Pour la plupart des gens, le sommeil n’est pas perturbé par une envie pressante d’aller uriner, parce que notre vessie semble pouvoir s’accommoder de plus d’urine pendant la nuit. Mais comment cela est-il possible ? Et pourquoi certaines personnes sont incapables de se retenir, était resté un mystère jusqu’à aujourd’hui.
Une recherche, publiée dans le journal Nature Communications [1], montre que l’horloge interne du corps contrôle la production d’une protéine clé qui permet de réguler la capacité de la vessie à contenir de l’urine avant d’avoir besoin de la vider.
Les chercheurs expliquent que ces résultats pourraient plus tard aider à promouvoir de nouvelles thérapies pour aider les enfants qui mouillent involontairement leur lit pendant la nuit, ou les adultes qui doivent régulièrement se lever pour aller uriner.
Dans certaines conditions il pourrait y avoir un dérangement du rythme circadien de façon à ce que la mauvaise quantité de protéine soit produite au mauvais moment de la journée. En ciblant cette protéine, appelée connexin43, les chercheurs pourraient être en mesure de produire la bonne quantité de la protéine au bon moment.
Trouver le bon rythme
Des recherches passées avaient montré que des souris qui avaient une quantité plus importante de connexin43 avaient une capacité fonctionnelle plus réduite de la vessie – c’est-à-dire qui exigeait moins de liquide avant de provoquer le besoin d’aller faire pipi. Des chercheurs au Japon se demandaient quel rôle jouait la protéine dans la fonction d’une vessie normale, et comment elle était affectée par l’heure du jour. Alors que les scientifiques savent depuis longtemps que les êtres humains et les autres animaux ont des différences jour/nuit dans la capacité fonctionnelle de leur vessie, on ne savait pas si ces différences étaient dues à la lumière, ou si elles étaient gouvernées par un rythme circadien (quotidien) intrinsèque.
Pour le savoir, les chercheurs devaient déterminer comment et à quelle fréquence les souris urinaient pendant la journée, une mesure qui est plus difficile qu’il n’y parait. “Les moments où la souris va uriner sont très courts, ce n’est pas comme si elles allaient pisser dans une coupe” explique la chercheuse.
Les chercheurs ont donc développé une machine qui changeait constamment le papier sous une cage de souris pour capturer l’urine, ils ont vu que des différences nuit/jour d’urination existaient, même quand elles étaient dans le noir pendant 24 heures. En outre, ce modèle d’urination normal disparaissait chez les souris qui avaient une horloge biologique défectueuse, montrant pour la première fois que l’urination est un rythme circadien intrinsèque.
Les chercheurs ont aussi découvert que les souris qui avaient un gène connexin43 anormal, qui produit la protéine connexin43, urinaient moins fréquemment que les souris normales. Et quand ils ont examiné les cellules musculaires de la vessie des souris normales, ils ont trouvé que l’expression du gène connexin43 oscillait pendant la journée et était gouverné par une certaine molécule avec une horloge circadienne.
Pris ensemble, les résultats montrent que la connexin43, qui permet de réguler la capacité fonctionnelle de la vessie, change selon notre horloge biologique. Si votre corps produit la mauvaise quantité de connexin43, ou si votre horloge biologique est en panne, vous pourriez vous retrouver dans les toilettes en pleine nuit plus souvent que vous le voudriez.
Traiter les problèmes de vessie
Cette recherche permet d’expliquer pourquoi les gens en bonne santé n’urinent pas pendant la nuit, du point de vue de la fonction de la vessie. Cependant, les chercheurs insistent sur le fait que les autres protéines et gènes réglés de façon circadienne sont aussi susceptibles d’affecter la capacité fonctionnelle de la vessie.
Quelque-soit le cas, la recherche a des implications dans le traitement des problèmes urinaires de la nuit chez les enfants et les personnes âgées, disent-ils. Résoudre de tels problèmes pourraient impliquer d’examiner la production d’urine dans les reins et les niveaux d’excitation du cerveau, en plus de la capacité de la vessie.
Ainsi pouvons-nous envisager de traiter ces patients de deux façons, explique Kanematsu. La première approche est de fixer les rythmes circadiens eux-mêmes, soit par des moyens comportementaux ou des médicaments. L’autre façon est de trouver des cibles thérapeutiques dans chaque organe, comme la connexin43 dans la vessie.
Références :
[1] Involvement of urinary bladder Connexin43 and the circadian clock in coordination of diurnal micturition rhythm. Hiromitsu Negoro, Akihiro Kanematsu, Masao Doi, Sylvia O. Suadicani, Masahiro Matsuo, + et al. Nature Communications 3, 809 doi:10.1038/ncomms1812.