Le cerveau est un organe en deux moitiés, le côté droit et le côté gauche. Il y a de nombreuses fonctions cérébrales, comme le langage ou la main qu’on utilise pour écrire, qui sont organisées principalement dans un côté ou l’autre du cerveau.
Des tests comportementaux simples permettent de voir comment cette organisation est révélée à travers des biais dans la façon dont nous voyons et interagissons avec le monde – et les uns avec les autres– souvent sans en être conscient.
Le fait d’examiner comment les individus perçoivent un diagramme de lignes et angles diversement orientés donnent des clés montrant que les gens ont des défauts subconscients pour voir des choses hors des orientations habituelles [1].
Les scientifiques ont réalisé que ceci pourrait aussi être lié à un certain nombre d’instincts physiques qu’ont les gens, comme la façon dont ils inclinent leurs têtes. Après avoir analysé une recherche en psychophysique visuelle et en neuroscience visuelle, ils ont vu différents phénomènes perceptifs et comportementaux dans lesquels les humains peuvent avoir des biais directionnels [2].
Beaucoup de ces comportements directionnels sont perçus tôt dans la vie. Par exemple, les nourrissons ont un biais initial qui leur fait tourner la tête vers la droite (et en conséquence allonger le bras gauche pour compenser ce mouvement). Certaines recherches passées ont trouvé qu’un tel mouvement directionnel instinctif vers la droite persistait à l’âge adulte – quand un adulte en embrasse un autre sur la bouche, leurs têtes tendent à s’incliner automatiquement à droite [3]. Mais s’agit-il d’une extension du biais avec lequel sont nés les humains, ou bien ont-ils simplement appris à embrasser de cette manière ?
Dans les sociétés modernes, il est fréquent de voir des gens s’embrasser en public, à la télévision et dans les films. Mais est-ce que ces bisous à l’écran reflètent la société, ou influencent-ils le comportement des gens ? La première recherche sur le sujet a été réalisée dans des sociétés occidentales, industrialisées, riches et démocratiques. Ainsi, leurs conclusions pourraient ne pas refléter ce que les humains font naturellement en l’absence d’un apprentissage par l’observation.
Le Bangladesh semble être un pays qui ne fasse pas partie de cette catégorie et il est donc intéressant pour l’examiner. C’est un pays musulman conservateur ou les embrassades en public sont interdites, et même censurées à la télévision ou dans les films. Ainsi, tandis que des résultats identiques des pays occidentaux pourraient être attribués à une forme d’apprentissage social ou à des facteurs socio-culturels, on ne peut pas en dire de même pour le Bangladesh.
Dans le cadre de leur étude, les chercheurs ont demandé à des couples mariés du Bangladesh de s’embrasser en privé dans leur maison. Puis ils sont venus dans différentes pièces pour rapporter les différents aspects de leur baiser indépendamment de chaque partenaire.
Les résultats ont montré que plus des deux tiers des individus qui s’embrassent avaient un biais en inclinant leur tête vers la droite [4]. Quand ils initient leur “mouvement” de tête pour s’embrasser (les hommes étaient 15 fois plus susceptibles d’être les initiateurs du baiser) les gens droitiers inclinaient la tête à droite et les gauchers l’inclinaient vers la gauche.
La personne qui est embrassée, quel que soit le fait qu’elle soit gauchère ou droitière, répondait en s’adaptant à l’inclinaison de la tête du partenaire. Il aurait été maladroit d’aller de l’autre côté comme l’ont rapporté la plupart des embrassées et des initiateurs des baisers dans l’étude.
Il s’avère que les êtres humains sont identiques, même si nos valeurs sociales et les habitudes auxquelles nous sommes exposés diffèrent. Ce biais dans l’action du baiser est probablement inné et déterminé par le fait que le cerveau sépare les tâches en ses différents hémisphères, comme le fait d’être soit droitier soit gaucher. Il s’agit peut-être plus précisément des fonctions de l’hémisphère cérébrale gauche, localisées dans les aires du cerveau dédiées à l’émotion et à la prise de décision.
Différents niveaux d’hormones (comme la testostérone) dans chaque hémisphère et les neurotransmetteurs pourraient être distribués de manière inégale dans chaque hémisphère (comme la dopamine impliquée dans les comportements de récompense) qui favorisent un biais pour incliner la tête vers la droite.
Si vous inclinez la tête vers la gauche en embrassant, vous pourriez faire partie d’une minorité. Mais ne vous inquiétez pas, si la personne en face veut être embrassée, elle va certainement incliner sa tête vers la gauche aussi !
Références :
[1] Adv Cogn Psychol. 2010 Dec 15 ;6:103-15. The what and why of perceptual asymmetries in the visual domain.
[2] Anticlockwise or clockwise ? A dynamic Perception-Action-Laterality model for directionality bias in visuospatial functioning. Neurosci Biobehav Rev. 2016 Sep ;68:669-693.
[3] Human behaviour : Adult persistence of head-turning asymmetry. Nature 421, 711, 2003.
[4] The right way to kiss : directionality bias in head-turning during kissing. Scientific Reports 7, 2017.