La symétrie faciale est sexy, mais ce n’est peut-être pas pour les raisons qu’invoquent les scientifiques depuis longtemps.

Les êtres humains ont une forte préférence pour les visages et les corps qui sont symétriques, ce que les psychologues de l’évolution et d’autres chercheurs qui étudient le comportement humain ont voulu expliquer en émettant la théorie que la symétrie pourrait être un signal de bonne santé.

Mais une nouvelle étude [1] a découvert que la symétrie faciale n’est pas associée à la santé, du moins pas pendant l’enfance.

“Ces résultats remettent en cause l’hypothèse selon laquelle les gens ont une préférence pour la symétrie des visages parce que ce serait un signal indiquant une bonne santé pendant le développement”, dit Nicholas Pound de l’Université Brunel de Londres et co-auteur de l’étude.

Signe de bonne santé ?

Malgré l’hypothèse partagée que la symétrie pourrait être un signal de bonne santé, des études ont montré peu de preuve de lien entre ces deux choses. Quelques petites études ont associé l’asymétrie faciale à quelques soucis de santé à court terme, comme des irritations de la gorge, mais beaucoup d’autres n’ont pas trouvé de lien du tout.

Pourtant, ces études étaient généralement petites, faisaient confiance aux participants pour qu’ils rapportent précisément leur état de santé et se focalisaient surtout sur la santé récente des participants. Dans leur nouvelle étude, les chercheurs ont examiné 4732 Britanniques de 15 et 16 ans dont la santé avait été suivie depuis la naissance.

Les chercheurs ont analysé des scans en trois dimensions des visages des adolescents, pour en analyser leur symétrie, et les ont comparés aux mesures de leur santé comprenant le poids à la naissance, les problèmes de santé durant leur enfance, l’indice de masse corporelle (IMC) et même leur quotient intellectuel (QI) à 8 ans.

Les résultats n’ont pas montré de liens entre la santé et la symétrie faciale. L’asymétrie n’était pas associée à plus de maladies infantiles, ni à un poids plus faible à la naissance ni à un IMC plus élevé. Un poids de naissance faible et un IMC élevé ont cependant chacun été associés à de nombreux problèmes de santé.

Il y avait une mince corrélation entre une plus grande symétrie et un QI plus élevé, mais le lien comptait pour moins de 1 % de la variation du QI perçu dans l’échantillon, dit Pound. La faiblesse de ce lien rend improbable le fait que l’asymétrie faciale ait quelque valeur dans le vrai monde pour ce qui est de jauger l’intelligence de quelqu’un.

“Nos résultats indiquent que choisir un partenaire avec un visage relativement symétrique ne constituerait pas une méthode efficace de sélection pour trouver un partenaire en bonne santé ou intelligent dans la population, surtout quand il existe des signaux beaucoup plus évidents de la santé d’une personne”, explique David Lawson, chercheur de l’étude et anthropologue.

Pourquoi la symétrie est importante

Les résultats de cette étude soulèvent une question : si les gens ne sont pas attirés par la symétrie parce qu’elle fournit des informations utiles sur la valeur d’un(e) partenaire potentiel(le), alors pourquoi les êtres humains trouvent-ils la symétrie si sexy ?

Une possibilité est que les gens aiment tout simplement la symétrie en toutes choses, que ce soit dans l’art jusqu’aux objets naturels et les visages. Une autre est que les gens sur-généralisent leur préférence pour la symétrie. Les troubles génétiques sérieux ou les traumatismes peuvent provoquer des asymétries importantes, bien loin des asymétries de la population générale habituellement étudiée. En d’autres termes, les gens pourraient inconsciemment chercher à éviter les asymétries mineures simplement parce qu’ils ont évolué pour éviter les plus importantes.

Ou bien, il pourrait s’agir plus qu’une question d’asymétrie. Notre psychologie a évolué longtemps avant que nous ayons la médecine moderne et la santé publique, ainsi comment cela peut-il se comparer en termes d’environnement sanitaire des populations non modernes et des environnements de chasseurs-cueilleurs, mais aussi avec toute la gamme de l’asymétrie.

Les premiers êtres humains peuvent avoir eu beaucoup de maladies, ce qui a conduit à plus d’asymétrie que les êtres humains de nos jours. Cette étude devrait être reproduite avec des populations tribales qui vivent encore comme nos ancêtres chasseurs-cueilleurs et qui sont sujets aux mêmes défis en termes de maladies et de parasites, expliquent les chercheurs.

Pour ceux qui argumentent en mettant en avant la pertinence de la fluctuation de cette asymétrie faciale, c’est plutôt décevant, mais il reste beaucoup de questions sans réponses, concluent-ils.

Références :

[1] Nicholas Pound, David W. Lawson, Arshed M. Toma, Stephen Richmond, Alexei I. Zhurov, Ian S. Penton-Voak. Facial fluctuating asymmetry is not associated with childhood ill-health in a large British cohort study. Proc. R. Soc. B. 2014 281 1792 20141639 ; doi:10.1098/rspb.2014.1639.

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