultats avaient montré que :

 Les athlètes avaient un taux de blessures de 75 % par an, catégorisé soit comme traumatique soit comme répétitif,

 le type de démarche et de frappe du pied sur le sol a été caractérisé pour chaque athlète et a montré que 31 % couraient sur l’avant du pied et que 69 % couraient en frappant le sol avec le talon vers l’avant du pied,

 qu’il n’y avait pas de différence dans le taux de blessures traumatiques entre les deux types de démarches,

 mais que les coureurs qui frappaient le sol avec l’avant du pied avaient 1,7 fois moins de blessures récurrentes que ceux qui couraient en frappant le sol avec le talon.

Les autres résultats provenant de la littérature scientifique ont aussi montré que :

 Le fait de courir pieds-nus ou avec des chaussures minimalistes n’est pas source de blessures ni ne pose de risques d’être victime de fractures de stress métatarsien (orteils), ni de fasciite plantaire ni de plaies perforantes ;

 les coureurs peuvent faire une transition vers le mode de course sur l’avant du pied avec des chaussures ;

 que le fait de courir pieds-nus ou chaussé de chaussures minimalistes est un phénomène émergeant qui nécessite plus de recherches, notamment en orthopédie, pour identifier les véritables bénéfices et risques de ce type de course à pieds.

Les coureurs qui voudraient essayer les chaussures minimalistes pour avoir plus de sensations et réduire leur démarche sur le talon pour frapper le sol plutôt sur l’avant du pied, devraient commencer comme s’ils n’étaient pas déjà des coureurs réguliers, en marchant et en augmentant graduellement la distance de course semaine après semaine, disent les chercheurs. Cela leur permettra de se constituer plus de force, de souplesse, de stabilité et d’endurance sur le pied et la cheville.

La transition d’une démarche vers une autre doit être un processus graduel, sur plusieurs mois. Les coureurs doivent courir sur une courte distance pendant la période de transition et toujours se souvenir de la règle des 10 % quand ils augmentent la distance. Le fait de passer brutalement d’un type de démarche à un autre peut conduire à une augmentation des autres blessures récurrentes de stress si cela n’est pas fait correctement.

Références :

[1] Jonathan Roth, Julie Neumann, Matthew Tao. Orthopaedic Perspective on Barefoot and Minimalist Running. Journal of the American Academy of Orthopaedic Surgeons, 2016 ; 24 (3) : 180.

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