Certains des effets des étirements sont surtout dans la tête.

Il y a un débat récurrent sur le fait de savoir si les étirements avant et/ou après avoir couru sont utiles. Mais on se pose moins de questions à propos de ce que produisent vraiment les étirements, ce qui change au niveau musculaire, neuromusculaire et biomécanique quand nous nous étirons. Une récente étude publiée dans le Journal of Applied Physiology [1], réalisée par une équipe internationale de chercheurs d’Australie, des États-Unis, du Royaume-Uni et du Danemark, a analysé de façon très détaillée les modifications consécutives à un programme d’étirements statiques de trois semaines des mollets réalisés deux fois par jour.

Leur étude est assez compliquée. Ils ont essayé de mesurer le plus de paramètres auxquels ils ont pensé, et pas seulement l’éventail des changements en ce qui concerne les mouvements, mais aussi comment les propriétés des tendons étaient modifiées, comment l’activité électrique dans les muscles changeait dans des angles différents, comment la communication des muscles en direction de la moelle épinière et du cerveau était affectée, etc. Plusieurs messages clés en sont ressortis.

Premièrement, ils sont surtout tombés d’accord avec des recherches antérieures qui avaient montré que le fait d’augmenter l’amplitude de mouvement après un programme d’étirements prolongés est principalement le résultat d’une plus grande tolérance de la sensation d’étirement, plutôt que d’un assouplissement du bloc muscle-tendon. C’est-à-dire que vous arrivez mieux à tirer un peu plus loin quand vous êtes à l’extrême limite de votre amplitude de mouvement. Ci-dessous certaines données qui illustrent leur recherche :


Les graphiques du dessus montrent que les étirements (STR) augmentent l’amplitude de mouvement des mollets plus efficacement que les groupes de contrôle (CON) qui n’en faisaient pas du tout. Mais le graphique d’en bas apporte un certain éclairage sur la façon dont l’amplitude de mouvement augmente : cela montre fondamentalement la difficulté qu’a une machine à se pousser afin d’atteindre le niveau où les sujets disent : “ok, stop, c’est le maximum que les articulations puissent faire.”

Si les étirements rendaient les muscles et les tendons “plus souples”, alors on devrait s’attendre à ce que les forces soient les mêmes mais que l’étirement soit plus important. Au lieu de cela, nous voyons que les forces sont plus grandes après le programme d’étirements : les sujets sont capables de pousser plus dur afin d’atteindre une amplitude de mouvement plus importante. En d’autres termes, les étirements ont seulement augmenté la “tolérance à l’étirement” plutôt que d’avoir étiré les muscles.

Ce n’est cependant pas si simple. L’étude a aussi analysé les contributions séparées des muscles et des tendons à cette augmentation de l’amplitude de mouvement (les tendons sont ce qui relie les muscles aux os sur lesquels ils tirent). La rigidité globale du bloc muscle-tendon n’a pas significativement changé, mais cette absence de résultat masque le fait que le muscle lui-même semblait être moins raide tandis que le tendon n’avait pas du tout changé.

Ainsi, l’amplitude de mouvement supplémentaire provient d’avoir tiré plus dur sur le muscle et de l’avoir allongé. De nouveau, leur résumé met l’accent sur le fait que la tolérance à l’étirement semble être l’élément clé : “la conclusion logique est que tandis que certains facteurs musculo-tendineux pourraient influencer l’amplitude de mouvement, la tolérance à l’étirement est le facteur le plus important.”

Qu’est-ce que cela veut dire concrètement ? Si les principaux résultats des étirements sont d’être “meilleur aux étirements”, plutôt que de modifier les propriétés élastiques des muscles et des tendons, cela va à l’encontre de l’idée que les étirements statiques ont un rôle important pour ce qui est d’éviter les blessures, excepté pour les cas où l’amplitude de mouvement est très limitée. Mais les résultats montrent que la rigidité musculaire change un peu, ce qui laisse la porte entrouverte et que ce débat n’est pas prêt d’être clos.

Références :

[1] Range of motion, neuromechanical, and architectural adaptations to plantar flexor stretch training in humans. J Appl Physiol. 2014 ; 117(5):452-62. doi : 10.1152/japplphysiol.00204.2014. 2014.

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